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Hier, je suis mort. N°3

Publie le mardi 24 février 2009 par Open-Publishing
4 commentaires

Michel MENGNEAU

Hier, je suis mort. N°3

Les coups de téléphone, le messager, avaient amené dans la soirée nombre de visiteurs hétéroclites.

Du côté des hommes, en particulier les anciens du village, ce genre de cérémonial ne fut pas très ambigu. Une fois au pied de mon lit de repos, un hochement de tête, une sorte de salut, deux minutes de recueillement, et direction la cuisine pour arroser çà. Tradition oblige. Un petit coup à ma santé.

Chez les femmes, ce fut plus divers. Certaines vinrent dans la simplicité me rendre un dernier hommage. D’autres firent des réflexions sur ma tenue vestimentaire, un peu choquées par mon nœud papillon. Puis elles y allèrent gaiement de leurs commentaires : Ah bé dame, l’a eu une belle mort ! L’a pas souffert ». Encore heureux, ma chère ! Mais je ne vois pas en quoi cela l’autorise à dire que c’est une belle mort. Car la mort, quelle qu’elle soit, n’est jamais belle ! Il n’en fallait pas tant, avec ce genre de propos à la con, elles com-mençaient à m’échauffer sérieusement les oreilles.

Ce n’était pourtant pour moi que les prémices d’une longue torture morale.

Vinrent les bigotes, toutes de noirs vêtues. Arrivées au pied de mon lit, sans même me dire bonjour, le signe de croix. Et rebelote, re-signe de croix.

Sur l’instant j’ai pensé qu’elles voyaient dans mon nœud « pape » le stigmate manifeste de la présence du Malin. Il est possible, au demeurant, que cette discordance dans ma tenue en ait effrayé quelques unes. Il faut cependant les comprendre. A chaque instant la tentation est là, perfide. Attention, sous quelle forme, sous quelle apparence pourrait se travestir cet être satanique pour les entraîner dans des endroits décadents ?

Eh oui, il est partout ce séducteur de l’inconcevable…

Toutefois, leur duplicité était un peu plus évidente que je ne le pensais. Car, au second signe de croix, j’ai remarqué sur le visage de beaucoup de ces cagotes comme une lueur hypocrite. J’ai alors compris ! De mon vivant, elles auraient hésité à se livrer devant moi à ces gestes ridicules sachant que j’aurais baptisé ceux-ci du nom de simagrées. Mais ne pouvant en la circonstance émettre aucune remarque à l’égard de leurs façons de faire, elles tenaient enfin leur revanche. Non seulement elles sont hypocrites, de surcroît, elles sont irres-pectueuses envers la philosophie des autres ! Que voulez-vous, elles ont été trempées dès leur enfance dans un manichéisme primaire, ce qui engendre automati-quement, chez elles, un prosélytisme décadent. Ecoeuré par leur inconduite, je commençais à regretter d’être mort.

D’autant que ça n’allait pas s’arranger puisqu’elles ont décidé de s’installer. Une veillée funèbre ça s’appelle. Pas du genre des soirées où t’invites les copains pour faire un tarot, écluser quelques bonnes bouteilles, chanter à tue-tête des chansons de corps de garde, non un truc ouaté, un silence oppressant pour ne pas réveiller un mort qui pourtant ne rêve que d’écouter la « none » de Brassens.

Pour ce faire, créer l’ambiance en somme, elles ont décidé de disposer ça et là des bougies. Ma chambre ressemblait à une cathédrale, là, c’était de trop ! N’ayant jamais très bien compris quel symbole représentait des alignements de bougies ostensiblement disposées pour certaines circonstances, en générales douloureuses, pour ne rien arranger j’étais en plus incommodé par leurs fumées noirâtres et puantes. Malgré cette iniquité à mon égard, mon imaginaire allait bon train. Pour me consoler, en puisant dans mes souvenirs, l’odeur d’un cohiba fumé par Castro me redonna du baume au cœur.

Puis, il y eut un moment de relâche, elles s’assirent en face de mon lit, pensives. Seuls quelques borborygmes d’un estomac malmené, accompagné parfois d’un pet sournois, rompaient de temps à autre le silence.

Il y avait là quelques pipelettes patentées pour qui rester pendant trop longtemps silencieuses était un exercice au-dessus de leurs forces, c’est dans la force des choses ; mais surtout, il y avait un sujet qui les « tarabustaient » : la cérémonie de mon enterrement.
Comme elle connaissait mes opinions et qu’elles avaient entendu dire que je préférais finir comme une merguez plutôt que d’être bouffé par des vers qui ne m’en seraient pas plus reconnaissant pour ça d’avoir été leur petit encas de quatre heure, des démangeaisons verbales commençaient à faire trémousser d’impatience les fessiers et trembloter les lèvres de propos retenus. Mais le pire sans doute, pour ces conditionnées de la calotte, c’est qu’il n’était nullement question de cérémonie religieuse, encore moins de fleurs et couronnes et en recommandant de jeter mes cendres dans le jardin, ou encore mieux en mer, en disant à ma compagne que l’urne ferait un excellent vase pour y mettre des roses qui furent parmi mes fleurs préférées.

Donc, n’y tenant plus, elles se mirent à jacasser en sourdine, une sorte de psalmodie égrenant des patenôtres. Le sujet étant d’une importance capitale pour ces harpies le ton commença à monter jusqu’au moment ou j’entendis tomber la sentence : « Y-a qu’à le passer à l’église, ô peut pas lui faire de mal à neu ! » (pour ceux qui ne manie pas le patois poitevin : ça ne peut pas lui faire de mal maintenant).

Par tous les Diables ! Ces salopes veulent profiter de la situation pour me faire rentrer dans ce qu’elles appellent, le droit chemin…

Eh oui, pour beaucoup, la contrainte de la foi est une évidence consciente, voire plus souvent inconsciente, qui mène les individus vers les chemins d’un conformisme de pensée dont ils ont beaucoup de mal à se débarrasser, tant est qu’ils fassent volontairement cette démarche. En effet, la culture judéo-chrétienne est tellement enracinée, perpétrée volontairement dans les esprits des plus jeunes afin de façonner de bonne heure un formatage considéré comme la bonne conscience, si bien que chez la plupart des individus il est difficile de faire abstraction de cette uniformisation de l’intellect. Donc se perpétue ainsi des croyances et des manières « d’être » tout à fait contestable.

Bref, l’insidieux non-respect d’autrui qu’elles affichaient avait fini par me réveiller.

Finalement, je ne suis pas encore mort, et tant qu’il me restera un souffle de vie je me battrais pour dénoncer l’iniquité des religions et tenter d’apporter un peu d’esprit critique qui manque si souvent

Messages

  • Monsieur,

    il me semble que vous confondiez Religion et clergé et ce qu’importe la confession. Confession ou Foi qui est un acte individuel souverain du croyant et dont on ne peut lui tenir rigueur, tout comme son opinion du moins en démocratie en se referant à la déclaration universelle des Droits de l’Homme.

    En matière de moeurs politiques aussi certains font la confusion ( à dessein ) entre citoyens, électeurs et parti une fois parvenus au pouvoir… ou entre militants et direction d’organisation politique. Et pour le coup j’imagine qu’à ce niveau vous faites le distinguo.

    Salutations.

    • Donc on n’a plus le droit d’être athée et anticlérical.

      Je ne respecte pas la religion, ni les religieux et quand les "croyants" commenceront à respecter mon athéisme je commencerai à les respecter.

      Comme on disait avant "à bas la calotte".

    • J’aime beaucoup le Salutation sec, à l’image du vieux militairte saluant l’entourage à la sorti de la messe. Cela me rapelle le "sabre et le goupillon de triste mémoire" et surtout l’image porteuse de guerre et d’intolérance. Pour tout dire, je mélange volontiers religion et clergé qui pour moi s’associe pour prêcher une parole usurpée et allégorique.

      Monsieur, je ne vous salut pas...

      http://le-ragondin.furieux.blog4ever.com

    • ARGh j’ai merdouillé j’en suis profondément affecté voir contrit pour ma maladresse et mon manque de savoir vivre.

      Pour un aspect de ma maladresse, je ne voulais que souligner le fait que la liberté est " sacrée "
      Un anarchiste doit être à même de comprendre cela aisément, il me semble mais peut être que je me trompe une fois de plus.
      La liberté d’opinion tout comme la liberté de croyance, voilà mon propos avec comme précision qu’il ne faut pas confondre le croyant sincère ( qui peut se faire abuser ) avec les appareils et leur propension à interpréter le dogme.

      Après on a le droit d’opter pour un position anticléricale, position que je comprend très très bien et que je partage tout en conservant la foi intime que vais garder pour moi ; afin qu’à mon tour je ne verse pas dans un prosélytisme autant mal venu que déplacé et aussi par respect pour vos opinions.
      " qu’il est grand le mystère de la Foi "

      Non " salutations " ne signifie pas que je suis une vielle baderne avec du sang sur les mains et des morts sur la conscience pour la gloire des banquiers et des pontes !
      Monsieur Mengneau alors A Dieu ( ça va, ça le fait comme formule ?)

      Et bonne continuation à tous, pinaise, avec tous ça je vais être en retard pour la cathéchèse (du 20 heure).