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Internet de plus en plus surveillé

Publie le jeudi 19 juin 2003 par Open-Publishing

L’association Reporters sans frontières publie son deuxième rapport sur les entraves à la liberté d’expression sur le réseau, et décerne son prix au cyberdissident tunisien Zouhair Yahyaoui.

Par David LORTHOLARY

« La Tunisie, pays du sourire. » La fiancée du cyberdissident tunisien Zouhair Yahyaoui, condamné à 2 ans de prison (lire l’article) après une parodie de procès pour avoir publié ses écrits satiriques sur le régime via son site Internet tunezine.com, met un point d’honneur à rappeler le fameux slogan... Lors de la remise du prix Cyberliberté Reporters sans frontières-Globenet à Paris, jeudi, dont le lauréat est donc son « compagnon » -qu’elle n’a pas revu depuis un an, refoulée aux portes de la Tunisie car elle fait vivre le site depuis la France-, Sophie Elwarda dédie le prix à tous les cyberdissidents de la planète.

Surveillance. Car auparavant, les différents responsables de Reporters Sans Frontières ont dressé un bilan des entraves à la circulation de l’information sur le web, à l’occasion de la publication aujourd’hui du deuxième rapport rédigé par l’association (le premier l’avait été il y a deux ans), intitulé « Internet sous surveillance ». Bien qu’Internet soit « un pied de nez aux contrôles traditionnels (presse, radio), les contrôles sur le réseau sont en hausse », résume le secrétaire général, Robert Ménard. Non seulement dans les régions soumises à des régimes répressifs, mais aussi dans les sociétés démocratiques, où Internet est dorénavant plus surveillé que les médias traditionnels.

C’est en Chine, qui cumule les trois quarts des cyberdissidents emprisonnés (42, condamnés à des peines de 3 à 15 ans de prison), que le contrôle est le plus élaboré. Motivée par une volonté évidente de « casser les cyberdissidents », comme l’explique l’un d’entre eux, la cyberpolice quadrille un pays où la vitalité d’Internet est à souligner (50 millions de Chinois sont internautes et l’engouement pour les cybercafés, très nombreux, est important parmi les pauvres et les chômeurs, qui peuvent ainsi écrire à leurs amis).
Discuter sur un forum (où sont dissimulés des policiers) ou consulter des sites étrangers peut mener à arrestation. Les nouvelles technologies sont au service de la répression. Devant le tollé qu’a produit la décision d’interdire le célèbre moteur de recherche Google, les autorités ont développé un ersatz politiquement correct. Pour les exilés qui ont des sites à destination de leur pays d’origine, il s’agit de changer régulièrement d’adresse de départ, et de prêter une grande attention au langage utilisé, afin qu’il soit le moins politisé possible.

Pas d’ordinateurs à Cuba. Mais la Chine n’est pas seule. Mercredi, un Vietnamien a été condamné à 13 ans de prison pour « propos démocratiques » sur le web (lire l’article). La Malaisie et le Pakistan, pour ne prendre que quelques pays, sont dans la même logique. En Tunisie, où les journalistes se tournent vers Internet car des dizaines de journaux sont interdits, l’accès à liberation.fr est interdit, et la répression est grande car les autorités ont compris que le web servait d’alternative à la presse écrite. A Cuba, c’est la vente d’ordinateurs aux particuliers qui est interdite. Comme en Chine, un système d’agents infiltrés a été développé.

En parallèle, le rapport entend souligner que, pour les pays démocratiques, le danger, bien que différent, est présent : en jeu, les problématiques de la protection des sources et le respect de la vie privée. La police se voit faciliter, à la faveur du 11 septembre, l’accès à des informations confidentielles, à travers l’adoption de textes « de mauvaise augure contre laquelle RSF a lutté en vain », explique Robert Ménard.
Le directeur de Globenet, Erick Aubourg, affirme sa motivation à être « dans l’illégalité la plus totale s’il le faut » quant au contrôle du contenu que sa société est susceptible d’héberger. Sa crainte ? Le « flicage de tout ».

http://www.liberation.com/page.php?Article=118982