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Interview d’Alain Krivine du 26 11 2011

par Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

Publie le samedi 26 novembre 2011 par Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud - Open-Publishing
3 commentaires

Question : Les candidatures d’extrême gauche - Philippe Poutou (NPA) comme Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) - sont créditées de moins d’1% dans les sondages. Comment expliquer que ces campagnes aient du mal à décoller ?

Alain Krivine : Il y a d’abord la situation politique qui fait qu’il y a un décalage encore plus grand que d’habitude entre l’écho que les organisations d’extrême gauche peuvent avoir dans les mobilisations, y compris dans l’implantation sociale, et la crédibilité électorale de ces partis. Aujourd’hui, il existe une confusion politique très forte dans la tête des gens. Non seulement en France, mais partout en Europe, on le voit bien avec les alternances politiques en Espagne, en Grèce et en Italie.
Il y a une vraie volonté de chasser Nicolas Sarkozy, surtout après l’échec du mouvement sur les retraites. Il y a l’idée, chez certains, que cela peut se faire par les élections. Sur le plan électoral, le vote utile pour le Parti socialiste risque de peser plus que d’habitude. Il est évident que pour beaucoup, le Parti socialiste est plus capable de « vider » Nicolas Sarkozy que le NPA.

La crise économique semble offrir un boulevard aux idées d’extrême gauche. Comment expliquer le fait que l’électorat populaire se tourne plus vers les partis d’extrême droite ?

Avec la crise, il est évident qu’aujourd’hui, être anticapitaliste, ce n’est pas apparaitre comme un « zombie ». Le système est pourri, cela parait comme une évidence. Mais là encore, il y a un vrai problème de crédibilité électorale. Je crois que les idées d’extrême-gauche ont un écho beaucoup plus important qu’avant mais ce sont les forces déjà présentes sur le plan électoral qui risquent d’en bénéficier. Face à la crise, il y a une poussée des groupes d’extrême droite et des partis nationalistes car je pense que c’est la voie de la facilité dans la situation actuelle.

Les différents groupes d’indignés, idéologiquement proche de l’extrême gauche, ne votent pas et quand ils votent, ce n’est pas pour vous. Comment expliquez-vous cela ?

D’abord, contrairement à certains pays en Europe, les groupes d’indignés restent faibles en France. D’une part, je pense que les idées de ces groupes sont radicalement anti capitalistes, encore plus que le mouvement altermondialiste. En même temps, cela témoigne d’une déchéance totale vis-à-vis des institutions et des partis politiques. Je ne pense pas que cela soit juste, mais c’est pourtant légitime. Il y a un sentiment général, l’idée qu’au niveau institutionnel la droite et la gauche sont la même chose. C’est cela qui pousse fortement à l’abstention.

Le programme d’Olivier Besancenot en 2002 et celui de Philippe Poutou aujourd’hui semblent en tous points identiques. Peut-on expliquer le décalage entre les intentions de vote par la personnalité moins charismatique de Philippe Poutou ?

D’abord, nous ne sommes qu’au début de la campagne. Au tout début de la carrière d’Olivier Besancenot, lors de la première émission que nous avions faite ensemble, il était quasiment ignoré. Marc-Olivier Fogiel ne lui adressait presque pas la parole. Je ne peux donc faire aucun pari sur l’évolution de la popularité de Philippe Poutou.
Ensuite, la personnalité du candidat joue bien-sûr beaucoup, mais cela ne fait pas tout. Il y a deux ans, et encore aujourd’hui d’ailleurs, Olivier Besancenot était l’une des personnalités politiques les plus populaires. Il n’a fait pourtant que 5% à l’élection présidentielle, il y a un gouffre entre la popularité et la crédibilité électorale.

Philippe Poutou a déclaré : « Les meetings ? Ce n’est pas mon truc, cela ne m’éclate pas mais il faut le faire. » Le candidat du NPA parait désabusé par la campagne. Qu’en pensez-vous ?

Je ne crois pas du tout. D’après ce que j’ai pu voir, Philippe Poutou semble véritablement passionné par l’ouverture d’un nouveau champ d’intervention. Comme il le dit, il apprend tous les jours des choses qu’il ne connaissait pas. Les émissions radio, télé et les débats politiques ce n’est pas sa formation, il est avant tout un dirigeant syndical.
Philippe Poutou a l’habitude des meetings syndicaux. Je vous assure que quand il fait un meeting à la porte de son usine, sans notes ni rien, il est fantastique. Mais il est vrai que, comme il le dit lui-même, il n’est pas un politicien.

À l’instar d’EELV, qui fait ses meilleurs scores aux élections législatives ou européennes, il semble que les partis d’extrême gauche ne soient pas réellement battis pour la campagne présidentielle. Est-ce aussi votre avis ?

Plus ou moins, c’est quand même lors d’une présidentielle que l’on a fait le plus de voix (plus d’un million de voix pour Olivier Besancenot). Plus que jamais, pour une présidentielle, je crois que la personnalité de celui qui est candidat joue beaucoup. Le Parti communiste n’avait personne à proposer, ils se sont donc ralliés à Jean-Luc Mélenchon. Ils n’ont trouvé personne qui soit capable de faire un score honnête.

Le lien : http://www.atlantico.fr/decryptage/alain-krivine-extreme-gauche-credibilite-electorale-presidentielle-philippe-poutou-nathalie-arthaud-besancenot-231983

Messages

  • Krivine enfonce une porte ouverte dans son interwiew . la Présidentielle n’est pas une élection pour le peuple,elle est un leurre pseudo-démocratique que le Père De gaulle ,que nous avons combattu ensemble en son temps, nous a mis dans les pattes avec le sieur Debré et Pompidou pour maintenir la grande bourgeoisie au pouvoir pour longtemps . Ce Bi-Partisme , que les médias bourgeois adorent, est un mal chronique qui plombent l’esprit de création démocratique du peuple par un "paternalisme" sclérosant l’action de chacun d’entre nous . Le PCF et l’extrème-gauche ont cessé de combattre la 5ème république en essayant d’investir le jeu bourgeois avec des candidatures de militants pleins de bonne volonté mais sans véritable "charisme" médiatique , l’exception à la règle ayant été jacques DUCLOS qui a manqué de 1% la qualification au deuxième tour . Depuis la gauche de la gauche , même avec le programme commun, a fait la carrière de Mitterrand,de Jospin,de Ségolène Royal et aujourd’hui de Hollande avec les résultats que l’on connaît : fin des trente glorieuses sociales, montée des Le Pen , retour de la droite au pouvoir, crise de la dette pharamineuse, pauvreté endémique , recul de l’influence de la france dans le monde .

    Le PCF et l’extrème gauche trotskyste continue ce jeu participatif bourgeois sans ébranler quoi que ce soit le tissu institutionnel UMP-PS qui poursuit la descente aux enfers des travailleurs français qui petit à petit vont se jeter par désespoir dans les bras des Le Pen qui attendent que le fruit mûr tombe dans leur escarcelle électorale .

    La dite "popularité" médiatique d’un Besancenot ou d’ Arlette Laguiller n’ a jamais été traduite en terme électoral à cause du vote utile PS trompeur . La 5ème république cadenasse le jeu électoral et ne permet pas au peuple de s’affranchir du vote bourgeois, ce qui détruit sa conscience civique devant l’inertie des élus pour améliorer sa vie quotidienne. Après plus de 50 ans de cette république monarchique le peuple est devant un défi majeur , se débarasser au plus vite de ce poids historique qui l’anéantit dans toute sa diversité d’aspirations économiques ,sociales et culturelles.

    "Décoller" une campagne électorale dont les ficelles sont tenues par l’UMP-PS n’est pas possible quand on ne détient pas tout le système médiatique. Les militants communistes se défoncent plus que les autres dans les campagnes électorales au contact des gens dans les quartiers populaires et les entreprises pour un résultat minime et c’est ce qui explique le "ras le bol" de beaucoup de militants vis à vis des directives des dirigeants en place qui "croûtent’" de la politique sur les miettes qu’accorde le bourgeois à son exploité ou son obligé . Donc il faut inventer autre chose pour prendre le pouvoir et refonder la démocratie avec une véritable république autogestionnaire du peuple .Les peuples arabes sont en train d’expérimenter alors que la vieille europe se traîne lamentablement avec des institutions désuettes qui corsettent l’expression populaire pour un changement en profondeur . La vraie gauche révolutionnaire avec le mouvement syndical et associatif , devant cette crise effroyable du capitalisme, vont être obligé de sortir de ce système en inventant une nouvelle société où le Patriarcat électif sera banni par nécessité historique . Les Communards l’avaient expérimenté comme Robespierre . Cela a échoué parce que trop avant-gardiste à l’époque , cela n’est plus vrai aujourd’hui même si des générations anciennes baignent encore le corps électoral par le vieillissement accentué européen . La France peut encore jouer ce rôle émancipateur si nous sortons enfin de ces habitudes bourgeoises électorales qui expliquent le fort taux d’abstention des quartiers populaires.

    Krivine , éminent penseur , devrait sortir de son train-train militant pour proposer à tous les camarades révolutionnaires d’autres voies de combat de classe plus efficaces que des prestations médiatiques sans aucun intérêt . la Place Tarhir,les Indignés,les militants verts allemands qui bloquent les voies, les Yéménites , les kurdes et même les Farcs colombiens ou le commandant Marcos sont plus inventifs que nous ....

    Bernard SARTON ,section d’Aubagne

    • Cher Sarton,

      Quand tu dis :

      Krivine , éminent penseur , devrait sortir de son train-train militant pour proposer à tous les camarades révolutionnaires d’autres voies de combat de classe plus efficaces que des prestations médiatiques sans aucun intérêt . la Place Tarhir,les Indignés,les militants verts allemands qui bloquent les voies, les Yéménites , les kurdes et même les Farcs colombiens ou le commandant Marcos sont plus inventifs que nous ....

      ...

      ça suinte le méprès satisfait de lui-même.

      Celui dont tu parles a été plusieurs fois en prison pour ses convictions...

      On peut lui reprocher ce qu’on veut mais, bon, parler de train-train est très drôle suivant le parti dont on l’exprime.

      Quand au commandant marcos, je ne pense pas qu’il ait apporter grand chose à la lutte de classe dans le monde même si je salue son courage.

      Sur certaines choses je ne suis pas d’accord avec Krivine, mais ce que tu pourrais lui reprocher devrait te conduire en comparaison à foncer avec un baton sur ceux qui dirigent ton parti...

    • Effectivement ...Et c’est ce que je fais . mais je ne suis qu’un petit militant de base se frottant à des appareils conservateurs construits pendant les années 30-40-50 alors que le capîtalisme se reconstruisait après la crise de 29 qui engendra la 2ème guerre mondiale et les dites 30 glorieuses. Pour renverser le système bourgeois , malgré nos efforts , nous n’avons pas encore une force révolutionnaire capable de l’emporter car trop lié aux apparatchiks médiatiques ou pas .

      Thorez-Waldeck-Marchais et leurs comparses ont loupé leur moment historique au profit de la social-démocratie . Aujourd’hui ,en pleine crise du capitalisme, leurs successeurs ne sont pas non plus à la hauteur et pourtant les peuples doivent et peuvent trouver le chemin du changement révolutionnaire , les nouveaux leaders devraient sortir de ses entrailles comme sous la Commune de Paris. J’attends ce moment avec impatience comme toi . Tes idées et les miennes chevillées au corps, nourris par des dizaines d’années de militantisme, ne sont pas périmées et prennent en ces circonstances dramatiques de crise une dimension de vérité pour réussir le combat vistorieux du changement de société .

      Amitiés , Bernard SARTON