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Iraq : Les bourreaux changent, les victimes restent les memes

Publie le lundi 4 août 2003 par Open-Publishing
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LES DROITS DE LA PERSONNE A L’AMERICAINE II

Les bourreaux changent, les victimes restent les memes

Je ne croyais pas mes yeux ! est-ce si facile de torturer un individu dans un
Irak free libere de Saddam ?

Les marques sur le corps de Al-Mountadhar Fadhel, jeune etudiant irakien de
23 ans, sont tellement vraies, combien choquantes, et surtout, tellement
inacceptables.

Al-Mountadhar habite Hay el-houria, un de ces quartiers pauvres et delabres
á la sortie de Bagdad. Une grande partie des rues et ruelles sont
inaccessibles pour les voitures. Soit, qu’elles sont trop defoncees, soit qu
’elles sont noyees par des eaux usees qui arrivent presque á la hauteur des
trottoirs. " C’est partout pareil depuis que les Americains sont entres á
Bagdad ", m’explique Ahmed, le conducteur de taxi. en fait, la destruction
des edifices de l’etat irakien, tels les ministeres, les usines, les
universites, les centres administratifs, les mairies, etc. ont jete sur le
pave des millions de travailleurs irakiens dont les employes de la ville,
charges du ramassage des ordures, entre autres. Tous sont au chomage force,
alors qu’il y a tant a faire pour eviter les maladies infectieuses et autres
epidemies par ces temps de chaleur. Il fait plus de 50° et les ordures ne
sont pas ramassees depuis des semaines dans les quartiers de Bagdad. Il nous
a fallu 20 minutes pour parcourir moins d’un kilometre et rejoindre la rue
el-machtel ou habite Al-Mountadhar.

Le jeune homme nous raconte que tout a commence á proximite du marche Souk
el-bayaaa. " Je suis alle pour acheter un enregistreur, car dans ces
endroits, on peut trouver des produits un peu moins chers que dans les
magasins ", ajoute-t-il. Al-Mountadhar nous explique que dans les marches,
souks ou tout autre place commerciale, il y a toujours ceux qu’on appelle
localement des " vendeurs de trottoirs ". Parfois, ils descendent du
trottoir et occupent carrement la chaussee. C’etait le cas ce jour-la.

Il s’agit de ces petits commercants informels, jeunes en majorite, qui etalent
toutes sortes de produits sur des cartons ou des petites tables en bois ou
carrement sur la chaussee. Ce sont en general des gens qui n’ont pas trouve
de travail et qui se sont cree leur propre emploi. Tous les pays,
particulierement le tiers-monde, qui sont ronges par le chomage, sont
familiers avec ce genre de vendeurs. " J’etais en train de negocier le prix
du produit avec le vendeur, poursuit Al-Mountadhar, quand un soldat
americain donna un coup de pied brutal et renversa le carton avec tout ce qu
’il y avait dessus. Il m’a bouscule brutalement, et alors, par instinct de
protection, j’ai leve les mains pour me proteger quand soudain le soldat se
rua sur moi, suivi de ses compagnons. J’ai essaye de protester, on me frappa
et on m’attacha les mains avant de me pousser vers le vehicule dans lequel
je fus embarque. Au moment du demarrage, on me banda les yeux. "

Bien des gens dans nos pays democratiques ont de la difficulte á realiser
que les soldats americains sont capables d’autant de cruaute que les
tortionnaires de Saddam ou de tout autre dictateur repute. C’est pourtant
aux etats-Unis que des dictateurs, notamment d’Amerique centrale et du sud,
envoient leurs tortionnaires faire leurs classes. Aussi, des cas d’abus de
la part des soldats sur les populations irakiennes, il s’en passe tous les
jours, " A qui se plaindre ? me demandent les gens sur un ton desespere, les
Americains sont juges et bourreaux á la fois "

Le jeune Al-Mountadhar, lui non plus ne croyait pas ce qu’il vivait, non pas
dans les geoles de Saddam, mais dans celles de l’armee etasunienne. " Les
vehicules militaires ont roule environ 15 ou 20 minutes, poursuit le jeune
homme. "

Vu qu’il avait les yeux bandes, il ne peut fournir aucun repere
quant a l’endroit ou on l’avait amene. Il se souvient qu’a sa descente de
voiture, on l’a traine sur plusieurs metres avant de lui faire descendre une

serie de marches pour finir au sol. " Les seuls mots que je repetais sans
cesse etaient :

je n’ai rien fait ! Laissez-moi partir ! Quelques instants
plus tard, on me releva et on me rasa la tete de force. J’avais les cheveux
longs, souligna Al-Mountadhar avec une note de regret dans la voix. ensuite,
on m’a pousse face au mur et attache par les mains, au-dessus de la tete.

Quand les premiers coups s’abattirent sur mon corps, je ne pouvais m’
empecher de pleurer, non pas tant a cause de la douleur, mais parce que j’ai
trouve cela tellement injuste de la part de ceux qui pretendaient etre
venus pour nous liberer de l’oppression de Saddam. On m’a battu pendant des
heures. C’etait une eternite. A chaque coup de ce que je pensais etre un
gros cable, je sentais ma chair se dechirer. J’entendais a peine les mots de
mon bourreau :

"Pour t’apprendre a repousser l’Americain ! Pourquoi tu as
repousse l’Americain ?" J’ai perdu connaissance a plusieurs reprises, mais on
me ranimait a chaque fois. C’etait horrible. Je n’ai jamais pense vivre une
experience pareille en dehors du regime de Saddam. "

Apres avoir fini de le battre, les soldats ont garde le jeune homme couvert
de plaies et de sang tres tard dans la nuit. en fait, il etait 1 heure du
matin passe quand il fut relache ou plutot jete dans une rue deserte pres d’un
centre commercial. C’etait en plein couvre-feu, c’est-a-dire au moment ou
le jeune homme risquait le plus d’etre tue, soit par les soldats eux-memes
reputes pour la gachette facile, soit par toutes ces forces du mal :
bandits, criminels et autres reseaux de gangsters qui ont fleuri a l’ombre
de l’occupation et sement la terreur au sein des populations irakiennes.

Je me sentais tres faible et j’arrivais a peine a me trainer jusqu’au
trottoir, continue Al-Mountadhar. Tout en me trainant j’appelais au secours.

et finalement, 2 personnes sorties d’un immeuble se sont approchees de moi
et m’ont porte jusqu’a la mosquee la plus proche. Les freres m’ont aide,
soigne mes blessures et m’ont garde jusqu’a la levee du couvre-feu pour
ensuite me conduire chez moi. "

Il ne faut surtout pas croire que tous les Irakiens victimes d’abus comme
Al-Mountadhar vont raconter facilement les epreuves endurees, ou encore
denoncer leurs bourreaux, loin s’en faut, la tyrannie du regime precedent a
seme en eux une peur si profonde du pouvoir, qu’il faut tout un
apprentissage de la culture democratique et des droits de la personne afin
qu’ils puissent les exercer pour se reapproprier leur pays et leur devenir.

C’est un des grands chantiers qui s’ouvrent devant les organisations
humanitaires soucieuses des droits de la personne. A ce chapitre, le Quebec
et le Canada disposent d’une bonne cote de confiance aupres des populations
irakiennes.

Salutations a tous et toutes !

Bagdad, le 30 juillet 2003
Zehira Houfani (ecrivain et journaliste),
membre montrealaise du Projet Solidarite Irak (PSI)

Messages

  • Il serait utile quoique pénible que Zehira Houfani nous informe régulièrement. Mais quoi faire ?

    Magali // allocarpentras.com

    • En fait, j’ai écrit 4 textes sur le thème des droits humains en Irak sous l’occupation. Les bourreaux changent, les victimes restent les memes est le sous-titre du 2e de la série écrite pendant mon séjour en Irak. S’il vous intéresse, je peux vous envoyer les 3 autres. Et merci pour votre intérêt. Je suis Musulmane moi-même, et je réside au Canada.

      Par ailleurs, j’aimerai savoir où je peux me renseigner pour la traduction vers l’Italien de mon dernier livre "LETTRE D’UNE MUSULMANE AUX NORD-AMERICAINES" qui a été publié à Montréal à la fin 2002. Il est actuellement en voie de traduction vers l’anglais pour sa diffusion aux États-unis. Alors si vous pouvez m’orienter vers un éditeur italien intéressé par le sujet de la violence des États-unis et d’israel contre les Arabes et Musulmans en particulier, cela me rendrait un grand service tout en rendant accessible ce livre très biens reçu par les lecteurs au Québec et ailleurs. Je vous remercie d’avance. Pour vous donner une idée du contenu du livre en anglais et en français voici l’introduction dans les 2 langues :

       !)FRANÇAIS :
      Nul besoin de grandes études pour aimer son prochain,
      mais le savoir enseigne à ne pas le haïr

      C’est dans la tourmente qui a suivi les événements tragiques du 11 septembre, que j’ai décidé, en tant que citoyenne canadienne d’origine algérienne, arabe et musulmane, de rédiger cette missive à votre intention, vous, les femmes nord-américaines.

      D’abord, pour vous faire part de mon sentiment face à la vague de racisme soulevée par vos médias à l’encontre de ma communauté, accusée à tort et à travers pour tous les maux du siècle. Ensuite, parce qu’il m’importe que vous ayez l’heure juste sur les temps douloureux, tels qu’ils sont vécus par des milliards d’individus sur notre planète. Ce texte brisera, je l’espère, les barrières de l’ignorance entretenues à dessein par les cercles décideurs, ici au Nord comme ailleurs au Sud.

      J’ai décidé de faire usage de mon droit à la liberté de pensée et à la liberté d’expression en étalant devant vous les torchons ensanglantés de la politique mondiale des grandes puissances, dont la communauté arabo-musulmane n’est que le bouc émissaire. Je ne veux plus que vous ignoriez les plaies de l’humanité en l’an 2002.

      J’écris pour vous rapporter cette souffrance humaine, et aussi parce que je refuse de garder clos le registre des victimes anonymes des décideurs politiques du Nord, les États-Unis en tête, avec la complicité des régimes despotiques et corrompus du Sud.

      2) INGLISH :

      To Love Your Neighbour Needs No Extensive Studies,
      But Knowledge Does Teach You Not to Hate Him

      It was in the chaos that followed the tragic events of September 11th that I decided, as a Canadian of Algerian, Arab and Muslim descent, to write this letter, addressed to you, North American women. First of all, to convey to you my feelings in the face of the wave of racism raised by your media towards my community, which was wrongly accused for all the problems of the century.

      Secondly, because I find it important for you to get the right picture about the painful times experienced by billions of individuals around the world. This text, I hope, will break the barriers of ignorance wilfully maintained by the decision makers, here in the North as elsewhere in the South.

      I have decided to exercise my right to freedom of thought and freedom of expression by spreading before your eyes the bleeding rags of the Great Powers’ international policy, of which the Arab Muslim community is simply the scapegoat.

      I want you to no longer ignore the wounds of humanity in the year 2002. I am writing to report on this human suffering, and also because I refuse to keep silent the records of anonymous victims of the political decision makers in the North, with the United States in mind, aided by the despotic and corrupt regimes of the South.

      Bien cordialement.

      Zehira Houfani
      zhoufani@yahoo.fr
      www.tourism-algerie.com/z.houfani

      http://tourism-algerie.com/z.houfani/image/affichelecture.JPG