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Israël a réactivé discrètement une loi de confiscation des terres
Publie le lundi 24 janvier 2005 par Open-PublishingSelon le quotidien "Haaretz", le gouvernement Sharon a remis au goût du jour un texte de 1950 concernant les biens des Palestiniens.
de Gilles Paris
Adoptée le 8 juillet 2004, la décision du gouvernement israélien n’a fait l’objet d’aucune publicité. Selon le quotidien israélien Haaretz, qui a révélé l’affaire le vendredi 21 janvier dans son magazine de fin de semaine, des terres et des biens immobiliers situés dans la partie orientale de Jérusalem et appartenant à des Palestiniens résidant en Cisjordanie ont été massivement confisqués par Israël, en vertu d’une loi ancienne qui permet à l’Etat de se dispenser par ailleurs de verser la moindre compensation financière.
Dans un éditorial particulièrement sévère, Haaretz a condamné vendredi une mesure "injuste" qu’il assimile à un "vol" et à "la pire des stupidités". Le quotidien israélien s’étonne également qu’une telle décision ait été prise par le premier ministre, Ariel Sharon, alors que ce dernier a officiellement "reconnu la nécessité de diviser cette terre entre deux nations".
Tout est parti, selon le journaliste Meron Rapaport, l’auteur de l’enquête, de la construction de la "clôture de sécurité", décidée officiellement pour prévenir les infiltrations d’activistes palestiniens en Israël. Cette clôture, qui dans certains quartiers de Jérusalem se transforme en mur de béton de 8 mètres de haut, enveloppe la ville sainte parfois au-delà des frontières municipales, déjà particulièrement étendues, tracées par Israël après l’annexion unilatérale de la partie orientale de Jérusalem après la guerre de 1967.
De très nombreux propriétaires palestiniens résidant en Cisjordanie se sont retrouvés coupés de leurs biens, situés de l’autre côté de ce tracé. Après avoir tout d’abord espéré pouvoir disposer de permis leur permettant d’accéder à leurs terres ou à leurs maisons, ces propriétaires ont découvert avec stupéfaction qu’ils avaient été déclarés "absents" par les autorités israéliennes, qui pouvaient, du fait d’une loi adoptée en 1950, confisquer leurs biens sans avoir à offrir le moindre dédommagement.
La loi de 1950 avait permis à l’époque à Israël de prendre le contrôle des terres et des biens laissés par les réfugiés palestiniens qui avaient quitté le pays au moment de la guerre de 1948. Cette loi aurait pu s’appliquer à la partie orientale de Jérusalem dès son annexion, pour les possessions de personnes résidant en Cisjordanie. Mais les plus hautes autorités de l’époque, à commencer par le procureur général de l’Etat, selon Haaretz, s’y étaient opposées du fait du caractère particulièrement léonin des confiscations qu’elle aurait permis.
PROPRIÉTAIRES "ABSENTS"
C’est cette loi qui a été remise au goût du jour le 8 juillet 2004, avec l’aval de l’actuel procureur général, également conseiller juridique du gouvernement, Menahem Mazuz. Les propriétaires déclarés "absents" sont pourtant parfaitement identifiés, disposent de titres de propriété légaux et vivent parfois à proximité des biens confisqués. Selon l’ancien adjoint au maire de Jérusalem cité par Haaretz, Meron Benvenisti, "la moitié des propriétés de Jérusalem-Est pourraient être concernées".
Ces confiscations s’intégreraient, selon Haaretz, dans le projet ancien qui consiste à ceinturer la partie orientale de Jérusalem de colonies israéliennes, pour la couper de la Cisjordanie et de l’agglomération de Bethléem, et à établir une continuité avec les colonies du Goush Etzion, situées dans le sud de la Cisjordanie.
Ce projet vise à rendre illusoires les revendications palestiniennes réaffirmées par le nouveau président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, sur la partie orientale de Jérusalem. Selon le journaliste de Haaretz, des projets immobiliers seraient déjà dans les tiroirs pour les nouvelles terres confisquées.
La décision du gouvernement israélien avait précédé d’un jour le jugement sévère rendu par la Cour internationale de justice de La Haye sur le principe de la construction de la "clôture de sécurité". Refusant de considérer cette clôture comme une réponse appropriée aux opérations terroristes, la Cour s’était inquiétée des "faits accomplis" entraînés par sa construction, susceptibles, à terme, de modifier les équilibres démographiques sur le terrain, en violation du droit international, qui considère la Cisjordanie comme un territoire occupé.
Depuis le début des travaux, le gouvernement israélien ne cesse de répéter que cette clôture est "sécuritaire" et non "politique", "temporaire" et non "définitive". Les Palestiniens, au contraire, estiment qu’elle permet aussi d’annexer des terres supplémentaires et qu’elle menace leur projet d’Etat à Gaza et en Cisjordanie avec la partie orientale de Jérusalem comme capitale. L’enquête de Haaretz apporte des éléments de réponse qui donnent un certain crédit à cette seconde thèse.