Accueil > Italie : viols, le piège de la sécurité...

Italie : viols, le piège de la sécurité...

Publie le mardi 12 septembre 2006 par Open-Publishing
7 commentaires

de Angela Azzaro

La campagne médiatique d’été sur la violence sexuelle est parvenue à ses premiers effets escomptés. Effets voulus, suggérés, échafaudés sur la paperasse : demander plus de répression et de contrôle dans les rues, une plus grande sévérité dans les peines. En somme, utiliser les femmes encore une fois et de la pire façon qui soit, pour justifier que la société devienne toujours plus fermée, asphyxiée, punitive et raciste. Sous la surface primesautière, hostile à la liberté féminine.

La proposition de modification de la loi sur la violence sexuelle avancée par la Ministre à la Parité des Chances, Barbara Pollastrini, qui demande l’augmentation des peines pour les violeurs, et les initiatives de Letizia Moratti, Mairesse de Milan, promotrice des « taxis roses », pour commencer, entre autres initiatives qui vont dans une même direction néfaste pour les femmes.

Non seulement parce qu’elles déplacent le problème de la violence sexuelle à partir du rapport entre les sexes dans le contexte parental et amoureux, vers la menace qu’elles auraient à redouter de la rue. Mais surtout, parce qu’elles tendent à renforcer les 2 facteurs qui mettent la femme en danger réel : les structures de pouvoirs patriarcaux, par leur nature intrinsèquement coercitives, et l’idée que la femme soit, non pas sujet autonome, mais victime à mettre en tutelle, comme sujet qui ne jouirait pas pleinement de ses propres facultés. Parce qu’une femme devrait se sentir dédommagée ou protégée par le même système qui crée d’abord le violeur, puis le met pour quelques années en prison, histoire de laver sa méchante conscience ?

Autre chose est la critique motivée par des raisonnements offensifs de dignité des femmes, telle qu’elle a contesté les réductions de peines de certaines sentences de ces dernières années. Ce n’était pas l’acte de clémence qui prévalait en soi, comme objectif dans ce cas, mais la culture juridique tacitement machiste.

Le mécanisme qui unit la violence contre les femmes (violence sexuelle ou non...) et la répression, ne date pas d’hier, mais connaît de nos jours - comme le démontre l’attention suscitée au cours de l’été - une nouvelle phase : à travers le discours sur le corps des femmes, même quand on dit le faire pour leur soi-disant bien, on veut redéfinir un modèle de société qui exclurait toute diversité. On veut construire un monde parfait : de mâles blancs hétéroclites, dont les mères, femmes, filles et amants soient une propriété intouchable.
Le dispositif mis en actes, en ces jours d’été, est évident.

D’une part - ainsi que s’en est expliqué sur ces colonnes, Anamaria Rivera - parler de viol sert à exprimer au mieux la discrimination raciale : le singulier a été utilisé pour attaquer un groupe entier, responsable comme expression d’une certaine couleur de peau, d’une certaine langue, d’une certaine religion. De l’autre, on tente de faire un pas en avant dans la stratégie de guerre permanente contre les libertés individuelles, que certains gouvernements ont menée au niveau local, pour tenter d’endiguer toute forme de changement du système, et annihiler tout « ennemi » intérieur.

Cela s’appelle une société de contrôle.

Un contrôle toujours plus persuasif jusqu’au contrôle des corps : qui les a brevetés, normalisés, et a essayé de leur suggérer ce qui serait juste ou faux à souhaiter. La loi italienne sur la fécondation assistée fait partie de ce cadre. Mais cela n’a pas suffis. On prétend aller plus loin. On demande aux femmes, au nom de leur intégrité, de renoncer aux libertés qu’elles ont conquises : ne pas sortir sinon sous tutelle, ne pas se vêtir de telle ou telle façon, ne faire confiance qu’aux « bons Italiens », qui pourtant sont ceux qui les tuent et les violent le plus, en bonne proportion. On leur demande aussi de renoncer à leur bien le plus important : leurs valeurs politiques.

Aujourd’hui plus que jamais, il est fondamental de ne pas tomber dans le piège de la sécurité, comme réponse au conflit avec les hommes.
Au contraire, réclamer la liberté est ce qui compte avant tout, même celle vécue quotidiennement.

La liberté de sortir sans « taxi rose » ou »jaune » ou « bleu ». Celle de se sentir citoyenne de plein droit, toujours, et donc sans besoin d’un juge embusqué pour punir, d’un journaliste qui nous y exhorte ou d’un policier* qui nous contrôle.
La première, plus importante réponse réside en notre autonomie, notre passion, nos désirs.

La question est et reste la liberté des femmes.

Mais il est évident, comme le démontrent les viols, qu’il n’y a pas de liberté des femmes sans un changement des hommes.

Certains hommes, rares et éclairés, en parlent comme d’une conquête de leur propre liberté incluse : des rôles, d’un désir mis en cage, réprimé, qui ne trouve pas de mots pour se dire, sinon avec des stéréotypes, des phrases toutes faites.
Dans les divers articles écrits dernièrement sur les grands quotidiens, il n’est venu à l’esprit de personne de dire cette chose banale : les viols disparaîtront quand les hommes arrêteront d’en commettre.

Les « bons Italiens » s’en prennent aux immigrés en tant qu’étrangers, pas en tant que mâles. Des mâles aussi mâles que ces journalistes intervenus en paquet pour exprimer leur dédain, ou, comme l’a fait Francesco Merlo, dans les colonnes du journal « La Repubblica », s’en prendre au supposé « silence des féministes ».

Personne d’entre eux n’a interrogé sa propre identité génétique, comme on le fait de celle des violeurs, ni n’a demandé aux hommes de changer d’attitude.
Tant que cela n’adviendra pas, les rues et les places ne seront jamais assez éclairées, ni les maisons - qui sont, comme on le sait, l’endroit le plus menaçait - en lesquelles se sentir assez « en sécurité » de la façon indiquée par la Mairesse de Milan.

Il n’y aura pas non plus de peines « assez suffisantes » pour dissuader ces hommes de ne plus commettre de viols.
Jusqu’à ce que le genre masculin accomplisse sa propre révolution copernicienne**, la vraie et unique sécurité dont nous puissions être sûres, reste celle de croire en nous-mêmes !

Traduit de l’italien par Sedira Boudjemaa, artiste-peintre, Nîmes, le 11 Septembre 2006.

*Note du Traducteur : et les flicquiâtres ?

**N.d.T : ( « et pourtant, elle tourne ! », c’est Galilée !!)

http://www.liberazione.it/

Messages

  • C’est aux hommes de faire leur propre révolution, parce que la femme a recouvré sa propre liberté, confisquée depuis tant de siècles. Tous les pays qui reconnaissent que la femme est un être libre tout comme l’homme, ces pays-là connaissent l’opulence. Mais il n’en va pas de même pour les pays dans lesquels les femmes sont brimées.

    Pour contrer les mâles malintentionnés (et non les hommes, c’est pas pareil), pas besoin d’une tutelle, le port d’une ceinture de chasteté pourrait suffire. Sinon, une méthode plus expéditive, que toutes les femmes se mettent au sport de combat : karaté, judo, aïkido, boxe, et ce dès l’enfance. Mais avouez, que ne faut-il pas faire pour que les hommes admettent que la femme est un être libre. C’est bien une histoire de dominant/dominée sur la base de la force physique. Tiens, ça me renvoie aux états qui se font la guerre, il y est question aussi de violation de frontières. En somme toujours la même histoire. Tout est fait selon un même schéma.

    • je préfère répondre à l’UNIQUE commentaire(le viol et autres atteintes ne sont-ils pas toujours appelés "problèmes sociétaux")qu’à la rédaction de la publication ,l’article suivant celui sur le viol est consacré aux curés(Cuba )quand ce n’est pas défendre le "Voile" au nom du féminisme(partie intégrante de la Liberté au nom de qui on a commis tant de crimes)si,je l’ai entendu(mais ai vite changé de chaine)sur france Culture ,Hier !!!alors moi,Laîque et Féministe ,je ne confonds pas TRamadan et l’islam politique avec le progrés social (en Iraq ,la partie la plus avancée politiquement,car féministe et laîque ne dit pas merci aux "plus gauche que moi ,tu meurs" genre Bové,et autres "indigènes de la République")Merci au premier commentaire,mais je sais pourquoi je n’allais plus sur Bellaciao...mais c e matin,quelqu’un a illustré son propos contre la presse"gratuite"(pas tant que cela in fine)par bella ciao et comme j’oublie vite mes rancoeurs,j’y suis retournée,mais ...cela ne me reprendra pas de sitôt !
      une Féministe(historique) etLaîque=séparation des églises et de l’Etat et( au niveau souhait)de la politique !

    • a propos de la "féministe historique" : ))))

      On jurerait Michelle Dessenne cette intervention ! ! : DDDD

      Ah pauvre de nous. Les féministes historiques ne sont pas les moindres obstacles à la réalisation de l’égalité des individus.

      Tous les individu(e)s sont égaux en droit...( c’est le seul crédo possible ...)
      Et Chaque individu(e) est unique en son genre...

      C.E.

  • En tant qu’homme et de gauche, je m’étonne de la prise de position d’Angela Azzaro surtout à propos de la volonté de punir plus sévèrement le viol (?) .
    La Loi au sein d’une république démocratique se doit de répondre, à mon sens, aux besoins de protection du plus grand nombre, et/ou de la population la plus fragile, ou exposée à une injustice de fait. Et le viol est une injustice sociale majeure, au même titre que tout autre agression.
    Or, à moins d’être un anarchiste convaincu, estimant que la loi ne sert qu’à exercer une répression aveugle, il me semble au contraire que la volonté de réprimer plus sévèrement les actes de viols devrait être plutôt bien reçu par les femmes.
    Car si, effectivement, la "Révolution Copernicienne" sociologique de l’homme reste à espérer, il n’en reste pas moins que la réalité sociale en est encore bien loin. Aussi, l’argument de loi liberticide, et plus particulièrement pour les femmes, me laisse sans voix ! Au contraire, je pense que le législateur, en l’occurence, a voulu mieux protéger la (ou les) populations victimes de sévices sexuels.
    J’aimerai rappeler ici que ce sont quand même des hommes qui sont les auteurs de viols !!!
    ( Et ceci malgré quelque contre exemple de viol en réunion féminin, événement marginal, en terme statistique).
    J’aimerai également rappeler que ce ne sont pas que les femmes qui sont victimes de viols, mais aussi des hommes, homosexuels ou non, voire des enfants des deux sexes !

    Quant aux initiatives de "taxi roses" de Laetizia Moratti à Milan, elles ne font que confirmer que la nécessité de protection des femmes dans la société italienne est encore (malheureusement) à l’ordre du jour. Je pense néanmoins que cette mesure est de type ségrégationniste et sexiste, et qu’elle ne contribue aucunement à une meilleure entente entre les sexes.

    « Chinois vert »

    • Allons, mes Dames,

      Eduquez mieux vos fils, choisissez mieux leurs pères (pour cela il faut avoir pu faire un travail sur soi !)
      Donnez leurs le sens de la valeur de l’autre et du respect de la vie. Ne soyez pas des mères abusives et castratrices ! Alors, peut être y aura-t-il moins de viols, moins de violences. Le flicage ne faisant que déplacer la violence d’objet et de lieux.

      Un « transsexuel » qui sait de quelle violence sont capables les femmes !

    • C’est vrai que la femme peut être odieuse, autant qu’un homme d’ailleurs.
      Une femme.

    • Merci Chinois vert, vous dites juste, car que faut-il attendre la révolution copernicienne pour que les viols cessent (et ils ne cesseront pas, comme tous les crimes et délits). Faut-il aussi rappeler que lors de sa victoire en 81, la gauche a réprimé plus sévèrement le viol, qui est passé de délit à crime, donc passible des Assises ; cette décision a quand même participé à une prise de conscience, y compris chez les flics, de ne plus considérer les victimes de viol comme des pétasses qui l’ont bien cherché. Je partage aussi le point de vue de Chinois vert sur les taxis roses : ce n’est pas une solution, pourquoi pas le couvre-feu pour les femmes après 22 heures ! Il faut défendre le droit des femmes à circuler librement sans que cela soit considéré comme la quête ou la recherche d’une aventure !
      Vive les hommes lucides.
      Olympe