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J-6 Les deux camps annoncent une issue en leur faveur, comme pour la faire arriver

Publie le jeudi 28 octobre 2004 par Open-Publishing
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Raz de marée ? Victoire démocrate dans le Sud ? Succès républicain à Hawaï ? Les spéculations de fin de campagne sur fond d’explosifs irakiens.

de Corine Lesnes New York

Mardi. Comment va-t-on tenir encore une semaine ? Partout, c’est l’obsession. Bush, Kerry. Sur les badges, sur les pelouses, dans les vitrines. Les médias sont de plus en plus partisans. Même le New Yorker, qui ne l’avait jamais fait, a pris position (pour John Kerry). Le Washington Post parle d’anxiété nationale. On en perd le sommeil, raconte le quotidien. On s’envoie des e-mails. "J’ai déjà voté, par courrier. J’espère que l’affaire des explosifs va aider Kerry. On a encore besoin de quelques voix..." Dans les bureaux, les collègues s’interpellent. Sur la chaîne MSNBC, le présentateur a résolu la question de la fiabilité des sondages. "Vous voulez lequel d’abord ? Le Kerry en tête ? Le Bush devant ? Ou les deux au coude-à-coude ?"

Dans les états-majors, sur l’Internet, on voit enfler les mêmes rumeurs : le raz de marée, toujours. Les deux camps l’annoncent en leur faveur, comme pour le faire arriver. Il y entre aussi une part de calcul politique. "La meilleure chance pour les Américains d’éviter une répétition de 2000 est de réélire George W. Bush de manière décisive. Ou de le défaire d’une manière écrasante", écrit Theodore Olson, l’ancien solicitor general (l’avocat du gouvernement), dans une tribune publiée mardi par le New York Times. "Je ne cache pas que je préconise la première solution." Après le "choix" sur le terrorisme, voilà un nouvel argument : M. Bush ou le chaos électoral.

L’affaire des explosifs irakiens augmente la fébrilité. Lundi, John Kerry a foncé dans la brèche ouverte par les révélations du New York Times sur un stock de près de 400 tonnes d’explosifs perdues dans la nature, en mettant très directement en cause le président. Mardi, il apparaît que les forces américaines n’étaient peut-être pas encore en Irak quand les explosifs ont disparu. Rien n’est établi, mais la charge de M. Kerry entraîne une contre-attaque en règle, d’autant que le candidat démocrate persiste dès son premier meeting, dans le Wisconsin. "Qu’est-ce que le président a eu à dire sur ces explosifs ? Pas un mot. Silence complet", accuse John Kerry. "Monsieur le président, qu’y a-t-il d’autre que vous ne dites pas ?"

Le président se garde bien de répondre. Il se trouve dans le Wisconsin. "Ce ne sont pas les milieux de terrain du lundi qui emmènent leur équipe à la victoire", lance-t-il. Plus tard, on le voit au milieu d’une étable dans l’Iowa, en compagnie d’un éleveur et de Laura, qui peine dans la paille avec ses chaussures de ville. M. Bush avait prévu une journée rurale. Mais la partie de campagne est un peu perturbée, expliquent les journalistes. Le président est obligé de "faire campagne contre l’actualité". John Kerry, lui, la suit assidûment.

Le président se tait, mais les médias conservateurs répliquent. Fox News a réveillé son correspondant à Moscou, Dana Lewis. Il était en Irak avec la 101e division aéroportée, qui est arrivée le 10 avril 2003 sur le site d’Al-Qaqaa, où étaient entreposées les armes irakiennes. Il n’a pas vu d’explosifs, ce qui ne prouve rien, mais cela suffit au présentateur. La chaîne interroge Richard Holbrooke, l’un des conseillers démocrates en politique étrangère. Alors ? Quid de ces "super-méga-explosifs" ? L’ancien ambassadeur est en retrait. "Je ne connais pas la vérité, répond-il. Mais l’administration doit expliquer ce qui s’est passé." Le doute s’étant installé, on peut passer à la question suivante.

LES "LIMITES" FRANCHIES

John Kerry croyait "tenir une gigantesque dernière preuve de l’incompétence"de M. Bush, résume Aaron Brown, sur CNN. Il accuse le président de chercher à dissimuler la disparition des munitions. N’en fait-il pas un peu trop ? Tom Oliphant, éditorialiste du Boston Globe, opine. Oui, dit-il, le sénateur Kerry "franchit les limites". Au passage, le président du département de journalisme de l’université de Boston, Robert Zelnick, étrille le New York Times pour avoir mis le sujet à la "une", une semaine avant les élections, alors que la date de la disparition des explosifs n’est pas établie.

Un mot, enfin, de Bill Clinton. Il a courtisé le vote juif en Floride et se porte comme un charme. Il a serré les mains plus longtemps que la veille et s’est attardé avec la presse. D’après les journalistes, la campagne le ragaillardit. Les démocrates comptent sur lui pour réveiller l’Arkansas, son Etat. Une victoire dans le Sud ? Sait-on jamais. La carte politique est en train de bouger. On annonce que Hawaï, paradis démocrate, est devenu terre accessible pour M. Bush...

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-384692,0.html

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