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Jean-Louis Borloo : Yvelines IDF Les scandales financiers des syndicats de collecte d’ordur

Publie le jeudi 1er avril 2004 par Open-Publishing

Après la Seine-et-Marne, les Yvelines sont secouées par une affaire de
détournement de fonds à partir du syndicat intercommunal de Rambouillet.
L’État exerce peu de contrôle sur ces structures qui délèguent la collecte
des déchets à deux grands groupes, Suez et Vivendi.

Les scandales des ordures ménagères se succèdent. Le cas du SMITOM du nord
de la Seine-et-Marne (voir l’Humanité Île-de-France du 8 mars) qui gère la
collecte et le traitement des déchets de 186 communes (près de 350 000
habitants) se répète, en des termes quasi identiques à l’autre bout de
l’Île-de-France. On pourrait presque calquer le scandale du SITCOM de la
région de Rambouillet dans les Yvelines sur celui de Seine-et-Marne : un
déficit découvert tardivement, un conseil d’administration dirigé par des
élus de droite, des flux financiers opaques en lien avec des prestataires de
services aux noms différents mais tous dépendants de deux groupes, Vivendi
et Suez-Lyonnaise des eaux et, au bout de la chaîne, des élus contraints de
répercuter les déficits sur leurs administrés.

Le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de la région
de Rambouillet regroupe 42 communes des Yvelines. Il a la particularité de
dépendre d’un syndicat interdépartemental, SYMIRIS, qui rayonne sur trois
départements (Essonne, Yvelines et Eure-et-Loir) et deux régions
administratives (Centre et Île-de-France). Crée en 1994, il était dirigé par
un adjoint de Gérard Larcher, sénateur, maire de Rambouillet, Jean-Philippe
Assel. Alain Le Vot, maire adjoint de Magny-les-Hameaux, est délégué de sa
ville au SITCOM et délégué du syndicat de Rambouillet au SYMERIS. Il est
l’un des premiers à s’être interrogé sur les comptes opaques des syndicats.
Jusqu’alors, comme beaucoup d’élus délégués par les municipalités, il
faisait plutôt confiance aux administrateurs : " Je votais les budgets comme
les autres. De temps en temps, il y avait bien des conflits, mais on ne
discernait rien d’exceptionnel. Le service rendu était correct, le prix de
la taxe pas plus élevé qu’ailleurs. On nous avait même proposé de baisser la
taxe de 3 % en 1999 et 2000. En fait, on était intégré dans une procédure
d’endormissement. " Le réveil fut effectivement brutal. Au printemps 2001,
le SITCOM entre en conflit avec le prestataire de services, la SITA, filiale
de Suez-Lyonnaise des Eaux. " La SITA révèle que le SITCOM lui doit 3
millions d’euros. Or, le compte administratif de 2000 montre un excédent de
380 000 euros. " Les échanges entre Jean-Philippe Assel et la SITA, chacun
se renvoyant la balle, ne peuvent plus masquer l’incroyable trou financier.
Le délégué de Magny-les-Hameaux commence à poser des questions aux
administrateurs, s’inquiète auprès du préfet et, de fil en aiguille,
acquiert la conviction qu’il y a un gros problème de trésorerie. En
septembre 2001, les élus apprennent, abasourdis, que le SITCOM doit en fait
plus de 4 500 000 euros à la SITA. En octobre, la procédure d’alerte est
lancée. Gérard Larcher fait démissionner son fusible, Jean-Philippe Assel,
et prend la présidence du SITCOM. Alain Le Vot et d’autres élus
s’interrogent : " Un des plus importants personnages de la République,
sénateur, président de la commission économique du Sénat, préside un
syndicat local d’ordures ménagères en déclarant qu’il fait don de sa
personne ! " Cherchez l’erreur. On la cherche encore, sauf que, cette fois,
c’est la justice qui va essayer de démêler les fils d’une magouille
financière énorme. Le déficit apparaît dans toute sa profondeur : plus de 11
millions d’euros.

Entre-temps, Gérard Larcher a fait ce que tous les grands administrateurs
libéraux font habituellement : il a augmenté la taxe de 90 % dans le budget
2002. Alain Le Vot qui, cette fois, s’est opposé avec plusieurs délégués à
ce budget, veut surtout mettre au clair les mécanismes structurels : " On
n’a toujours aucune explication sur les raisons structurelles du déficit. Le
système est beaucoup plus cher que les autres, 130 euros par an et par
habitant. " Exemple parmi tant d’autres des dysfonctionnements : le montant
exact du marché de collecte confié à la SITA en 2002 ne figurait pas dans le
document soumis au vote ! Si les communes adhérentes du syndicat manifestent
peu leur opposition, sinon leur curiosité, les associations d’usagers sont
rapidement entrées en scène. On a vu cette scène incroyable d’une
manifestation de deux mille personnes dans la chic Rambouillet, fief de
Gérard Larcher en octobre 2002. Et les pétitions se noircissent de noms.

Le climat est lourd, très lourd. La Cour des comptes régionale a relevé dans
son rapport de graves irrégularités de gestion notamment des transferts de
factures d’un syndicat à un autre. Tous les organismes présidés par
Jean-Philippe Assel étaient déficitaires. Les cours des comptes du Centre et
d’Île-de-France travaillent ensemble sur un rapport plus élaboré, concernant
les mécanismes de gestion. Parallèlement, les parquets de Versailles, Evry
et Chartres mènent une instruction commune pour " détournement de fonds
public, faux et usage de faux, favoritisme et recel de ces délits. " C’est
le parquet de Chartres qui en a la responsabilité et le SRPJ de Versailles
mène l’enquête policière.

Sans préjuger des résultats de l’enquête, Jean-Philippe Assel échappera
difficilement à une mise en examen. Mais la vie continue et il faut bien
collecter les déchets ménagers. Gérard Larcher a fait voter lundi 31 mars le
budget 2003 avec une hausse de 3,5 %. Et au SYMERIS, le nouveau président
Christian Schoettel, conseiller général de l’Essonne a décidé de renvoyer la
balle vers l’État gravement défaillant dans le contrôle de gestion. M. 
Schoettel, connu comme un élu intègre (il précipita la chute de Xavier
Dugoin) estime que les contribuables n’ont pas à assumer les erreurs
collectives et il a invité les 183 communes adhérentes du syndicat à faire
voter par les conseils municipaux une motion pour appuyer le recours
gracieux du SYMERIS. Il a néanmoins fait voter une hausse de 3,5 % en
moyenne pour l’année 2003, alors que le service de collecte est réduit de
moitié.

Jacques Moran

http://www.humanite.presse.fr/journal/2003-04-05/2003-04-05-369759
Article paru dans l’édition du 5 avril 2003.