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Joëlle Aubron, détenue opérée et toujours au secret

Publie le jeudi 18 mars 2004 par Open-Publishing
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http://www.liberation.com/page.php?Article=186684

En prison depuis 17 ans, les anciens d’Action Directe sont au plus mal.

Ça ressemble à une malédiction. Joëlle Aubron a été opérée, hier, d’une
tumeur au cerveau au CHU de Lille où elle avait été transférée en
urgence, le 6 mars, de la prison de Bapaume. Vendredi, Jean-Marc
Rouillan a appris, à la prison de Moulins-Yzeure, son cancer au poumon
avec atteinte ganglionnaire. Deux maladies très graves qui touchent
deux anciens d’Action directe, condamnés à la prison à vie pour les
assassinats, en 1985 et 1986, de Georges Besse, PDG de Renault, et du
général Audran, inspecteur général de l’armement.

Edifiant. Hospitalisée depuis dix jours, Joëlle Aubron n’a pu ni
téléphoner ni voir quelqu’un. La loi dit pourtant que les visites avec
familles et amis doivent être maintenues pour les prisonniers
hospitalisés. Son exemple est édifiant. Vendredi, sa mère a appelé la
prison de Bapaume : « Je voulais connaître l’état de ma fille, lui
téléphoner. J’ai demandé le directeur, qui ne m’a pas prise au téléphone
et m’a passé le service social, qui m’a dit d’appeler le commissariat
central de Lille pour obtenir une visite. Là, on m’a dit qu’elles étaient
interdites pour Joëlle. » Ce n’est pas tout. A la prison, on a été
incapable d’indiquer à la mère dans quel hôpital de Lille se trouvait sa
fille : « J’ai fini par trouver le CHU grâce à l’annuaire », reprend
Madeleine Aubron. Là, « on m’a demandé si je voulais lui parler, mais mon
appel s’est perdu dans les étages. J’ai rappelé, on m’a dit qu’on ne
pouvait me donner aucun renseignement et on ne m’a pas passé ma fille ! »
La situation n’a été débloquée qu’hier. Avec un permis de visite pour
aujourd’hui aux parents. Est-ce dû au drastique statut spécial de DPS
(détenu particulièrement signalé) qui étiquette depuis leurs dix-sept
années de détention les détenus d’Action directe ? Ce qui est sûr, c’est
que les soins en prison sont très lents, surtout pour les DPS.

Le cancer de Rouillan a été découvert fortuitement, lors de son transfert,
début décembre, de la centrale d’Arles, inondée, à celle de Moulins. Il
passe alors la visite médicale des « arrivants ». Une radio montre une tache
suspecte au poumon. « Il a dû attendre trois mois et demi pour le scanner,
raconte une proche, car il fallait une escorte spéciale pour l’amener à
l’hôpital. » L’équipe médicale qui lui a annoncé son cancer lui aurait
recommandé de demander la suspension de peine, en raison d’un lourd
traitement impossible en prison. Rouillan devrait être hospitalisé cette
semaine. Dans quelles conditions ?

Deux autres détenus d’Action directe sont eux aussi malades, eux aussi
incarcérés depuis dix-sept ans. Nathalie Ménigon, qui, après des accidents
vasculaires cérébraux, est partiellement hémiplégique. Affaiblie, elle a
demandé une suspension de sa peine. En vain. Son cas sera réexaminé le 26
mars. Et Georges Cipriani, devenu fou en prison et qui n’a pu réintégrer
la centrale d’Ensisheim qu’après un long séjour en psychiatrie.

Miroir. « Cette fatalité n’en est pas une, leur état est dû à leurs
conditions de détention », dénoncent leurs amis. Ils ont été placés de
longues années à l’isolement total, ont protesté par des grèves de la
faim, ont été longtemps privés de visite, de courrier. « On sait que la
dureté de la détention, l’isolement total, minent l’organisme et le
psychisme », affirme un spécialiste. Hier, Henri Malberg, qui préside la
commission justice du PCF, dénonçait : « Ces faits sont un miroir des
problèmes que posent les pathologies graves des détenus. On est d’autant
plus indigné que la télévision renvoie des images de monsieur Papon en
pleine forme, dont la peine a été suspendue pour des raisons de santé. »

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