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L’ONU dénonce l’usage de la torture à Guantanamo

Publie le mercredi 15 février 2006 par Open-Publishing
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de Philippe Bolopion

Cinq experts de la commission des droits de l’homme de l’ONU accusent les Etats-Unis, dans un rapport à paraître dont Le Monde a obtenu une copie, d’actes "équivalant à de la torture", de "détention arbitraire", ainsi que de "traitements inhumains" et "dégradants" sur la base militaire de Guantanamo Bay, à Cuba, où sont détenus, depuis plus de quatre ans, près de 520 prisonniers accusés de liens avec le terrorisme. "Le gouvernement américain devrait fermer le centre de détention de Guantanamo Bay sans délai", affirment les experts onusiens.

La version initiale du rapport, qui pourrait être modifiée à la marge avant d’être officialisée dans les prochains jours, établit que "l’usage excessif de la violence dans bien des cas durant le transport [...] et l’alimentation de force des détenus en grève de la faim doivent être évalués comme équivalant à de la torture". Les auteurs s’appuient sur les témoignages d’avocats de détenus selon lesquels plusieurs grévistes de la faim subissent l’introduction par voie nasale d’épais tubes destinés à injecter de la nourriture dans leur estomac, parfois jusqu’à ce qu’ils "vomissent du sang".

Faute de pouvoir vérifier par eux-mêmes, les auteurs affirment qu’il faut "juger exacts" les témoignages solidement établis dénonçant ces techniques d’alimentation forcée, qui sont, selon eux, "équivalentes, sans équivoque, à de la torture". Certains médecins et des infirmières "se sont rendus complices du traitement abusif de détenus" en violation des règles d’éthique, affirme le document de trente-huit pages, qui relate "des soins conditionnés à la coopération avec les enquêteurs", des traitements "non consensuels" ou "inadéquats" et des injections de force.

Les rapporteurs s’insurgent aussi contre des techniques d’interrogatoire toujours autorisées par le Pentagone : soumettre un détenu à des températures extrêmes, des musiques intenses, le priver de lumière, l’isoler, manipuler ses cycles de sommeil... "Si elles sont utilisées simultanément, elles équivalent à des traitements dégradants", affirment les experts. "Si dans des cas individuels, qui se sont présentés lors d’entretiens, la victime expérimente une douleur ou une souffrance intenses, ces actes sont semblables à de la torture", poursuivent-ils, affirmant que "les conditions générales de détention(...) équivalent à des traitements inhumains".

350 ACTES D’AUTOMUTILATION

Les juristes onusiens estiment que "même dans des situations d’urgence ou de conflits armés" les lois relatives aux droits de l’homme s’appliquent. Selon eux, le droit des conflits armés ne s’applique pas à "la guerre contre la terreur" revendiquée par l’administration américaine pour justifier la situation d’exception qui règne à Guantanamo Bay. Les recours juridiques offerts aux prisonniers "manquent des bases légales adéquates", jugent par ailleurs les auteurs, selon lesquels "l’exécutif américain opère en tant que juge, procureur et avocat de la défense". Dans ces conditions, "la détention de toutes les personnes à Guantanamo équivaut à une détention arbitraire", affirme le document.

Le rapport met aussi en garde Washington contre "l’absence de toute enquête impartiale sur les allégations de torture", les techniques d’interrogation "fondées sur des discriminations religieuses" et "la détérioration de la santé mentale des détenus" causée par les conditions de détention et le maintien à l’isolement pendant des périodes pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. Cela s’est traduit, en 2003, par "350 actes de blessures auto-infligées, des tentatives de suicide de masse et individuelles et des grèves de la faim prolongées".

Dans la partie intitulée "Recommandations", le rapport demande au gouvernement américain de "juger rapidement" les détenus, conformément au droit applicable, ou "de les relâcher sans délai". Les rapporteurs suggèrent aussi de faire "juger les terroristes supposés par un tribunal international compétent". Jusqu’à la fermeture de la prison de Guantanamo Bay, conseillent-ils, "le gouvernement américain devrait s’abstenir de toute pratique équivalant à de la torture" et devrait "révoquer immédiatement toutes les techniques d’interrogation spéciales autorisées par le département de la défense".

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

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