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L’itinéraire le plus pimenté

Publie le samedi 5 mai 2007 par Open-Publishing

de ANNA MARIA DE LUCA CALABRE traduit de l’italien par Karl&Rosa

De Diamante, au cœur de la Riviera des Cèdres, au Palais Ducal de Maierà, à la très ancienne Cetraro, en passant par la plage de Lampezia, Amantea, fameuse pour le « caviar des pauvres » et Tropea.

Relevé, brûlant, transgressif. Il vient d’Amérique du Sud. C’est le « diavolillo » (petit diable), vrai symbole de Diamante, au cœur de la Riviera des Cèdres, dans la province de Cosenza. Ils l’appellent ici « Sa majesté le Piment », avec un « p » majuscule. Une statue rouge « contre le mauvais œil « plus haute que deux toits » cligne de l’œil aux touristes à l’entrée du village que D’Annunzio définit comme « la perle de la Mer Tyrrhénienne ».

En se promenant dans les ruelles du centre historique, parmi les plus de cent cinquante murales peints par des artistes de renommée internationale, on découvre des signatures et des vers de poètes, d’écrivains, d’historiens, de révolutionnaires.

Et, partout, « Lui ». Dessiné, peint et sculpté dans les rues qui s’étendent le long de huit kilomètres de plages, couronné, honoré et mis de partout, du café aux tartes. Son trône est l’Académie italienne du Piment qui organise en septembre le Festival homonyme : une semaine d’expositions pimentées de cinéma, d’art, de culture, de satire, de musique, de folklore et, naturellement, de gastronomie.

Pour le grand finale, les plus endurcis mangeurs de diavolillo, sélectionnés région par région, arrivent de toute l’Italie. Jusqu’aujourd’hui, le recordman est Francesco Vecchio : dans une compétition de trente fugueuses minutes il est arrivé à en manger à la cuillère, avec seulement un peu de pain et d’huile, 820 grammes. Il faut le voir pour le croire. Tandis que de Paris à New York, de Tokyo à Toronto se multiplient les conférences pour démontrer les bienfaits du piment pour l’éros et la santé – même les jaunes des œufs sont rouges si on concède aux poules d’en régaler leurs palais – Diamante expérimente de nouvelles formules, de la cuisine aux médias en passant par les gadgets.

Ici on se promène entre les vitrines de piments cornets, avec le gadget antivol à la tire dans son sac à main (atomiseur meurtrier au piment et porte-clefs à la « corne » pointue) et les dernières news sous le bras : « « Pic monde piment », le magazine dirigé par Enzo Monaco, le président de l’Académie. Et si on décide de faire une pause, le spécialiste du café au piment, « Nini’ », sur la promenade du bord de la mer, propose maintenant aussi les truffes pimentées : Afrodisia, la Boule d’Eros et Noir Diamante, chocolat fondant avec un cœur de rhum et oranges.

En se déplaçant quatre kilomètres à peine au nord de Diamante, les routes du diavolillo mènent au palais ducal de Maierà, le siège du Musée du piment, unique au monde. Cinq salles pour raconter une histoire longue de six mille ans. En suivant la vague pimentée vers le Sud, toujours sur le littoral tyrrhénien, on arrive, en revanche, à la très ancienne Cetraro, probablement la première des villes maritimes de l’antique Calabre. Par les trois portes de Mare, de Basso et de Sopra on entre dans un parcours enchevêtré de ruelles, de placettes et d’arcs, le cœur battant de l’historique activité des pêcheurs. C’est ici que le pimenté épouse la tradition maritime en donnant vie au caviar du sud.

Un mélange de piment et d’embryons de poissons pêchés du 6 février au 6 avril, autour duquel tourne une partie de l’économie du village. En se promenant le long de la mer de Cetraro on arrive à la plage de Lampezia, l’une des plus suggestives de la Mer Tyrrhénienne. La longue chaîne de joyaux gastronomiques nés du piment mène cinquante kilomètres vers le sud, à Amantea. Localité maritime d’intérêt historique et archéologique, elle a été aussi le siège d’un émirat, en 839. Elle est fameuse aujourd’hui pour le « caviar des pauvres » la rosamarina faite « a pitticelle » et pour la production de figues farcies de noix et couvertes de chocolat. Les dernières fouilles archéologiques confirment les hypothèses selon lesquelles l’ancienne Temesa, la légendaire ville narrée dans l’Odyssée, s’élevait ici. Le soir, les promenades dans les ruelles du centre, riche de boutiques, jusqu’au château, sont agréables. En journée, l’exploration de l’oasis marine « Blu Isca », but préféré de mouettes et de hérons, est intéressante.

La rosamarina d’Amantea est une variante du « caviar de Crucoli » dans la province de Crotone, sur l’autre versant de la Calabre. Dans ce village, où le temps semble s’être arrêté, le piment est mélangé au sel et à la blanchaille pêchée entre le 13 février et le 13 avril et gardé dans la saumure plusieurs mois dans un récipient de terre cuite. De mystérieuses doses réalisent la sardella, un aliment pauvre mais très riche dans ses applications dans les plats. Si vous voulez parler de piment, attention aux termes que vous utilisez : le piment relevé s’appelle ici « puta pario’ », une injure adoptée par la langue argentine, tandis que le « pipu pisatu » est utilisé pour la sardella et le « pipu bonu », c’est-à-dire noir, pour les saucisses et les fromages de tête. La dernière étape de ce voyage sur les routes du piment est Tropea, capitale indiscutable du tourisme calabrais et de la ‘nduja, le salami mou le plus pimenté du monde. Une halte dans la place Galluppi, sur un rocher arénaire en face de la mer et ensuite tout le monde à table pour la pasta con la ‘nduja dans les petit restos de Tropea.

CETRARO

Jazz, mode et fresques du XVIII siècle
Sur les sentiers relevés du piment, l’ancienne Cetraro mérite sûrement une visite. Les lieux d’art de cette petite ville qui a été dirigée pendant 726 ans par les Bénédictins de Monte Cassino sont nombreux. Du cloître gothique de l’église du Ritiro aux fresques du XVIII siècle de celle de Saint Benoît en passant par les restaurations du Palais du Trône. Pour ceux qui aiment le grand air, une excursion au Sanctuaire de la Madone de la Serra, d’en haut duquel on jouit d’un panorama enchanteur, est suggestive. Ou, pour les plus paresseux, une promenade le long de la mer, jusqu’aux grottes des Colonne et des Rizzi, sous le tiède soleil printanier : une immersion restauratrice dans l’iode, qui met en appétit, à conclure par un beau dîner à base de poisson et un petit verre de limoncello ou de liqueur de réglisse.

Dans les soirées estivales, Cetraro se peuple de touristes et de kermesses. Le festival jazz au cœur du centre historique et les défilés de mode dans le petit port font vibrer la musique et les lumières sur les rides de la mer. Il y a au moins deux journées consacrées au folklore. Si vous êtes curieux, les bons jours pour vous sont le 10 et le 11 juillet, pendant le tournoi des huit quartiers qui colore les ruelles de drapeaux et de coutumes. Et, toujours à l’enseigne du relax, que diriez-vous d’une immersion bénéfique dans les eaux sulfureuses déjà chantées par Pline l’Ancien au I siècle avant J.C. ? Chauffées en profondeur par des vapeurs magmatiques, elles jaillissent de deux sources froides et de trois chaudes, situées à la base du Rocher du Diable et elles ont la plus haute teneur en sulfite d’Italie. Elles se trouvent à quelques kilomètres de Cetraro, à cheval entre Guardia Piemontese et Acquappesa, dans le parc des thermes Luigiane. Après une journée aux thermes, la soirée s’ouvre avec un bel apéritif sur la mer, au coucher du soleil, près de la romantique Roche de la Reine, riche de grottes naturelles. Le reste selon votre imagination, parmi les labyrinthes relevés du piment.

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