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LA LIGNE : CE QU’ON ATTEND A GAUCHE

Publie le dimanche 18 septembre 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

de Jean-Luc Gonneau

La gauche antilibérale était gonflée à bloc pendant la campagne contre le projet de traité constitutionnel européen, ivre de joie après les résultats du 29 mai, heureuse de constater quelques jours plus tard que les hollandais mettaient une deuxième baffe à l’Europe libérale.

La rentrée est moins joyeuse. Gueule de bois après l’ivresse ? Pas tout à fait, mais quelques maux de crânes tout de même. Comme l’a fait remarquer il y a peu Marie-George Buffet, le mouvement semble avoir du mal à redécoller. Il est cependant un peu tôt pour le dire : les uns et les autres ont décompressé, il y avait de quoi, pendant l’été, et la rentrée n’est vieille que de quelques jours.

De plus, l’offensive estivale du gouvernement pour enterrer l’échec du référendum sous une avalanche d’ordonnances antilibérales, la xième paranoïa sécuritaire du ministre de l’Intérieur peuvent conduire nos concitoyens à de dire « à quoi bon ? ». On a voté Non, et alors, qu’est-ce que ça change. Il faut, vite, répondre à ces doutes.

Nous avons donc quelques inquiétudes, donc on les dit, quelques hypothèses, donc on les poses, et quelques propositions, donc on les fait.

Chacun chez soi, le premier danger

L’originalité de la campagne référendaire a été l’impressionnante unité qui s’est manifestée dans les multiples actions locales, où citoyennes et citoyens non encartés, syndicalistes, socialistes, communistes, associatifs, trotskistes, républicains de gauche, gaullistes de gauche ont travaillé, presque partout main dans la main, et dans la joie, s’il vous plait, ce qui n’est pas le moindre acquis de cette campagne.

Nous craignons, pour cette rentrée, le repli des uns et des autres dans leurs boutiques respectives. Déjà, les socialistes du Non ont la tête plongée dan leur prochain congrès. Le Parti Communiste parle d’une candidature communiste à la présidentielle, manière peut-être de marquer son territoire par rapport aux ambitions affirmées de Laurent Fabius de rassembler tout le monde derrière lui et aux intentions prêtées à José Bové de tenter de rassembler la « gauche de la gauche ». Chez les Verts, la perspective présidentielle émoustille tant qu’il y a déjà pléthore de candidats à la candidature, c’en est comique. Nous avons le sentiment que, dans les appareils politiques, petits ou grands, les problèmes sont pris à l’envers du raisonnable.

Nous comprenons en partie les raisons de ces tendances aux « replis identitaires » : les organisations politiques de la gauche ont chacune leur histoire, leur culture, leurs mœurs. Chacune tient à sa maison, et le Cactus/La Gauche ! à sa modeste cabane, à ses amitiés, à ses impertinences et ses joyeux banquets, par exemple. Nous ne nous faisons pas d’illusions excessives sur la construction d’une maison commune, même si on en rêve. Nous estimons cependant possible de nous trouver un espace commun durable.

A la Fête de l’Humanité, des propos encourageants ont été tenus. Si nous passions des discours aux actes ?

Remettre les priorités à l’endroit

Des initiatives sont prévues, en novembre et décembre, par le Parti Communiste et par le Collectif national du 29 mai . Nous les suivrons avec attention et y participerons goulûment.

Nous souhaitons une démarche en trois étapes. La première est de définir un projet pour la France et l’Europe. Un projet alternatif, pas un projet d’alternance, tout le monde semble d’accord là-dessus. Un projet qui dise clairement que les « réformes » réactionnaires de la droite seront annulées, non pas pour revenir en arrière, mais pour remettre la justice sociale, la protection des travailleurs et des retraités au cœur de la politique. Un projet qui revienne clairement sur les privatisations, passées ou en cours, y compris sur certaines réalisées avant 2002. Un projet qui soit ambitieux en matière d’emploi, de logement, de transport. La croissance ne doit pas être celle des dividendes, mais celle du développement, durable.La campagne référendaire a montré que de larges accords étaient possibles sur un projet entre les composantes de la gauche antilibérale. Traduisons les concrètement.

Nous savons tous que des échéances politiques importantes nous attendent en 2007/2008, tant au niveau local qu’au niveau national. Il serait irresponsable de ne pas en tenir compte, n’en déplaise à ceux qui se méfient de l’ « électoralisme ». Le projet doit déboucher sur une perspective électorale. Et la première étape de ce débouché n’est pas celle du calendrier, la présidentielle, mais, à notre sens, celle des élections municipales et législatives. A projet commun, candidatures communes, dans le respect de chaque composante ; il faut sortir de la situation de parti hégémonique, majoritaire à lui tout seul ou presque. Face à la droite, mais aussi face aux socio-libéraux, nous devons représenter une force identifiable. Cela passe-t-il par une forme de type fédératif ? Pourquoi pas. Des candidats unitaires clairement anti-libéraux aux législatives, des listes unitaires clairement anti-libérales aux municipales, n’est-ce pas ce qu’espèrent beaucoup de celles et ceux qui nous ont fait confiance le 29 mai ?

Ce n’est qu’ensuite, à notre avis, que peut se poser la question de la (ou des) candidature à l’élection présidentielle. Nous penchons pour une candidature unique de la gauche anti-libérale. Mais cette candidature, quelle qu’elle soit, doit être ficelée par un contrat avec ses deux volets : le projet et l’accord électoral. Si la candidature unique n’est pas possible (ou tactiquement pas souhaitable le moment venu), le contrat peut aussi s’imposer aux différents candidats ; au passage, il faciliterait le problème parfois épineux des désistements.

Et le PS là-dedans ?

Le Parti Socialiste est engagé dans un congrès décisif, pour lui et pour la gauche. Que la direction actuelle l’emporte et il apparaîtra clairement qu’il y a en effet deux gauches. Entre les deux, c’est le rapport de forces militant et électoral qui tranchera : l’unité de la gauche antilibérale sera un impératif. Que ses opposants deviennent majoritaires, et le spectre unitaire peut s’élargir. Encore faudra-t-il que ce PS-là renonce pour de bon à ses prétentions ou tentations hégémoniques : un sacré virage culturel, camarades. Mais il faut dépasser les seuls intérêts boutiquiers. Les frontières entre organisations sont une chose, les frontières entre les idées en sont une autre, et plus poreuses. Il y a aujourd’hui plus d’affinités idéologiques (ce qui n’exclut pas les différences) entre Jean-Luc Mélenchon et Marie-George Buffet qu’entre Mélenchon et François Hollande, entre Francine Bavay, des Verts, et José Bové qu’entre Bavay et Dominique Voynet. Et, au Cactus/La Gauche !, ce qui est important, c’est bien connu, ce sont les idées.

1) Nouveau nom de la coordination nationale Appel des 200. Pas génial, de notre point de vue : cette manie commémorative...

http://la-gauche.org

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Photo : Patrice Leclerc

Messages

  • Je partage complétement cette analyse de la situation. Nous devons ab-so-lu-ment nous désengager du PS. Nous ne pouvons rester les yeux rivés sur les orientations des écuries présidentielles à l’intérieur de ce parti vermoulu.
    Le but ultime n’est pas la présidentielle de 2007, arrivons avec un projet commun définissant les remises en cause et les dégâts provoqués par 25 ans de politiques libérales, pour gagner les échéances électorales suivantes.
    Une course contre la montre s’est engagée, la casse sociale produit de plus en plus de précarité chez les salariés du privé, qui ont peur et de revendiquer et d’agir : estimant que voter ne sert à rien.
    Cela, les libéraux le savent bien et jouent à fond cette carte, espérant ainsi priver la nouvelle gauche des voix de ceux qui ont contribué à faire gagner le NON au référendum.

  • Je me retrouve dans cet article. Les enjeux sont tels aujourd’hui, notamment avec le premier volet des ordonnances de Villepin cet été sur l’emploi, que les réponses du politique comme du mouvement social doivent prendre la mesure des innovations à entreprendre. On se cherche ici et là : c’est normal, mais surtout, ayons suffisamment d’audace pour construire l’alternative au libéralisme, et pour qu’elle gagne ! Ce que nous avons fait ensemble avec les collectifs du non nous montre la voie : c’est au niveau local qu’il nous faut rassembler et agir. Les organisations fédèrent et coordonnent. il nous faut aujourd’hui retrouver le souffle de la campagne référendaire :

     continuer la bataille sur le projet européen : c’est ce qui nous a fédéré, c’est absolument urgent : toutes les dispositions de Villepin s’inscrivent dans les recommandations de l’UE, notamment sur l’emploi (voir les textes de l’Union sur ce point : les objectifs y sont exposés sans fioriture). C’est la poursuite de l’action sur l’Europe qui nous permettra de dépasser les clivages organisationnels.

     le mouvement social doit prendre de l’ampleur. Mais pour se mobiliser, chacun a besoin de perspectives politiques, de changement des règles et du droit actuel : il nous faut construire (assez vite) une perspective de changement de politique, antilibérale. Or, comment changer la politique de la France dans la 5eme république ? Il faut peser fortement sur les décisions du parlement, et en premier lieu de l’assemblée nationale. L’élection présidentielle nous pollue l’existence. Travaillons dès maintenant, dans les circonscriptions à la campagne législative. Inspirons nous des expériences des collectifs, de 1789, et sur nos territoires, créons les conditions pour battre les députés UMP, sans pour autant faire le lit des sociaux libéraux. Travaillons au programme du candidat, mais également à la méthode, pour la campagne, mais également pour la suite : comment le député travaillera avec les citoyens, et comment ceux ci continueront à travailler avec lui ?

     il faut un programme, mais il faut surtout qu’on s’attache à partager la méthode : l’expérience passée a montré qu’un bon programme cela ne suffit pas. La politique est plus que jamais confrontée à des situations complexes, notamment du fait de la mondialisation : on ne peut pas tout prévoir à priori. Donnons nous les moyens nous les citoyens, de pouvoir intervenir en permanence, en temps réel, et de trouver nous même les points d’accord et de compromis nécessaires. La mission de l’élu étant dans ce cas de figure non seulement de représenter les citoyens qui lui ont confié sa responsabilité, mais également et surtout, de veiller à animer la démocratie représentative : alerter sur les sujets à travailler, donner les infos,... et laisser du temps pour que les citoyens puissent s’approprier et se déterminer..

     L’élection présidentielle est secondaire. Il faudrait d’ailleurs envisager de revenir à un régime parlementaire en réduisant la fonction présidentielle à son stricte minimum. Mais en attendant, je pense qu’il faut la remettre à sa place : ce n’est pas l’élection présidentielle qui nous permettra de modifier l’orientation du pays. Ne faut-il pas aller jusqu’au bout du raisonnement et présenter à cette élection le sous commandant Marcos, voir pas de candidat du tout ?