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LA MARCHANDISE CONTRE LE VIVANT

Publie le lundi 21 décembre 2009 par Open-Publishing
4 commentaires

de Patrick MIGNARD

Au-delà
des conditions sociales imposées par les rapports de production et qui
déterminent les jeux de pouvoir et de conflits dans la société,
l’existence
humaine s’est détachée peu à peu du substrat naturel dont elle est
issue au
point que la Nature lui est peu à peu devenue étrangère.

 

La
manière de produire, la finalité de la production et les critères de
distribution des « richesses » produites – qui sont à la base même
des rapports de production et rapports sociaux – révèlent aujourd’hui
une
méconnaissance généralisée – au niveau du comportement quotidien - des
lois de
la nature à l’origine de dérives gravissimes.

 

 

LA
MUTATION DE LA VIE HUMAINE

 

 

L’être
humain, contrairement aux autres animaux, s’est très vite insatisfait
de la
simple cueillette pour subvenir à ses besoins. Pour se faire, il a
inventé l’outil
intermédiaire entre lui et la nature. Démarche aux conséquences
redoutables car
celui-ci, l’outil, n’est pas le simple instrument matériel qu’il paraît
être
mais il est aussi un objet social dans la mesure où son
existence
modifie le comportement de l’Homme-animal
social, vis-à-vis de ses semblables, de même que son évolution dans son
rapport
à la Nature.

 

Paradoxalement,
la connaissance scientifique de la nature, c’est-à-dire la connaissance
de ses
lois de fonctionnement n’a pas servi à vivre plus harmonieusement avec
elle,
mais à au contraire à l’instrumentaliser à des fins aboutissant à sa
destruction.
L’anthropocentrisme a entraîné la négation de l’Homme en tant que
composante de
la Nature.

 

C’est
cette connaissance/méconnaissance de la nature qui permet de faire
n’ « importe quoi ». Quand la valeur d’échange de la
marchandise, au détriment de la valeur d’usage, détermine de
manière
quasi absolue les conditions de l’existence du produit qui la
sous-tend, on
entre dans un monde nouveau où ne règnent plus les lois de la Nature,
où même,
le comportement humains par rapport à ses propres besoins et désirs est
complètement soumis à une nouvelle logique, celle de la marchandise.

 

Dans
notre système, tout ce qui ne paie pas, ne rapporte pas, n’a pas de
valeur
monnayables,… n’a aucun sens, n’a pas à exister. Même la biodiversité
est
soumise à cette loi. Exemple : On
explique aux populations africaines qu’il faut respecter les espèces
non pas en
tant que telles mais parce qu’elles sont le « support au tourisme »
.
Le respect de la Nature est perverti par l’argent.

 

Vu
sous l’angle du rapport à la Nature, et dans sa phase marchande, il y a
pourrait-on dire schématiquement, deux catégories d’individus dans
l’acte de
production :

 

- 
les
« producteurs » qui utilisent la totalité des technologies inventées
pour produire dans les meilleures conditions – au sens de plus
rentables – des
biens qui n’ont de sens qu’en tant que porteurs de valeur marchande.
Qu’ils soient employeurs, salariés ou indépendants, tous,
indépendamment de
leur statut social, utilisent les technologies qui éloignent l’Homme de
la
nature et l’instrumentalisent… ce que l’on nomme le « progrès » ;

- 

les
« consommateurs » qui adoptent et acceptent de consommer des
« produits » élaborés qui s’éloignent de plus en plus de l’état
naturel soit par inconscience, soit par nécessité. La configuration
sociale, l’organisation
spatiale de la société – par exemple l’urbanisation extrême - laissent
peu de
choix à la manière d’acquérir des biens et des services.

 

Bien
sûr, producteurs et consommateurs sont les mêmes personnes, mais, de
même que
le producteur est « piégé » par les conditions de la production
marchande – être rentable ou disparaître – le consommateur est
« piégé » par la nature des produits qui lui sont vendus. Cette
situation double d’« aliénation » piège, au sein même du système
marchand toute possibilité d’évolution dans le sens de son dépassement.

 

 

LA
CONSOMMATION, UN ACTE VIDE DE SENS

 

 

On
sait quel est le sens de l’acte de production dans le système
marchand : la
maximisation du profit
. L’acte de consommation, qui a un sens
complètement
perverti par rapport à ce qu’il est à l’origine, satisfaire ses
besoins,

s’emboîte parfaitement à la logique de la production.

 

 

La
consommation pour la consommation

 

 

L’efficacité
technologique de l’acte de production, s’il a fait évoluer la nature
des objets
produits, a bien évidemment eu un impact sur la manière de consommer.
La sophistication
– l’industrialisation, la standardisation - des produits fabriqués les
a
dénaturé au point que l’on ne sait plus très bien dans l’alimentation
par
exemple - ce que l’on consomme. L’acte de se nourrir – manger
pour vivre
– est devenu son inverse – vivre pour manger.
La multiplication infinie des produits a
engendré une non moins infinie multiplication des besoins,
souvent
factices et superflus, au point qu’il est aujourd’hui bien hasardeux de
définir
ce que l’on pourrait appeler des « besoins de base ». En fait
l’évolution de la masse et de la hiérarchie des besoins a suivi
l’évolution des
innovations technologique pour les produire. La situation s’est
dramatiquement
aggravée lorsque la production d’objets est devenue instrument de
spéculation
, la valeur d’échange supplantant définitivement
la valeur
d’usage
. L’incitation à la consommation n’a alors plus connu de
limites et
n’a plus été le moyen de satisfaire des besoins,
mais des fantasmes sociaux d’appartenance, de statuts et de postures.

 

 

La
consommation pour la production

 

 

Dans
la lignée de l’évolution de la production, la consommation est devenue
aussi objet de spéculation

 

En
elle-même, en spéculant sur l’abondance et la rareté en fonction des
besoins
exprimés. Moyen d’enrichissement elle a été aussi – et est encore –
instrument
de pouvoir en créant la pénurie ou au contraire l’avidité de la
possession
(politique des marques).

 

Vis-à-vis
de la production en étant l’instrument essentiel de celle-ci. En effet
le
maintien d’une production dépend de ses débouchés et une réduction de
ces
derniers met en péril ce qui structure le social, le rapport de
production. C’est tout le sens de
slogans tels que : « Produisons et achetons français ! »
« Nos emplettes font nos emplois ». Le niveau de consommation
d’un pays est un élément essentiel de sa « bonne santé économique ».
Autrement dit, l’on doit consommer, le plus possible, non pas en
fonction des
besoins, mais pour préserver l’emploi, les profits, l’investissement,
la
croissance,…. Bref tout ce qui fait l’ « équilibre » du système
marchand.

 

 

L’INEVITABLE
ET NECESSAIRE RETOURNEMENT

 

 

Il
aura fallu des décennies pour prendre conscience des dérives d’un tel
système.
Le système marchand – en développant de manière inouïe les moyens de
production
 a surdéterminé celles-ci en les accroissant quantitativement et pas
toujours
qualitativement.

 

La
surconsommation des ressources naturelles non renouvelables ne pouvait
passer,
à terme, inaperçue, les conditions sociales de la production ne
pouvaient pas
ne pas entraîner des conflits… Pourtant les unes ont été acceptées au
nom du
progrès et du confort immédiat, les autres n’ont fait l’objet que
d’aménagements
– entre classes sociales - et de marchandages sur les conditions de
travail et
le partage des richesses.

 

C’est
après trois bonnes décennies de « société de consommation »
intensive (1945-1975) que celle-ci est devenue peu à peu suspecte
entraînant
une prise de conscience – encore modeste – des enchaînements
aboutissant à des
catastrophes écologiques et alimentaires.

 

C’est
la perversion de l’acte de consommation qui, aujourd’hui, permet de
réinterroger le sens de l’acte de production.

 

La
« sécurité » - alimentaire entre autres - qui devait être la règle, a
totalement échappé aux apprentis sorciers de la production, multipliant
les
catastrophes sanitaires à grande échelle et autres drames industriels
gravissimes.

 

Le
« manger » anonyme, artificiel, synthétique, mort au regard de
l’authenticité de la Nature (standardisation des produits, perte de
goût,…),
cède peu à peu la place à un désir de retour à une consommation plus
authentique.

 

Parallèlement
à ces dérives, le système marchand, détruisant le lien social qui le
constitue
– l’emploi en particulier, en généralisant l’exclusion – 
des dynamiques alternatives, sous toutes les
latitudes sont apparues entraînant une prise de conscience de plus en
plus
large.

 

C’est,
aujourd’hui, et demain, dans ces initiatives que réside probablement la
problématique d’un changement social radical. Les vieux dogmes
« révolutionnaires »
des 19e et 20e s siècle, ayant fait faillite, de
même que
les élucubrations politico-économiques (interventionnisme étatique,
« humanisation du capitalisme » et autres manipulations idéologiques)
 des gestionnaires du capital, il ne
nous reste plus que cette voie pour ouvrir
une alternative crédible et durable
.

 

Il
n’y va plus simplement du confort et de l’abondance, mais de la vie de
notre
espèce – et de toutes les autres – sur la planète Terre.

 

 

Décembre 2009   
Patrick
MIGNARD

 

 

Voir
aussi :

 

« L’HOMME
APPARTIENT-IL A LA NATURE ? »

 

« LES
SOLDES, CET OBSCUR OBJET DE DESIR »

 

« CE
QUI SE JOUE DERRIERE LES OGM »

 

L’ECONOMIE
DU GASPILLAGE »

 

« LA
PUB OU LA VIE »


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Messages

  • Cher Patrick,

    Merci de rappeler les bases du debat,

    Copenhague fut une auberge espagnole de promesses dont une seule a ma connaissance s’engagea sur ton terrain,meme si ambigue et un peu megalo :

    Wade rêve d’une centrale solaire dans le Sahara pour une énergie gratuite

    COPENHAGUE - Le président sénégalais Abdoulaye Wade a proposé mercredi à Copenhague la construction d’une immense centrale solaire dans le désert du Sahara afin de fournir une énergie gratuite à tout le continent africain, puis à l’Europe.

    "Nous, les hommes politiques africains, nous voulons créer au Sahara une centrale solaire de 100.000 mégawatts", a déclaré M. Wade lors de l’assemblée plénière de la conférence climat de l’ONU.

    "Nous sommes propriétaires de la chaleur que le soleil envoie à nos sols, ce réchauffement est une richesse !", a déclaré le président Wade à la tribune devant l’assemblée plénière des ministres.

    "Au bout d’un an, le coût de l’énergie solaire est réduit d’un tiers puis au bout de sept ans, il tombe à zéro. Nous pouvons alors fournir une énergie gratuite à l’Afrique", a expliqué M. Wade.

    Par la suite, l’Europe pourrait également être approvisionnée à "un coût d’abord marginal, puis nul", a-t-il assuré.

    Selon le président sénégalais, le coût de la construction de cette centrale serait d’environ 350 milliards de dollars (240 milliards d’euros).

    "Avec ce projet, l’Afrique va rattraper son retard. L’Afrique va devenir la dernière frontière car elle pourra recevoir tous les savants du monde pour développer ce grand continent", a-t-il conclu.

    16 décembre 2009 17h45

    http://www.romandie.com/infos/News2/091216164500.l0wyzp6n.asp

    Venant d’un chef d’Etat ;exposée a la tribune,elle ne suscita que le silence general,elle indique pourtant qu’une breche est ,s’appuyant et provoquée par la crise en Afrique dont nous n’avons qu’une vague idée...

  • Cet article est intéressant, d’autant plus intéressant qu’il en remet une couche pour la décroissance.

    Il résume en partie ce que certains évoquent depuis 10 à 20 ans, qui furent souvent d’ailleurs raillés par les sceptiques, voire complétement ignorés. Comme quoi, quand cela ne paraissait pas urgent, c’était alors une utopie pour beaucoup, mais quand on s’aperçoit que c’est probalement l’une des solutions surtout en opérant une mutation constante sur le terrain, c’est à dire en favorisant par exemple l’autogestion, la relocalistion, la modification du comportement du consommateur, même si le principe n’est pas parfait les amap sont déjà une avancée, l’ensemble des actions réussies comme celle-ci nous ménerons vers le fait de créer ce que l’on appelle la masse critique qui fera basculer les comportements et notre société.

    Cependant, contrairement à certaine de mes amis objecteurs de croissances, si je crois à la valeur de la masse critique pour la pérénité de l’évolution de nos sociétés, je pense néanmoins qu’il ne faut pas oublier le mouvement insurrectionel. Certes, pour se conforter dans le seul concept de la masse critique ou si l’on a un sentiment négatif pour les révolutions, on peut considérer la révolution française comme ratée puisqu’elle fut essentiellement bourgeoise et a amené cette bourgeoise au capitalisme. Toutefois, les privilèges de la noblesse ont disparu et l’on a enclanché le processus de la laïcité à la française. Alors n’oublions aussi qu’en même pas les révoltes ou révolutions elles peuvent venir demain. Il s’agit alors d’être vigilant et d’aller au fond du changement et ne pas se contenter d’un résultat de surface.

    Mais ou l’on peut déjà se battre ponctuellement, en déhors du fait de parler encore plus de décroissance, c’est autour des OGM et surtout, surtout ce que beaucoup n’ont pas encore appréhendé : les nanotechnologies. D’ailleurs on pourrait voir par ce biais le brevetage du vivant, en neurologie par exemple. Les nanoparticules sont déjà dans notre alimentation, certaines dont on ne connait même pas les dangers, et personne ne réagit...

    Pendant ce temps là on nous enfume avec un Copenhague à la con, grande messe pseudo écolo-business !

    http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com