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LA POLICE FAIT PEUR ET LE CHIFFRE TUE

Publie le mercredi 10 octobre 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

La police fait peur. Le problème, c’est qu’elle fait moins peur aux
trafiquants de drogue et agresseurs de vieilles dames qu’aux hommes
et femmes dont le seul crime est d’être sans papiers.

Dès son installation dans le ministère de « l’immigration et de
l’identité nationale » , Hortefeux le dit : il " agira dans son
ministère sans état d’âme, aucun »

Et de lancer la consigne : faire du chiffre, procéder en 2007 à 125
000 interpellations pour parvenir à 25 000 expulsions. Les préfets - docilité oblige - n’ont pas attendu longtemps pour mettre en
application les consignes de Brice Hortefeux demandant des
résultats. La course aux chiffres s’est brusquement accélérée au
début du mois d’août quand « l’éloignement des étrangers en situation
irrégulière » a été désigné comme un « objectif prioritaire de
l’action gouvernementale ».

Les honteuses rafles au faciès (pudiquement couvertes du terme d’ « 
extranéité »), qui renvoient à des souvenirs non moins honteux, se
multiplient : au domicile - à l’heure du laitier, on casse la porte, on menotte les parents devant les gamins traumatisés - au travail, devant les foyers d’hébergement, dans les gares, voire aux urgences des hôpitaux.

Les centres de rétention administrative - « ces horreurs de la
République » comme les qualifiait le rapport Mermaz en 2001 - font le
plein, les automutilations et tentatives de suicide y sont fréquentes.
Les expulsions d’une grande brutalité, physique et psychologique,
sont incessantes, des familles sont séparées.

L’été a été celui des défenestrations.

Début août, un Congolais saute par la fenêtre du deuxième étage de
l’hôtel de police de Lyon. Mi-août, à Amiens, un enfant tchétchène de
12 ans, Ivan, saute par la fenêtre de pour fuir la police. Il est
toujours en convalescence au CHU d’Amiens. Le 31 août, à Toulouse,
Tarek, un Tunisien de 24 ans en situation irrégulière saute du
quatrième étage. Le 12 septembre, c’est un jeune Tunisien qui passe
par la fenêtre du quatrième étage à Péage-en-Roussillon, en Isère.

Le 20 septembre, Chunlan LIU, terrorisée en voyant arriver les
policiers, se défenestre dans le Xe arrondissement de Paris. Elle
meurt des suites de ses blessures vendredi 21septembre à l’hôpital
Georges-Pompidou. L’issue fatale de ce drame est soigneusement cachée pendant plus de deux jours : le gouvernement se sentirait-il enfin
responsable après cette cinquième défenestration ?... Le chiffre tue.

Les tribunaux sont engorgés... des policiers, des juges, des avocats
dénoncent la pression instaurée par le ministère de l’immigration
pour atteindre ses objectifs en matière d’expulsion.

Des fonctionnaires aussi, à quelque étape que ce soit de la machine à
expulser, (tribunaux, préfecture, police...) expriment leur
opposition au sale boulot qu’on leur fait faire : pour ces femmes et
ces hommes, individuellement ou par la voix de leurs organisations
syndicales, « faire leur métier, obéir aux ordres » pose aujourd’hui
des problèmes de conscience.

Plusieurs syndicats d’Air France se sont insurgés contre
l’utilisation des avions du groupe pour les expulsions, et, le 11
juillet, manifestaient avec les militants de RESF devant les portes
de l’assemblée générale des actionnaires de l’entreprise.

Les inspecteurs du travail refusent d’être les supplétifs de la
police et de dénoncer les travailleurs clandestins en même temps que
leurs employeurs.

Aux préfets qui dénoncent les opérations de "parrainage" et diverses
autres décisions de soutien en faveur d’étrangers en situation
irrégulière, des maires annoncent dans une lettre ouverte au ministre
de l’Immigration qu’ils continueront de protéger les étrangers sans
papiers et ne céderont pas aux menaces de poursuites : "...Votre
vision obsessionnelle du chiffre en matière de politique
d’immigration est d’autant plus condamnable que ce sont des êtres
humains qui sont en jeu...".


Malaise dans la police

Selon Francis Masanet, secrétaire général adjoint du syndicat de
policiers UNSA, "le gouvernement, nous en sommes certains, prépare
pour la rentrée des opérations spectaculaires, ciblées et ...
médiatiques." ... "le climat dans lequel s’effectuent ces opérations
finit par peser lourdement sur le moral des troupes... Les centres de
rétention surchargés, dans lesquels se multiplient conflits et
drames, l’intervention des associations, les difficultés liées a
l’embarquement des récalcitrants ... tout cela suscite des doutes
parmi les policiers sur le bien-fondé de ces méthodes...."

Selon Nicolas Comte, le secrétaire général du SGP-FO, "nous avons
l’impression que notre mission s’apparente à un travail
d’abattage.... Nous n’avons plus le temps de nous attaquer aux
employeurs mafieux, aux réseaux... Il y a de plus en plus de tensions
lors des interpellations. On est parfois, c’est vrai, à la limite des
règles de procédure [...] Et pourquoi cet objectif de 25 000
expulsions ? [...] Le malaise des policiers face à ces objectifs
chiffrés se ressent à tous les niveaux.

Les collègues en parlent
beaucoup. On a l’impression de travailler dans le vide, de ne pas
donner une bonne image de la police. Ce n’est jamais drôle
d’interpeller quelqu’un chez lui à six heures du matin. Mais quand il
s’agit d’étrangers au milieu de leurs enfants, dont le seul délit est
de demeurer dans l’illégalité pour faire vivre leur famille, c’est
très difficile."


Aujourd’hui, renforcées par la multiplication des situations
dramatiques, notre détermination, au sein de RESF, reste entière.

Les citoyens, révoltés par la chasse aux sans papiers, sont de plus
en plus nombreux à chercher à les protéger. Quand les lois sont
illégitimes, le devoir de désobéissance s’impose : 132 000 personnes
ont signé la pétition "Nous les prenons sous notre protection" dans
laquelle les signataires affirment "Nous ne laisserons pas commettre
ces infamies en notre nom.

Chacun avec les moyens qui sont les
nôtres, nous leur apporterons notre soutien, notre parrainage, notre
protection. S’ils nous demandent asile, nous ne leur fermerons pas
notre porte, nous les hébergerons et les nourrirons ; nous ne les
dénoncerons pas à la police."

Depuis des années, au plus haut degré de l’Etat, les autorités ont
réinstallé l’émigré (pauvre et extracommunautaire) en position de
bouc émissaire : négation du droit de vivre en famille, tests
médicaux détournés à l’usage exclusif des migrants (ADN, examens
osseux...), fichiers classant les personnes selon l’origine
ethnique, droit d’asile laminé, quotas d’expulsion... Ces pratiques
faites « au nom du peuple français sont indignes ».

Prétendant
résoudre le soit-disant « problème de l’immigration », cette
politique n’a pour résultat que de répandre la terreur chez les
migrants, de les pousser à des actes désespérés et de susciter la
consternation et la honte dans la population.

Tragiques conséquences de cette politique : Ivan est toujours dans un
état très grave, Chulan Zhang Liu est morte. C’est une injustice
fondamentale.


L’opposition aux expulsions criminalisée.

Florimond Guimard, instituteur à Marseille, est traduit devant la
justice après des manifestations pour empêcher l’expulsion d’un père
d’élève.

François Auguste, élu, vice-président du Conseil Régional du Rhône,
blessé par la police, est poursuivi pour s’être insurgé dans l’avion
lors de l’expulsion de la famille Raba.

Kadidja, Mme Durupt et bien d’autres, n’acceptant pas de voyager dans
un « fourgon cellulaire », sont poursuivis pour « entrave à la
circulation des aéronefs ». Parfois relaxés en première instance, ils
peuvent connaître l’acharnement d’un appel...

Article à paraître dans le prochain journal de la Fédération SUD
Education


Informations, agenda, pétitions sur le site de RESF :

www.educationsansfrontieres.org


Fédération SUD Education

Commission « SANS PAPIERS IMMIGRATION » octobre 2007

Messages

  • Sarkozy a tout raté : sa politique économique n’a servi qu’à remplir les poches de ses copains, sa politique étrangère veut nous rapprocher d’un pays, les Etats-Unis qui a une culture des armes, de la torture et de l’agression extérieure sanglante.

    Ce gouvernement qui a tout raté utilise les sans papiers comme boucs émissaires.

    L’immigration est une richesse, les économistes le savent, ne tombons pas dans ce panneau là.

    Un article de reflexion :

    http://economistes.blogs.liberation...

  • Merci de nous rappeler le caractère brutal de cette politique du chiffre visant l’immigration et la façon dont elle est conduite, c’est à dire en rognant trop souvent sur des droits élémentaires .
    Je vous rejoins dans cette dénonciation, mais ce n’est pas pour autant la gestapo et le mot rafle est exagéré.L’immigration libre n’est pas l’alternative à cette politique, car elle ferait une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail .

    Les méfaits de cette politique de "sécurité", c’est aussi que les policiers désertent leur missions
    traditionnelles, les agressions physiques sont toujours en augmentation, vous avez de moins en moins de policiers dans la rue au contact de la population . Faire les "stats" derrière l’ordinateur
    prends aussi du temps ...
    Pourquoi n’en parlez-vous pas ?

    • Concernant le mot "rafle", j’ai malheureusement eu le "privilège" d’assister à une de ses opérations de police, et je peut te dire que c’est d’une violence inouie. Et mes camarades, anciens résistants, qui étaient présents utilisèrent eux-même ce mot.
      Et je me souviens que notre camarade Lucie Aubrac, qui savait ce que "rafle" signifie, n’avait, elle, pas peur d’utiliser ce terme pour parler des opérations menées contre les immigrés sans-papiers, elle n’était pas dans cet espèce d’euphémisme perpétuel, ce politiquement correct, qui voudrait que l’on soit mesuré dans notre expression militante. La police et le pouvoir, eux, ne sont pas mesurés !!!

      Et puis, excuse moi, ne le prends pas mal, mais ta naïveté sur la police et ses "missions traditionnelles", l’aide qu’elle est sensée apportée aux braves citoyens que nous sommes, c’est presque touchant...

      iskra

    • Je crois qu’on ne gagne rien à être excessif , surtout dans ce registre . L’arrestation d’un sans papier, sans respect et avec violence trop souvent, n’a pas pour terme le camp de concentration ou la chambre à gaz, excuses moi d’être aussi cru . Dans le premier cas on peu parler d’atteintes graves aux droits des personnes ;
      dans le deuxième de barbaries ou de génocide, il ne faut pas tout mélanger ; le faire c’est une forme d’insulte aux vraies victimes du nazisme .

      Des flics qui rendent service à la population, eh oui ça existe encore . Certains arrêtent les voyous qui agressent les personnes âgées, ça s’est hier à 50 m de chez moi . D’autres verbalisent des chauffards qui grillent les feux rouges , ça évite des morts sur la route ...
      C’est la réalité, le reste c’est du fantasme ou de la malhonnéteté intellectuelle .