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LETTRE OUVERTE SECTION SYNDICALE CGT A LA DIRECTION DE L’ASSOCIATION EMMAÜS

Publie le mercredi 17 novembre 2010 par Open-Publishing
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LETTRE OUVERTE SECTION SYNDICALE CGT
A LA DIRECTION DE L’ASSOCIATION EMMAÜS

Nous, salarié(e)s de l’association Emmaüs, adhérent(e)s de la section CGT, tenons à réaffirmer publiquement notre attachement aux valeurs portées par le mouvement Emmaüs en termes de solidarité, de partage et d’accueil… Pourtant il nous semble que la politique des directions qui se succèdent depuis 2007 à l’association Emmaüs nous conduit insensiblement à un appauvrissement des valeurs qui sont à l’origine de nos engagements professionnels respectifs. Une perte de sens vécue par un grand nombre de salariés et qui se traduit par une remise en cause de la qualité du travail réalisé sur le terrain. L’isolement grandissant des équipes, le sous effectif récurrent des équipes, l’absence de collectifs de travail, de réflexion sur nos pratiques, d’élaboration de projets communs constituent autant de freins à la concrétisation réelle des valeurs du mouvement Emmaüs. Le mouvement de grève initié en mars 2010, qui a pourtant constitué un coup de semonce sans précédent en direction des responsables de l’association, n’a en rien modifié leur politique de management. Au contraire, face à ce malaise la direction persiste et signe sans aucune concertation : non remplacement des départs en retraites, des CDD et des démissions, suppression des primes d’astreinte pour certains employés, modification unilatérale des postes pour certains travailleurs sociaux et redéploiement des CDI existants…
En conséquence, nous demandons aux responsables de l’association Emmaüs d’ouvrir immédiatement des états généraux sur la question des arbitrages budgétaires, la réalité de la santé financière, l’organisation et le contenu du travail au sein de l’association Emmaüs.

« Gardons toujours un carreau cassé dans nos univers bien feutrés pour entendre les plaintes qui viennent du dehors »
Henri Grouès dit l’Abbé Pierre

Bureau syndical CGT :
Email : cgt.emmaus@laposte.net
Latifa ABED DS CGT : (06.83.56.34.57) ou
Philippe CABANNES RS CGT : (06.37.74.44.61).

LA CGT UN SYNDICAT TOUJOURS AU SERVICE DES SALARIES !

Messages

  • Quelques mois après le mouvement de grève, les travailleurs sociaux de l’association Emmaüs ne constatent pas d’amélioration de leurs conditions de travail.

    Quand on parle de malaise social, le spectre de France Télécom ou d’autres entreprises surgit inévitablement, et ce à juste titre. Mais dans le secteur de la solidarité, le mal-être au travail existe également. Quelques mois après le premier mouvement de grève de l’Association Emmaüs* en mars dernier, nous sommes allés à la rencontre de ses salariés pour faire le point sur leurs conditions de travail. Les témoignages que nous avons recueillis sont alarmants.

    Beaucoup expriment une grande fatigue liée en partie à une surcharge de travail et à des conflits avec la hiérarchie. La transformation des activités de l’association depuis 2007 n’est pas étrangère à cette ambiance dégradée. Après le mouvement des Enfants de Don Quichotte en décembre 2006, le principe de continuité de la prise en charge des sans-abri a été adopté dans le cadre de la loi DALO, ce qui a profondément modifié le quotidien des travailleurs sociaux et leurs relations avec les résidents.

    Auparavant, les personnes à la rue étaient prises en charge en accueil de nuit, dans un cadre d’urgence. Désormais, l’hébergement d’urgence n’existe –en théorie- plus et l’accent est mis sur l’accompagnement et la stabilisation. Si la direction et la plupart des salariés saluent ce changement de paradigme, ces derniers dénoncent l’absence de moyens mis en œuvre pour y répondre.

    Comme Igor**, successivement bénévole, compagnon et auxiliaire socio-éducatif au sein de l’association :

    "Depuis plusieurs mois, deux postes ont été supprimés au sein de mon service à cause d’une baisse des subventions de la DDASS. Les gens que nous accueillons sont des grands exclus, qui n’ont pas seulement besoin d’un toit mais aussi d’une écoute, que nous ne sommes plus en mesure de leur fournir. Aujourd’hui, mon job, c’est gardien de nuit, point final."

    Le règne des "petits chefs"

    En grande majorité, les salariés avec lesquels nous nous sommes entretenus s’inquiètent de ne pas pouvoir mener à bien leur mission. Comme la plupart des structures d’aide sociale, l’Association Emmaüs est au départ une association de militants. Tous invoquent la figure de l’Abbé Pierre comme un des ressorts de leur engagement. Et ils sont nombreux à s’interroger sur ce qu’aurait pensé la figure tutélaire de la situation actuelle.

    Car pour beaucoup, Emmaüs se caractérise désormais par "le règne des petits chefs". C’est ce qu’explique Sofia, animatrice socio-éducatrice en poste depuis trois ans :

    "Mon chef de service couvre plusieurs sites. Du coup, il passe en coup de vent et n’a pas le temps d’assurer un suivi. A chaque fois que j’essaie de lui parler pour évoquer les mauvaises conditions d’accueil des hébergés, il me répond à peine et repart. En deux ans, aucune réunion n’a été organisée avec mes collègues."

    Le manque d’échanges est une critique qui revient dans toutes les bouches. Pour les permanents et les travailleurs sociaux de l’Association Emmaüs, qui sont quotidiennement en contact avec des personnes brisées, en situation de grande fragilité, cet isolement est insupportable. Pire que le fait de partager les toilettes avec les usagers, une autre "anecdote" récurrente.

    Un chef de service nous a confié son désarroi :

    "En quinze ans d’Emmaüs, c’est la première fois que je vois une telle situation. Une nouvelle réorganisation est annoncée pour les mois qui viennent, mais nous ne savons pas en quoi elle consistera. Les salariés sont démotivés, les cadres aussi. Nous sommes au milieu du gué."

    La grève de mars, "une catharsis"

    Soixante-cinq sites sont gérés actuellement par l’association Emmaüs en Ile-de-France, dans la région Centre et en Haute-Normandie. Dans le cadre de la réforme de l’hébergement évoquée plus haut, l’association Emmaüs est passée en deux ans à peine de 300 à plus de 500 salariés, parmi lesquels on compte environ 70 cadres. Quatre-vingt dix compagnons (dont les difficultés ont déjà été mentionnées dans la presse) et 350 bénévoles complètent le dispositif.

    La réorganisation de 2007 a été vécue difficilement, et beaucoup de salariés dénoncent "le passage d’une logique associative à un fonctionnement d’entreprise", au mépris du bien-être des personnes accueillies.

    Relativement peu suivie mais assez médiatisée, la grève des salariés en mars dernier a eu le mérite selon Philippe Cabanes, alors délégué syndical chez Sud, de "créer un appel d’air d’expression des salariés, comme une catharsis. La grève a été un succès dans le sens où on a ouvert des négociations avec la direction."

    Huit mois plus tard, les revendications existent encore. Les salariés déplorent toujours des plannings incohérents et un manque d’écoute. Du côté de la direction, on affirme que les changements les plus importants vont arriver au premier semestre 2011. "Des primes ponctuelles ont été versées, affirme Sylvie Bonniot, directrice générale des services, et nous mettons en place un plan de formation. Les transformations ne peuvent pas arriver du jour au lendemain."

    Concernant les conditions de travail, la direction affirme qu’un travail est actuellement mené pour identifier les sites les plus sensibles et mettre en oeuvre des actions ciblées, avec l’aide du cabinet ACOR.

    Un nouveau nom en 2011

    En attendant, les arrêts de travail sont toujours aussi nombreux et les cas de dépression sont légion. Les bas salaires (la majorité des permanents responsables de l’accueil dans les centres sont payés au Smic) ne sont pas les seuls concernés par cette sinistrose. Chez les cadres aussi, l’absence de dialogue et de moyens est mal vécue.

    Les dernières élections syndicales, en novembre, ont vu la montée en puissance de la CGT et de Sud au détriment de la CFDT jusque-là majoritaire. Signe d’un nouveau rapport de force ?

    Beaucoup d’incertitudes planent sur l’avenir du dialogue social au sein de l’association. La nouvelle réorganisation annoncée par la direction réussira-t-elle à mettre un terme aux souffrances des salariés que nous avons rencontrés ? Les représentants syndicaux sont loin d’en être convaincus et évoquent même la rumeur d’un plan social, démentie par la direction.

    Conséquence de la grève de mars, un changement de nom est envisagé "pour cesser tout amalgame entre l’association et le mouvement dans son ensemble". Cette mesure emblématique, si elle était menée sans concertation, pourrait encore accentuer le divorce entre les salariés et la direction.

    > Mise à jour : Le service communication d’Emmaüs tient à préciser que des ateliers et une boîte à idées ont été mis en place avec les salariés pour que le changement de nom soit le fruit d’une concertation. C’est dans ce cadre que l’agence Synergence intervient gratuitement.

    * L’association Emmaüs est l’une des branches du mouvement. Sa mission principale est l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement social des personnes à la rue.

    ** Les prénoms ont été modifiés

    Illustration via Shahram Sharif/FlickR
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