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La base américaine soupçonnée d’avoir expérimenté les techniques d’interrogatoire appliquées en Irak
Publie le samedi 31 juillet 2004 par Open-Publishingde Eric Leser
Les anciens détenus français de la base militaire américaine de Guantanamo Bay, à Cuba, ne sont pas les seuls à dénoncer les mauvais traitements et les tortures. L’Espagnol Hamed Abderrahman affirme avoir été enchaîné, la tête recouverte d’un sac pendant des heures, et avoir été frappé dès qu’il bougeait pendant son transfert en février 2002 d’Afghanistan vers Guantanamo. Il a été ensuite incarcéré à Camp Delta, "où ils nous interrogeaient deux fois par semaine quatre à six heures d’affilée. A la fin, vous ne saviez plus ce que vous disiez. J’ai vu plusieurs personnes tenter de se suicider en se pendant avec leurs vêtements. En général, le garde appelait un médecin, qui leur donnait quelques pilules, et elles étaient ensuite enchaînées pendant des jours".
En juin 2003, Hamed Abderrahman a été transféré dans une autre partie du camp où les conditions étaient meilleures. Il a été remis à l’Espagne en mars 2004. Il y est aujourd’hui poursuivi pour appartenance à une organisation terroriste, mais a été libéré sous caution. Son avocat, Me Marcos Garcia, a annoncé son intention de poursuivre le gouvernement américain et George Bush.
Mohammed Khan, l’un des 57 Afghans libérés, se plaignait en mars dernier, à son arrivée à Kaboul, d’avoir subi des sévices. "Ils nous ont tout fait. Ils ont torturé nos corps. Ils ont torturé nos esprits. Ils ont torturé nos idées et notre religion." Le Suédois Mehdi Ghezali, remis à son pays au début du mois de juillet, affirme lui aussi avoir subi des mauvais traitements. Il aurait été enchaîné pendant des heures, privé de sommeil, soumis à des températures très basses pendant des périodes allant jusqu’à quatorze heures, et aurait été humilié sexuellement. "C’était toujours des tortures psychologiques, mais ils ont utilisé plus de tortures physiques le dernier mois", a-t-il déclaré à la radio suédoise.
Le Pentagone réfute toute accusation de tortures. Larry DiRita, porte-parole du département de la défense, a déclaré : "Nous allons entendre beaucoup de choses des gens relâchés. Le public devra se faire sa propre opinion. Les procédures d’interrogatoire utilisées à Guantanamo respectent les règles internationales. (...) Le Comité international de la Croix-Rouge a un accès intensif et régulier aux détenus de Guantanamo." Le major général Geoffrey Miller, qui dirigeait le camp de détention à Cuba de novembre 2002 à avril 2004 avant de prendre ensuite le commandement des prisons militaires américaines en Irak, dont celle d’Abou Ghraïb, a affirmé à plusieurs reprises qu’"il n’y a jamais eu de tortures à Guantanamo".
SÉVICES PRATIQUÉS À ABOU GHRAÏB
Un juge militaire a ordonné au général Miller et à trois autres officiers de répondre aux questions des avocats de soldats américains accusés d’avoir pratiqué des sévices à Abou Ghraïb. Les procès commencent à Fort Bragg, en Caroline du Nord, lundi 2 août. Geoffrey Miller est soupçonné d’avoir joué un rôle actif en utilisant à Abou Ghraïb les techniques expérimentées à Guantanamo. Cette thèse est reprise dans le rapport de 321 pages rendu public le 22 juillet par l’inspecteur général des armées sur les tortures des prisonniers. Il est écrit que les militaires chargés de faire parler les détenus en Irak et en Afghanistan ont utilisé "improprement" les méthodes "sévères" approuvées "pour être seulement appliquées aux détenus de Guantanamo Bay". Les responsables militaires n’ont pas pris en compte le fait que "des standards différents s’appliquent aux membres suspectés d’appartenir à Al Qaida à Guantanamo, qui ne sont pas couverts par les conventions de Genève", alors qu’en Irak et en Afghanistan "ils le sont largement".
Le rapport relève 94 cas de torture, mais n’a pas trouvé de preuves d’abus "généralisés". Une conclusion contestée. "Les techniques d’interrogatoire à la prison d’Abou Ghraïb sont identiques à celles dont nous savons aujourd’hui qu’elles ont été autorisées et plus tard interdites par des hauts responsables du département de la défense", déclare le sénateur démocrate Carl Levin, membre de la commission des armées. "Il est difficile de croire qu’il n’y a pas eu un problème général", ajoute-t-il.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-374199,0.html