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La brutalité envers les non violents est maintenant devenue la norme. Le chaos dans nos âmes

Publie le jeudi 29 avril 2004 par Open-Publishing

Par Gila Svirsky

CounterPunch
26 avril 2004

En anglais : Anarchy in our souls

http://www.counterpunch.org/svirsky04262004.html

Gila Svirsky vit à Jérusalem et travaille avec « Coalition of Women for
Peace ». On peut la joindre à gsvirsky@netvision.net.il .

La brutalité envers les non violents est maintenant devenue la norme.

Je viens de parler avec Molly Malekar en route pour l’hôpital Sha’arei
Tzedek à Jérusalem et voici ce qu’elle m’a raconté :

« Nous étions environ 60 femmes, seulement des femmes : 1/3 Israéliennes,
1/3 Palestiniennes et 1/3 internationales. Nous nous étions rassemblées
à Biddou pour manifester contre la construction du Mur dans ce village.
C’était une marche tranquille : des femmes portaient des pancartes et
marchaient vers le lieu où des soldats gardaient le chantier de la
barrière. Nous avons arrêté de marcher à environ dix mètres d’eux car

les soldats ont braqué leurs armes sur nous. J’ai crié en hébreu : « Ne
tirez pas, nous ne sommes pas armées, ceci est une manifestation non
violente. » Tout à coup, il y a eu une offensive de bombes lacrymogènes
et de grenades assourdissantes qui tombaient tout autour de nous, tout
à fait disproportionnée par rapport à la nature de notre manifestation
tranquille et non provocatrice. Les grenades tombaient à nos pieds et
nous étouffions, incapables de respirer. La plupart d’entre nous se
sont dispersées et se sont retournées en courant. Les soldats ont
chargé les femmes, en attrapant certaines qu’ils ont arrêtées. La
manifestation à ce moment-là n’existait plus, il n’y avait plus rien à
disperser. La plupart des femmes avaient couru vers l’arrière en
essayant de récupérer des effets des gaz lacrymogènes, mais je suis
restée, voulant parler aux soldats pour empêcher l’arrestation de
quatre femmes. Tout à coup, sortant de nulle part, quatre chevaux
montés par la police des frontières ont chargé. J’ai commencé à
courir,
mais l’un des chevaux monté par une femme soldat m’a rattrapée et
celle-ci m’a frappé à la tête avec une matraque. Je suis tombée, puis
un deuxième cheval a chargé vers moi et j’ai reçu des coups sur la tête

et le dos. Il n’y avait eu aucune provocation à aucun moment quand cela
est arrivé. »

Molly est la directrice de Bat Shalom , une organisation féminine pour
la paix, branche israélienne du Jerusalem Link : une co-entreprise pour
la paix (la branche palestinienne s’appelle The Jerusalem Center for
Women ). Molly est la femme la plus merveilleusement sérieuse et
réfléchie qu’on voudrait avoir à la tête d’une organisation. Tous ceux
qui ont rencontré Molly savent qu’elle n’a jamais fait de provocation
mais que, tout au contraire, elle a toujours été prudente et correcte.
Je lui ai demandé sur son portable comment elle se sentait : « Un mal de
tête terrible, mes oreilles me font mal et les coups me font mal. Mais
nous devons réfléchir à un moyen de réveiller les gens pour qu’ils
prennent conscience de ce qui se passe là-bas. Nous devons les
réveiller ! »

Réveillez-vous, le monde ! Écoute, Israël, réveille-toi ! Les soldats
israéliens ont fait de la brutalité une manière d’être envers les
Palestiniens, puis ils tournent leurs armes et apportent la mort sur
les activistes internationaux pour la paix, et maintenant ils
brutalisent les Israéliens qui montrent leur désapprobation envers
leurs méthodes. Qui sera le premier à être tué ?

Une militante américaine de Starhawk, qui a participé à certaines de
ces manifestations, écrit : « Les Israéliens qui sont impliqués dans la
résistance jour après jour... m’ont dit qu’ils savent que ce n’est
qu’une question de temps avant qu’il y ait un « shaheed » israélien [un
martyr de l’occupation]. Le fait d’être israélien n’est plus une
protection contre la violence militaire. »

Pire encore : la non violence n’est plus une protection contre la
brutalité militaire, que vous soyez palestinien, israélien ou
international. Personne ne devrait être agressé pour avoir manifesté
pacifiquement, et pourtant cela est devenu la norme. Aujourd’hui, toute
manifestation qui a lieu dans les Territoires (que ce soit des
Palestiniens ou des Israéliens, des femmes ou des hommes, que la
manifestation soit violente ou pacifique) est traitée avec le même
comportement brutal, avec des armes, des grenades assourdissantes et
des matraques. Et personne ne fait d’enquête sérieuse et impartiale sur
les incidents, et ainsi les soldats apprennent qu’ils peuvent devenir
de plus en plus cruels et que tout le monde s’en fout.

Qu’est-il arrivé ? L’occupation est arrivée. L’occupation a corrompu
l’âme d’Israël. Une situation de « Ein din v’ein dayan » comme dit la
Bible : « pas de loi, et personne ne sera jugé ».

Le chaos règne dans l’âme d’Israël aujourd’hui, et il ne disparaîtra
pas tant que nous n’aurons pas déraciné l’occupation de notre pays et
de nos cœurs.

Gila Svirsky

Traduit de l’anglais par Ana Cleja