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La circulaire du 13 juin "n’a pas force de loi"

Publie le vendredi 29 septembre 2006 par Open-Publishing

Bernard Even est président du Syndicat de la juridiction administrative et vice-président du tribunal administratif de Strasbourg. Cette instance peut être saisie par les parents sans papiers d’enfants scolarisés ayant demandé une régularisation dans le cadre de la circulaire Sarkozy du 13 juin mais ayant été déboutés. Avec quelle chance d’être entendus ?

La circulaire du 13 juin « n’a pas force de loi »

http://www.liberation.fr/actualite/societe/207199.FR.php

* Contre-offensive symbolique des sans-papiers déboutés

Les familles déboutées peuvent-elles déposer un recours pour non-respect de la circulaire du 13 juin ?

Ma réponse est catégorique, c’est non car cette circulaire n’a pas force de loi ni de valeur juridique. Lorsque nous allons être saisis de recours contre des refus de séjour ou des décisions de reconduite à la frontière, nous examinerons si le droit commun, la loi sur l’immigration, a été respecté, et éventuellement si des principes fondamentaux comme ceux énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment l’article 8 sur le droit au respect de la vie familiale, l’ont également été.

Mais nous ne pourrons pas nous référer aux critères de la circulaire Sarkozy car ce n’est qu’une circulaire qui, je le répète, n’a pas de valeur juridique pour le juge.

Certaines lettres de refus ne sont pas motivées, n’est-ce pas illégal ?

Une décision individuelle défavorable, comme un refus de séjour, doit être motivée. La non-motivation d’une décision peut constituer un motif d’annulation.

Beaucoup de refus sont motivés par une absence d’intégration dans la société française ou la persistance de liens avec le pays d’origine, ces motifs sont-ils légitimes ?

Il peut se produire que, dans le cadre de son recours, l’intéressé dise :

« On m’a opposé une condition qui n’est pas prévue par la loi. » Si c’est exact, cela peut permettre de déboucher sur une annulation contentieuse. La circulaire Sarkozy s’était fixée comme objet d’assouplir les critères de la loi. S’il s’avère qu’elle les a durcis sur certains points, ce n’est pas légal.

Le tribunal administratif (TA) est-il compétent pour juger du non-respect d’une circulaire qui n’a pas force de loi ?

Toute décision administrative, quel que soit son fondement juridique, peut être déférée devant le TA. Mais elle ne sera jugée qu’au regard du droit commun issu de la loi ou des normes internationales.

Imaginons deux familles respectant les critères de la circulaire, l’une a été régularisée, l’autre non, la dernière peut-elle plaider l’inégalité de traitement ?

C’est un argument que l’on peut soulever devant nous, mais il n’est pas opérant. Cette circulaire a constitué une mesure de faveur instituée par le ministère de l’Intérieur pour une période limitée. On ne peut pas en tirer argument.

Le ministère de l’Intérieur vous a-t-il fait des recommandations sur le traitement de ces dossiers ?

Le juge administratif est indépendant. Et nous n’avons évidemment reçu aucune instruction au sujet du traitement du contentieux de ces décisions.

Nous craignons simplement que la publication de cette circulaire ne génère une augmentation du contentieux. Ce texte a eu pour effet de réduire la croissance du contentieux au cours de l’été, maintenant que cette phase est terminée, il va y avoir un effet retard. La circulaire a eu par ailleurs pour effet de faire sortir de la clandestinité un certain nombre d’étrangers dont l’administration connaît désormais l’adresse.

Pour elle, il est désormais facile d’édicter des mesures d’éloignement. Si les préfets le font de manière systématique, on risque l’engorgement.