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La crise du pétrole, reflet des tensions du monde

Publie le jeudi 3 juin 2004 par Open-Publishing
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Alors, ça y est, c’est reparti : les cours du pétrole flambent de nouveau, et l’économie mondiale repart dans une de ses crises d’angoisse récurrentes qui n’en finissent pas d’alimenter le chaos social et politique tout autour de la planète.

Que se passe-t-il cette fois-ci ? La multinationale islamiste du crime, la bien-nommée Al-Qaïda, a encore frappé les intérêts économiques occidentaux, en commanditant à ses filiales locales des actions armées contre l’industrie pétrolière en Arabie Saoudite. Il faut s’être enrichi par la spéculation durant des années comme le milliardaire terroriste Ben Laden pour maîtriser à ce point les outils de déstabilisation du système.

Car si les attentats en eux-mêmes ont peu de conséquences réelles sur la production et le transport de pétrole, ils ont donné le feu vert à l’expression de la folie spéculative qui secoue régulièrement le monde capitaliste.

Le pétrole, tout le monde en a besoin. C’est-à-dire tout ce que le monde compte d’industries, de transports, de chimie pétrolifère et en particulier plastique… Même si le développement de l’électricité - surtout nucléaire - a permis de diversifier l’approvisionnement énergétique des économies industrielles, le pétrole n’en reste pas moins la matière première de base indispensable pour assurer le fonctionnement économique.

Cette matière première vitale, à l’instar des autres, est donc gérée par un marché. Et ce marché voit intervenir de nombreux acteurs, schématiquement les producteurs et les consommateurs, les vendeurs et les acheteurs. L’OPEP et les pays industrialisés, les courtiers, les banques et les entreprises clientes…

Pour se prévaloir des risques de fluctuation des cours, on a créé les marchés dérivés. Qui permettent grâce aux contrats à terme et autres swaps de spéculer sur les cours futurs et de prévenir les variations brutales du cours du brut. De même qu’il existe des marchés dérivés pour tout ce que l’économie compte de segments potentiels.

Ces marchés dérivés sont bien sûr à double tranchant, et représentent aussi une formidable source de déstabilisation et de dérive des prix : ainsi, selon Ali Rodriguez, le ministre vénézuelien du pétrole et président en exercice de la compagnie pétrolière nationale PDVSA, sur un baril à 35 dollars, 8 dollars viennent de la spéculation. C’est-à-dire qu’il faut débourser 8 dollars de plus que la valeur réelle du baril pour s’assurer que le coût du-dit baril ne fluctuera pas trop vite. Selon les professionnels de la profession, la taxe spéculative atteint aujourd’hui 8 à 10 dollars du baril, soit 25% de sa valeur actuelle.

Le pétrole étant une marchandise comme une autre, il fait donc l’objet d’une spéculation active qui a pour effet d’artificiellement gonfler les prix. Etant un élément indispensable des économies industrielles, il suscite aussi des combats acharnés, diplomatiques ou militaires.

A côté des interventions militaires douteuses, à l’instar de l’instauration de la démocratie au canon en Irak ou de l’intervention éclair en Bosnie - où il est annoncé aujourd’hui que d’importants gisements de pétrole auraient été découverts - , l’OPEP fait également l’objet de pressions et de tractations intenses.

Les consommateurs veulent des prix bas, et les producteurs veulent des prix hauts. Logique de marché. Quand on sait que le Venezuela, un des principaux pays producteurs, a relancé activement l’OPEP en 2000 afin de garantir un prix « juste », on comprend mieux la persistance dans ce pays de troubles sociaux en partie alimentés par l’extérieur. Que ce pays et l’Arabie Saoudite soient très prisés des traders qui parient sur la forte volatilité des cours due aux risques socio-politiques n’est pas non plus étonnant. Logique de système.

Ainsi les cours du pétrole sont-ils le reflet des luttes entre des communautés mondiales aux intérêts divergents, schématiquement entre un Nord industrialisé et un Sud producteur de matières premières. Ce qu’a très bien compris Al Qaïda qui, par sa pitchenette en Arabie Saoudite, fait une fois de plus vaciller l’économie mondiale. Ou comment le fanatisme meurtrier et sectaire est-il un formidable révélateur des profondes failles du système économique mondial.