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La nouvelle phraséologie patronale

Publie le jeudi 14 décembre 2006 par Open-Publishing
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Le premier argument des patrons, pour justifier leurs méga-rémunérations, leurs revendications répétées de précarisation du travail, de politique d’allègement des « charges » sociales (oh que c’est lourd !), c’est que ce sont eux qui créent de l’emploi. Le Pédégé de The Phone House vient sur tous les plateaux télés pour défendre Sarközy, et en son temps, le CPE, et dire « oui mais moi je créé de l’emploi ! » ; « oui mais le CPE va créer de l’emploi ! ». A peine lui met-on un « vrai français » sous le nez, un qui n’en peut plus de la précarité et des conditions de vie qu’il subit à cause de l’écomondialisme, qu’il lui propose un entretien, la main sur le cœur, pour obtenir un emploi.

Le patron est la Sainte Thérèse des temps présents, dans les discours récemment diffusés par le Medef et ses nombreux satellites. Il se sacrifie tous les jours, c’est une super-assistante sociale, qui, le regard sincèrement peiné, se démène pour faire « vivre des gens ». L’autre jour, reportage sur l’infecte Bernard Arnault : dans sa limousine, il explique que sa rémunération, plus de 13000 € de l’heure, c’est la récompense parce qu’il créé de l’emploi.

Mais comment osent-ils ? Où trouvent-ils les ressources pour sortir de telles insolences ? Les patrons veulent accréditer l’idée, dans les consciences, que l’ANPE, c’est eux. Il faut se prosterner devant leurs gros popotins parce qu’ils ont la bonté d’âme de nous « faire travailler ». En ces temps de chômage de masse et d’hyperconcurrence sur le marché du travail, on comprend qu’ils baignent dans l’euphorie. Ils ont tout le pouvoir. Le salarié n’est qu’un microbe. Le patron se réjouit du chômage car le chômage lui octroie un surcroît de puissance.

Le patron se sert de l’emploi comme variable d’ajustement. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est eux. A commencer par celui de The Phone House. Ainsi légitimait-il le CPE : ça permet d’embaucher (donc, sous-entendu, de virer quand la conjoncture se dégonfle). Les patrons font supporter à tous les autres agents économiques les coûts des politiques économiques et des périodes de crise. Avec la flexibilité, ils veulent pouvoir virer les gens quand ça va mal : ben oui, comme ça ça ira encore plus mal (moins de salaires versés, moins de consommation, plus de prestations chômage à redistribuer) mais au moins ils perdent pas de sous. Quand les prix augmentent (parce que les redistributions sociales augmentent), ils répercutent sur leurs prix pour ne pas se trouver marron (donc ce sont les millions de consommateurs qui paient). Quand on institue les 35 heures, ils conservent le même effectif et font travailler les gens à des cadences plus rapides (comme ça ils ne déboursent rien et font payer le coût de la mesure à leurs salariés).

Vraiment, sympas les patrons ! Il faut brûler des cierges pour eux. Et surtout ce monsieur de The Phone House, qui offre des emplois à des gens démunis. La vierge a dû lui apparaître (toucher 300 fois le Smic, c’est vrai que ça a quelque chose de miraculeux).

Evidemment, ils nous expliquent que s’ils ne supportent jamais eux-mêmes les coûts exogènes, c’est à cause de la pression concurrentielle, de l’économie mondialisée, etc. Que s’ils ne faisaient pas ça, la situation serait encore pire. Raisonnement économiciste, en somme. Comme si les dégâts collatéraux n’avaient pas un coût, supporté, lui, par la collectivité (ce que Bourdieu appelait les « structures sociales de l’économie »). Ils sont à la fois acteurs et spectateurs du système, en somme : acteurs de l’écomondialisme, mais prisonniers de lui (quand ça va mal). Ils se lient les mains et lient les nôtres en même temps. L’intérêt de l’opération, c’est qu’ils s’enrichissent, quelle que soit la conjoncture.

A la différence des millions de salariés.

mc ==> http://essaisconcepts.blogspot.com

Messages

  • Ca donne vraiment envie de changer de société. Et mon cul (pardon) qu’ils nous donnent du travail, parce que c’est nous qui leur donnons du fric. Sans nous, ils seraient misérables. Et croyez bien que si les patrons connaissaient le moyen de se faire autant de fric sans les salariés, plus personne ne travaillerait. Nous serions tous au chômage, ou avec une petite allocation comme les indiens d’Amérique du Nord, enfermés dans des réserves.
    La meilleure des réponses, c’est d’arriver à leur démontrer qu’on peut arriver à se passer d’eux, l’autogestion n’a pas dévoilé encore tout son potentiel et toute sa force créatrice.