Accueil > La perpétuité sans crime et le jugement des fous

La perpétuité sans crime et le jugement des fous

Publie le mardi 15 janvier 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

de Maître Christian Charrière-Bournazel Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris

Ce 8 janvier 2008, l’Assemblée Nationale a entrepris l’examen du
projet de loi instituant "la rétention de sûreté" et relatif au traitement
judiciaire de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

La rétention de sûreté est une monstruosité qui consistera, si le
projet est adopté, à enfermer à nouveau, pour une durée de deux ans
renouvelable, un condamné qui a purgé sa peine, au prétexte qu’il
présenterait "une particulière dangerosité caractérisée par le risque
particulièrement élevé" de commettre à nouveau l’infraction pour
laquelle il a purgé une peine d’au moins quinze ans.

Comme l’a dit Robert Badinter, une personne ne sera plus
condamnée seulement pour ce qu’elle a fait mais pour ce qu’on suppose
qu’elle est. La pétition de principe d’où procède ce projet est contraire
aux valeurs fondatrices de notre société.

Chacun doit répondre en justice des actes qu’il a commis. Pour autant, nul n’a le droit de présumer la récidive, ni de considérer comme irrécupérable quelque personne que ce soit. Nous voici donc menacés de revenir au temps où Lombroso et Ferri élaboraient la thèse du criminel-né.

Or nous savons que la récidive en matière de crime sexuel se situe entre un et deux pour cent. Qui peut dire qu’un individu est d’une « dangerosité
particulière » ? Qui oserait prétendre que l’on peut faire disparaître tout
risque dans nos sociétés alors que nous sommes tous dépendants
les uns des autres, solidaires dans le bien et dans le mal ?

Quant à l’irresponsabilité pénale, si le projet est adopté, elle ne
dispensera plus les fous d’un jugement. Le fou sera même doté d’un
casier judiciaire répertoriant les actes qu’il aura commis.

On ne doit céder ni à la clameur publique ni aux pires tentations
populistes qui nous ramèneraient au temps de l’obscurantisme. Les
avocats ne peuvent que se dresser, avec toute leur énergie, pour
rappeler que nul n’a le droit de désespérer de quiconque et que le
juge, lorsqu’il tranche, le fait d’une main que son sens de l’humanité
et son humilité font trembler.

Bulletin du Barreau 15 janvier 2008

Site du Barreau de Paris

www.avocatparis.org

Messages