Accueil > La scandaleuse intervention policière des Mureaux

La scandaleuse intervention policière des Mureaux

Publie le vendredi 6 octobre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

de Laurent Mouloud

Police . Trois jours après des échauffourées entre jeunes et policiers, les forces de l’ordre sont intervenues, hier matin, dans le quartier des Musiciens, accompagnées de dizaines de caméras.

Devant l’entrée du hall d’immeuble, Mohammed, la quarantaine, est furieux : « Les médias, vous n’êtes jamais là de l’année et vous venez vous masturber sur notre quartier uniquement lorsqu’il y a un problème ! » La cité des Musiciens, aux Mureaux (Yvelines), ne décolérait pas, hier, après la grotesque et brutale intervention d’une centaine de policiers accompagnée par une nuée de cameramen et photographes. L’opération spectacle, censée répondre aux échauffourées de dimanche dernier entre jeunes et policiers, a viré au fiasco. Provoquant l’indignation des habitants et un début de polémique.

un pistolet sur la tempe

Le show a débuté à 6 heures pile du matin. Les journalistes sont là depuis une bonne demi-heure, lorsque les forces de l’ordre décident d’investir plusieurs immeubles. Façon musclée. Comme d’autres, Hamed avait pris soin de laisser la porte de son appartement entrouverte. Depuis la veille, une rumeur circulait comme quoi une opération était prévue au petit matin. Et ce trentenaire n’a pas envie de retrouver son entrée défoncée. « Les assurances ne remboursent pas les dégâts causés par les policiers », soupire-t-il. à l’heure dite, le jeune homme découvre, surpris, une main gantée en train de farfouiller dans l’entrebâillement de sa porte. « J’ai ouvert et je me suis retrouvé face à six policiers qui me pointaient avec leurs flingues, comme dans un film ! J’ai dit : "c’est pas là, c’est pas là !" Et ils sont partis faire le même sketch plus loin. à croire qu’ils ne connaissaient pas les bonnes adresses ! »

Hamed n’aura pas de dommages. Contrairement à d’autres. Au deuxième étage de la tour d’à côté, la famille d’Adama, 17 ans, a vécu le cauchemar. à 6 heures, tout le monde est réuni dans la salle à manger pour le traditionnel repas avant le lever du soleil. Une vingtaine de policiers font alors irruption, défonçant la porte à coups de bélier. « Ils nous ont fait tomber au sol, avec un coup de pied, mon frère et moi, raconte Adama, le visage marqué par un hématome après un coup de matraque. » « Ils m’ont écrasé la tête par terre comme une merde », ajoute le jeune garçon.

Selon ses déclarations à l’AFP, les policiers, dans la précipitation, auraient également poussé sa mère par terre, lui renversant de l’huile chaude sur un pied, et jeté à terre les aliments tandis que les deux frères étaient menottés et les autres membres de la famille alignés dans le couloir, mains sur la tête. Workya, une des filles de la famille, a vu son fils de deux ans et demi se faire « braquer un pistolet sur la tempe » dans sa chambre. Au final, les policiers se ravisent et ressortent de l’appartement rapidement en disant « on s’est trompé... »

« Ils sont allés comme ça de porte en porte, s’énerve un autre voisin. Ce n’était pas pour arrêter vraiment quelqu’un mais pour impressionner, humilier. » Plusieurs personnes seront ainsi perquisitionnées « par erreur ». L’appartement de Lina, visité par une journaliste de l’AFP, a été dévasté par le passage des policiers : meubles cassés, vêtements jetés à terre, étagères vidées, matelas retournés. « Ils ont braqué dans son lit un petit garçon trisomique de 6 ans. Ils l’ont traumatisé. Ce n’est que de la mise en scène, ils vont d’appart en appart mais ils ont rien trouvé. »

L’opération va durer deux heures, sous l’oeil des caméras, postées au pied des immeubles. Vers 8 heures, la centaine de policiers se replie. Bilan... une interpellation. Un homme d’une quarantaine d’années qui, selon tous les habitants de la cité, n’a rien à voir avec les échauffourées de dimanche. « Il l’ont pris pour prendre quelqu’un, pour ne pas être ridicule », lâche Omar.

une expertise est demandée

L’échec de cette opération a provoqué un début de polémique. Le maire des Mureaux, François Garay (DVG), s’est insurgé de ne pas avoir été prévenu. « On me parle des pouvoirs étendus du maire mais je n’ai été prévenu qu’à 7 h 45 de l’intervention de la police alors que l’ensemble des médias étaient présents dès 5 h 30 », a-t-il déclaré. La responsable du parti socialiste pour la sécurité, Delphine Batho, a estimé que « les policiers n’ont pas à être enrôlés comme figurants dans des opérations de communication spectacle ».

Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur a assuré « n’être en rien à l’origine » de la présence de la presse. De son côté, la Direction générale de la police nationale a demandé, face aux accusations de brutalités policières, que « soient très rapidement et précisément expertisées les circonstances dans lesquelles s’est déroulée cette opération ».

Dans le quartier des Musiciens, on n’en est plus là. Comme tous ces habitants réunis au pied de le tour Bizet, Vincent, 30 ans, dénonce l’attitude provocatrice de la police. « Là, tout le monde en parle, mais, le reste de l’année, les policiers ont le même genre d’attitude. Ils te tutoient, te contrôlent sans arrêt même s’ils te connaissent par coeur... T’es pas traité à égal avec les autres Français. C’est ce sentiment d’injustice qui provoque autant de colère. » Quelques mètres plus loin, une mère de famille est encore sous le choc. « Imaginez que l’on braque l’un de vos enfants... Comment voulez-vous que ça ne pète pas ? »

http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-10-05/2006-10-05-837949

Messages