La signora contre la Mafia. Rita Borsellino

de Philippe Broussard

De Catane à Messine, c’est la star du moment, en Sicile. Une star de 60 ans, cheveux gris et tailleur sobre, habituée à côtoyer ceux qu’elle appelle « les gens ». Ces derniers mois, Rita Borsellino en a croisé des milliers : des jeunes ou des vieux de toutes conditions, séduits par le profil atypique de cette femme de gauche, pharmacienne à Palerme.

Les élections régionales du 28 mai pourraient être celles de son avènement en politique. Et marquer le virage à gauche de la Sicile (5 millions d’habitants), traditionnelle terre de droite. Pareil scénario serait perçu comme un défi à la Mafia locale, Cosa Nostra, responsable de l’assassinat du frère de Rita Borsellino, Paolo, en 1992.

Ce dernier était juge. Comme son collègue Giovanni Falcone, il l’a payé de sa vie. Depuis, l’aéroport de Palerme porte leur nom et la pharmacienne s’oppose aux mafieux. « Pour mieux infiltrer les milieux économiques, ils se font plus discrets qu’en 1992, mais ils sont toujours là », explique-t-elle à L’Express. La récente arrestation du « chef suprême » Bernardo Provenzano, recherché depuis quarante-trois ans, a porté un coup à la Pieuvre, mais il en faudra davantage pour l’empêcher de nuire.

C’est dans ce contexte que Rita Borsellino, mère de trois enfants, se présente contre Salvatore Cuffaro, le gouverneur en exercice. Un politicien d’expérience qui rejette les soupçons - récurrents - de liens avec Cosa Nostra. En cas de succès, la candidate de gauche deviendrait la première dame de l’île. Un poste très exposé. Trop, peut-être, pour une novice. L’intéressée en a conscience. Mais elle ne cesse de répéter : « Je n’ai pas peur. »

Reste à prouver que son projet ne se résume pas au combat anti-Mafia, mais qu’il vise à sortir la Sicile de la crise. La tâche s’annonce immense : les infrastructures manquent, le tourisme est sous-exploité, le taux de chômage atteint 15,4%. « Berlusconi n’a rien fait pour nous », insiste la candidate.

D’où sa décision, fin 2005, d’entrer en politique. « Les Siciliennes ont toujours su avancer avec force, conclut-elle. Bien sûr, dans notre société, les hommes ont plus de visibilité, mais les mentalités changent, ma présence le prouve. »

– http://www.lexpress.fr/info/monde/d...