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La vraie-fausse décapitation de Benjamin, pseudo-otage

Publie le lundi 9 août 2004 par Open-Publishing
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de JEAN-COSME DELALOYE

La mise en scène par Benjamin Vanderford, un Américain de 22 ans, de sa prétendue exécution par des militants irakiens, a dupé les médias du monde entier.

LES FAITS

Samedi, deux chaînes arabes ont diffusé la vidéo d’un Américain se faisant décapiter par des militants irakiens. Reprise par l’agence AP, l’histoire a fait le tour du monde pendant plus d’une heure avant que l’exécution se révèle être un canular.

Sa tête a fait le tour du monde. Pendant une heure et demie, les médias ont cru Benjamin Vanderford, un Américain de 22 ans, mort décapité en Irak. Puis, les démentis sont apparus. Notamment celui de l’intéressé qui a déclaré à l’agence AP avoir réalisé la vidéo montrant son exécution pour « attirer l’attention » sur sa campagne pour un siège au Conseil municipal de San Francisco et « montrer la facilité avec laquelle ces vidéos peuvent être falsifiées ».

L’affaire est troublante. Comme Vanderford l’a expliqué samedi avant que son avocat ne lui conseille de ne plus se prononcer sur l’affaire - le jeune homme fait l’objet d’une enquête du FBI -, la vidéo date. Il l’a tournée il y a plusieurs mois dans un garage de la banlieue de San Francisco avec l’aide de deux de ses amis, et a utilisé du sirop de maïs à la place de sang. Vanderford a mis sa vidéo en ligne en mai dernier sur Kazaa et Soulseek, deux programmes d’échange de fichiers en ligne.

La fausse décapitation a navigué pendant des mois sur le web sans que personne ne s’en rende compte. Mais tout s’est emballé ce week-end, lorsque le site islamic-mindbar, précédemment utilisé par les islamistes pour diffuser leurs vidéos de décapitation d’otages, a repris celle de Vanderford. Deux chaînes arabes l’ont diffusée avant que l’agence AP, puis Reuters ne parlent de l’exécution. Dans ce genre de cas, AP précise normalement que l’information n’a pu être confirmée de source indépendante. Mais rien de tel cette fois-ci.

Pendant ce temps, l’annonce de la mort de Vanderford a fait le tour du monde. Et le jeune homme qui recherchait un peu d’attention pour sa campagne s’est soudainement retrouvé sous le feu des projecteurs. Un peu tard apparemment. Depuis la diffusion de la vidéo sur Internet, le féru d’informatique a en effet abandonné ses ambitions politiques.

Sa démarche jette en revanche une lumière crue sur le rôle d’internet dans la bataille de l’information. Alors que la première guerre du Golfe (1991) était encore télévisée, les conflits se sont depuis « internetisés ». Avant le lancement de son offensive contre Bagdad en mars 2003, l’administration Bush avait « préparé » les Irakiens en lançant des opérations de propagande sur la Toile. Saddam Hussein s’en était finalement rendu compte et avait fait fermer les serveurs du pays. Les groupes islamistes utilisent régulièrement internet pour annoncer les exécutions d’otages comme celle de l’Américain Nicholas Berg, il y a quelques mois. Mais la désinformation a libre cours sur internet. En juillet, un communiqué annonçait l’exécution d’un GI américain d’origine libanaise. L’homme est cependant rentré aux Etats-Unis. Un autre groupe proche d’Al-Qaïda a également nié au début du mois avoir lancé un ultimatum sur le web à l’encontre des soldats italiens en Irak.

Dans ce contexte, le Pentagone est en train d’étudier la faisabilité d’un système de contrôle du Cyberspace. Le programme suscite cependant de fortes oppositions outre-Atlantique, notamment de la part des associations de défense des libertés civiques.

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