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Le MCA dans le collimateur du pouvoir marocain

Publie le jeudi 14 juin 2007 par Open-Publishing

Le MCA dans le collimateur du pouvoir marocain

"Quelque soit le point de la course où le terme m’atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que, quelques soient les obstacles que l’Histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple (et à travers lui d’autres) ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture peuvent, un instant, entraver ce libre mouvement mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux-semblants. Tout le reste est littérature."
Mouloud Mammeri


Les derniers événements qui ont eu pour théâtre les universités marocaines constituent probablement un tournant historique au niveau de la revendication identitaire et linguistique amazighes au Maroc. La répression sauvage qui s’abat sur le Mouvement culturel amazigh (MCA) met à nu les discours pompeux et les déclarations rhétoriques du pouvoir qui instrumentalise la revendication amazighe pour justifier la violence officialisée. Des forces occultes chercheraient à amener une confrontation instrumentalisée entre la mouvance amazighe et le régime marocain. Les faits survenus dans des universités marocaines et récemment à la Faculté d’Errachidia [Ndlr : Imteghren] et à la Faculté de Meknès témoignent de la volonté du pouvoir à "salir" un mouvement culturel démocratique gouverné par les valeurs de démocratie, de laïcité, de tolérance et du respect de la diversité et de la différence. Mouvement pacifique et civilisationnel qui dérange les maîtres du moment et les corporations arabo-intégristes qui veulent maintenir leurs privilèges au détriment de la paix et de la stabilité du pays.
L’arrestation des étudiants amazighs semble être programmée par un pouvoir qui conçoit sa "psychose amazighe" comme facteur qui sape ses fondements idéologiques et remet en question sa "légitimité" incertaine et douteuse. Les réponses biaisées aux revendications amazighes et les replâtrages craquent et poussent à l’exacerbation du sentiment des Imazighen qui estiment que l’Etat mène, contre eux, une politique de colonisation aux couleurs nationales.

Les chiens de garde d’une presse aux ordres ont servi de relais et de caisse de résonance aux thèses du pouvoir qui cherche, par l’improvisation et la répression, à vider la revendication amazighe de son essence. Presque à l’unanimité, la presse a mobilisé ses plumitifs de service pour présenter les étudiants amazighs comme des criminels, outrepassant volontairement le principe de droit qui veut que tout accusé est innocent jusqu’à ce que la preuve soit apportée à sa culpabilité. Les plumitifs de tous bords, se limitant aux versions officielles et à la rumeur, ont tranché pour chauffer à blanc une opinion publique intoxiquée, angoissée et crédule qu’ils alignent sur les thèses du pouvoir.
Pourtant, les déclarations des étudiants arrêtés et les rapports établis par la police à Meknès témoigneraient que les enquêtes ont été bâclées et auraient été faites sur instructions. Le rapport de police souligne que les trois personnes qui ont témoigné contre les étudiants amazighs arrêtés le 22 mai 2007 sont des récidivistes, connus par la justice pour prostitution et vol. Quant à la personne qui a accompagné les policiers pour l’arrestation, à domicile, des étudiants amazighs, il s’agit d’un "basiste" impliqué dans les faits : embarqué dans le fourgon, c’est grâce à lui que la police a fait sa décente dans le domicile des étudiants qu’elle a saccagé.

Après leurs arrestations, les étudiants amazighs ont été sauvagement torturés par la police durant plus de soixante dix heures. La nourriture que leurs familles leur ont apportée a été "mangée" par les policiers. L’étudiant Hamid OUADOUCH a été tabassé comme un animal par la police de la nouvelle ère. Les étudiantes amazighs qui restent en contact avec les personnes arrêtées sont harcelées par les barbouzes qui les poursuivent en les insultant par des mots de bas étage. Des témoins affirment que les étudiants amazighs n’ont rien à avoir avec le crime crapuleux dont fut victime l’étudiant de Rissani. Les étudiants arrêtés étaient dans leur domicile au moment des faits !
La police et le pouvoir veulent instaurer la peur et la terreur, faire des étudiants amazighs des criminels violents pour dissuader les activistes et le tissu associatif à manifester et exprimer leur solidarité et leur soutien aux victimes. Des méthodes d’un autre âge qui rappellent les années de plomb, des méthodes à la Pinochet. Au père de la victime, la police a affirmé que son fils a été tué par des étudiants du "courant amazigh", alors que le procès n’a pas encore eu lieu !

A l’étranger, suite à une manifestation organisée par le "Comité de soutien aux détenus" à Barcelone le 2 juin 2007, un militant amazigh aurait été kidnappé torturé et interrogé par les services marocains dans les locaux de l’ambassade du royaume. Il serait soupçonné, selon les propos des barbouzes, d’avoir des liens avec une organisation qui s’appelle "Mouvement culturel amazigh". Un peu partout au Maroc, les étudiants amazighs sont sous haute surveillance, filés par les services qui préfèrent épier des militants pacifiques au lieu de s’occuper des mouvances obscurantistes et "arabotaritaristes".
Les agissements du pouvoir constituent un dérapage dangereux pour la stabilité du pays et de ses institutions. Notre pays n’en a pas besoin ! Les castes arabistes qui font partie des rouages du pouvoir optent pour le pire. Incapables de se remettre en question, de faire leur mea culpa et reconnaître que leur idéologie s’est engouffrée dans l’impasse, elles semblent pousser vers le chaos. Et ce n’est pas une hyperbole. Aveugles, bouchées, ces castes refusent toujours de voir le réel tel qu’il est.
Les revendications du mouvement amazigh ne sont pas des utopies. Le référentiel de ce mouvement aspire à prolonger la réalité socioculturelle et historique au niveau politique et idéologique.

Les maîtres du moment doivent prendre les faits au sérieux. Opter pour la répression, les arrestations, les incarcérations et la violence comme réponse aux revendications démocratiques et légitimes d’un peuple opprimé sur sa terre, ne peut mener qu’à l’exacerbation. Imazighen sont chez eux. Que nos décideurs s’en souviennent toujours. Ils demandent que leurs droits, tous leurs droits soit inscrits dans les textes fondateurs de l’Etat. Qu’ils soient traités comme citoyens jouissant de leurs droits légitimes. Que leur dignité soit respectée.

A ceux qui veulent salir des étudiants amazighs pacifiques,
A ceux qui pensent torpiller la marche du mouvement amazigh,
A ceux qui s’entêtent à croire que le tabassage et la prison sont les seules solutions,
A ceux qui cherchent à diaboliser une cause juste,
A ceux qui pensent casser la volonté et la détermination des Imazighen par la violence,
A ceux qui continuent à braire contre l’amazighité et ses dépositaires,
Aux chiens de garde de la presse de service,
Aux arabistes qui poussent le pouvoir à la répression,
Aux charlatans qui continuent à tenir des discours d’un autre âge,
A ceux qui ont programmé la mort officialisée de l’amazighité,
Aux sectes, ligues et corporations arabo-staliniennes et obscurantistes,
A "nos" intellectuels de service,

Nous disons :

Nous sommes des hommes libres. Aucun pouvoir, aucun lobby, aucune structure ne pourrait nous empêcher de continuer notre lutte démocratique et légitime. Nous sommes un mouvement pacifique et serein. Notre détermination est inébranlable quant à la défense de nos droits, sur notre terre arrosée par le sang de nos ancêtres qui ont lutté contre les différents envahisseurs. Pour leur terre et leur liberté.
Ceux qui ont instrumentalisé les événements des universités sont sur une fausse route. Ils ne pourront pas arrêter la marche d’un peuple, sur sa terre, vers sa liberté et sa libération irréversibles. Un peuple de courage, de liberté et de générosité. Un peuple qui respecte la coexistence pacifique des cultures, des langues et des civilisations. Qui ne veut porter préjudice à aucune société. Qui condamne la violence et la répression. Qui refuse les ambiguïtés et les amalgames d’une mentalité arabo-intégriste despotique et grégaire.

Note amazighité résistera comme nos montagnes immuables, comme notre peuple stoïque qui a su et saura braver les vicissitudes de l’Histoire. Nous vivons une ère où le souffle de la démocratie et des droits de l’homme fait écrouler les citadelles de la dictature, du despotisme, de l’intolérance et de la tyrannie. Nous sommes fiers de notre amazighité, car elle est la seule et unique alternative pour sortir notre pays de la décadence culturelle et du désarroi où l’ont embourbé les nouveaux prophètes des dérives et la politique népotiste et ségrégationniste des tenants du pouvoir du moment.
Les revendications des étudiants amazighs ne sont pas des chimères. C’est une jeunesse aguerrie qui refuse de confondre la démocratie et sa caricature. C’est une jeunesse de l’espoir et de la délivrance. Ce sont des jeunes qui refusent légitimement de se reconnaître dans des cadres et des structures qui prônent l’assassinat de leur culture millénaire. C’est une jeunesse décidée et civilisée. Qui dérange, car elle est la voix des sans voix. La voix de ceux qui ont servi de chaire à canon pour que le pays recouvre son indépendance et qui ont été renvoyés aux vestiaires par la caste des collaborateurs et des charognards.

Le mouvement estudiantin amazigh dit non au déni identitaire, à la négation de leur essence, à la marginalisation programmée de l’amazighité et de ses dépositaires. Il dit non à la politique de "bordélisation" des villages et bourgades amazighes dans le Haut et le Moyen Atlas. Il dit non aux interdictions qui frappent régulièrement les prénoms et les cadres associatifs amazighs. Il dit non à la politique officielle qui continue à phagocyter l’amazighité, la prostituer, la folkloriser et l’humilier.

Il a enclenché une révolution dans la mentalité amazighe dont les réflexes ne doivent plus dépendre des autres mais de la volonté intrinsèque d’être et du vouloir vivre de la société amazighe via la réappropriation de ses valeurs et de leur traduction et insertion, sans passéisme aucun, dans la continuité historique interne pour se faire une place dans le concert des nations modernes. C’est donc un combat pour la vie mais aussi un combat de valeurs et d’éthique.

Le MCA ne veut jouer aucun jeu. Indépendant et démocratique, il met à nu les contradictions d’un pouvoir qui se limite dans ses réponses à des feux d’artifices sans lendemain. Un pouvoir qui fait des déclarations qui sont immédiatement combattues par ses commis et ses hommes. Quelle dignité pour Imazighen quand un gouverneur ou un wali (complices) laissent leurs subalternes traîner dans la boue les décisions prises par l’autorité suprême du pays, interdisant les prénoms amazighs, intimidant les activistes, folklorisant la culture... Quelle dignité pour Imazighen lorsqu’un pouvoir soutient officieusement des tartuffes et des bigots, des fonctionnaires d’un ministère de l’Etat, qui, dans des lieux de culte, il s’agit de mosquées, traitent Imazighen de renégats, d’alliés du sionisme et de l’impérialisme. Quelle dignité pour Imaighen qui ne peuvent pas s’exprimer dans leur langue devant un juge ou un responsable de l’administration de l’Etat. Quelle dignité pour Imazighen quand un caïd ou un agent de sécurité se comportent vis-à-vis d’eux comme des cow boys aux pays des "dissidents".

Quelle existence pour Imazighen dans un pays où les traîtres et les rejetons des collaborateurs détiennent les leviers de commande, où les conseillers de l’autorité suprême sont des amazighophobes déclarés ! Quelle dignité pour Imazighen qui vivent comme les esclaves d’une caste de mercenaires qui les traitent comme des sous hommes et des non-hommes !

Les dernières arrestations des étudiants amazighs à Meknès et Errachdia [Ndlr : Imteghren] et la condamnation d’autres à Agadir risquent d’être la goûte qui fera déborder le vase. La répression élue par le pouvoir qui navigue à vue risque d’être fatale. La mutation est en marche. Nous avons déjà signalé dans des articles précédents que le dialogue responsable pourra aider à apporter des solutions sérieuses et crédibles à la question amazighe. Nous avons mis en garde contre la violence et la répression sauvage. Le pouvoir est resté sourd. Arrogant. Il a besoin pour créer une télévision amazighe d’en créer, auparavant, cinq en arabe. Pour enseigner tamazight, il a besoin d’arabiser toutes les disciplines et la vie publique. Le mensonge est devenu sa pratique et son essence.
Les étudiants arrêtés sont innocents, jusqu’à preuve du contraire. Ils ont besoin d’un procès équitable qui les réhabilite. D’enquêtes crédibles. Ils n’ont commis qu’un tord : être des militants du Mouvement culturel amazigh. Leur volonté est inébranlable. Ils ne sont pas des criminels. Qu’on y réfléchisse sérieusement. Avant qu’il ne soit trop tard.

Moha Moukhlis
Journaliste : Agraw Amazigh.

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