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Le Syndicat de la magistrature, en perte de vitesse, s’interroge sur les moyens de rebondir

Publie le mardi 30 novembre 2004 par Open-Publishing

de Nathalie Guilbert

Existe-t-il encore une place en France pour une organisation de magistrats ancrée à gauche ? Samedi 27 et dimanche 28 novembre, le Syndicat de la magistrature (SM) s’est posé la question, lors de son 38e congrès, à Paris. Le tournant sécuritaire pris depuis deux ans par le gouvernement a certes rassemblé les troupes de la deuxième organisation du monde judiciaire, après des années de déchirements. L’action conduite sous la présidence d’Aïda Chouk, jeune magistrate du tribunal de Bobigny, a été approuvée à l’unanimité.

Au cours de l’année écoulée, le SM s’est montré très critique face au "grand bond en arrière" des droits fondamentaux causé, selon lui, par les lois du garde des sceaux, Dominique Perben, avec son corollaire, "la priorité donnée à l’enfermement". Il a dénoncé "l’interventionnisme politique"dans les affaires judiciaires et le "retour de la culture de soumission" dans la magistrature.

Plus récemment, le syndicat s’est inquiété des "dérives de la victimisation", dont le traitement de l’affaire d’Outreau a, selon lui, été le point d’orgue. L’organisation, enfin, a renoué avec le travail de fond, en élaborant pour le Conseil constitutionnel un argumentaire complet sur la loi Perben sur la criminalité.

Mais cette année, les élections professionnelles ont été mauvaises pour le SM, qui n’a récolté que 29 % des voix, tandis que l’Union syndicale des magistrats (USM, modérée) progressait encore (63 %). Dans ces conditions, le SM peut-il se passer d’une alliance, au moins au niveau local ?

Les adhérents sont divisés. Pour Jean-Christian Vaulot-Pfister, vice-procureur à Dijon,"la justice doit être un lieu de résistance", et le syndicat un partenaire des luttes sociales. "Attention à la tentation de la désobéissance", pense pour sa part Gilles Straehli, président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy.

Lui voit plutôt dans l’actualité "un appel à appliquer la loi à rebours de l’opinion dominante, en obéissant à nos valeurs, comme l’ont fait les juges de Marseille vis-à-vis des recalculés du chômage". L’un a réclamé "une journée d’action très forte pour montrer que le service public de la justice est attaqué et que cette attaque est orientée contre les droits des pauvres".

Sur les primes de rendement et les juges de proximité, deux réformes repoussoir, d’autres ont insisté sur la communauté de vues avec l’USM. "Il faut se mettre d’accord sur la place de la magistrature dans les institutions, et faire une alliance très ferme sur ces questions internes", a plaidé Jean-Paul Jean, ancien conseiller d’Elisabeth Guigou, sans être complètement entendu.

Et après ?, s’interroge Françoise Martre, vice-présidente au tribunal de Bordeaux : "Quand l’alternance politique arrivera, comment le syndicat va-t-il réussir à convaincre la gauche, qui nous a donné les premières lois sécuritaires ?"

Les sept nouveaux magistrats qui ont fait leur entrée au conseil syndical affichent une position combative, à l’instar de Mathieu Bonduelle, jeune juge d’instruction à Mulhouse, qui a précisé avoir adhéré au syndicat "entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002".

Une motion appelant à une journée de grève contre les juges de proximité a été votée. Le syndicat propose également à ses adhérents de restituer leur prime au mérite en espèces à leur hiérarchie. Pour lutter contre l’inflation carcérale, il a appelé les magistrats à limiter les incarcérations et a réitéré sa proposition d’un numerus clausus à l’entrée en prison.

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