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Le bilan de la prise d’otages à Beslan s’alourdit

Publie le samedi 4 septembre 2004 par Open-Publishing

de Richard Ayton et Oliver Bullough

BESLAN, Russie - Le président russe Vladimir Poutine a ordonné des mesures répressives, samedi en Ossétie du Nord, où plus de 320 personnes - dont 155 enfants - ont péri dans le dénouement sanglant d’une prise d’otages.

Des secouristes s’employaient toujours à dégager des corps des ruines de l’école n°1 de Beslan, terrorisée deux jours durant par un commando pro-tchétchène avant le bain de sang et le chaos qui ont accompagné l’assaut des forces de sécurité vendredi.

"En conséquence des actes de terrorisme, 322 personnes ont été tuées, dont 155 étaient des enfants", a déclaré aux journalistes le vice-procureur général de Russie, Sergueï Fridinski. "Je pense que le bilan des morts va encore s’alourdir, mais pas beaucoup."

Au total, 26 preneurs d’otages ont été tués. Aucun d’eux n’a été capturé vivant, a indiqué Fridinski.

Les autorités ont aussi déclaré que le nombre des personnes séquestrées dans l’école était supérieur à mille - alors que des estimations précédentes en signalaient 350 environ.

"Je puis vous dire qu’aujourd’hui, après les recherches que nous avons menées, y compris en interrogeant des otages, le nombre total des captifs dans l’école était supérieur à mille", a dit Lev Dzougaïev, porte-parole des autorités d’Ossétie du Nord.

Des parents inquiets se pressaient samedi au cinéma de Beslan, où des responsables devaient fournir des indications sur les morts et les blessés.

Un jeune homme, Rouslan, recherchait sa femme : "J’ai cherché toute la journée et je n’arrive pas à la trouver. Où sont nos proches ? Personne ne nous dit rien. Personne ne nous protège."

POUTINE MAINTIENT LA PRESSION

La plupart des morts se trouvaient dans le gymnase de l’école, ont indiqué des responsables. Ils ont été tués soit par les explosions qui ont provoqué l’effondrement du toit, miné par les preneurs d’otages, soit par le feu et les tirs entre soldats et rebelles qui ont suivi.

Poutine s’est rendu brièvement samedi matin à Beslan, où il est allé voir des victimes hospitalisées.

Selon l’agence Itar-Tass, il a ordonné le bouclage de Beslan et la fermeture des frontières de l’Ossétie du Nord, ceci afin de traquer d’éventuels ravisseurs qui auraient pris la fuite durant l’assaut des forces de sécurité.

"L’un des buts des terroristes était de susciter la haine ethnique et de faire exploser le Nord-Caucase", a déclaré le président russe à des responsables de la sécurité. "Quiconque éprouve de la sympathie pour ce genre de provocation sera considéré comme un complice des terroristes et du terrorisme."

Le ton de Poutine fait comprendre qu’il n’entend d’aucune façon relâcher la pression sur la guérilla tchétchène, à dominante musulmane, et se veut plus déterminé que jamais à maintenir la région dans le giron russe, même si c’est au prix de méthodes que réprouvent les défenseurs des droits de l’homme.

La prise d’assaut de l’école par les forces russes, consécutive à des explosions survenues à l’intérieur, a semé le chaos et la panique. Elèves, parents et enseignants, souvent couverts de sang, ont été évacués sur des civières ou dans les bras d’habitants de la ville tandis que fusaient les balles.

Les autorités ont dit avoir été contraintes de déclencher l’intervention parce que les preneurs d’otages avaient ouvert le feu sur des enfants qui s’enfuyaient.

"Quand nous sommes entrés dans le gymnase, il y avait un énorme feu et beaucoup de gens par terre. Tout était en flammes, même leurs cheveux brûlaient", a rapporté selon le quotidien Kommersant un membre de commando engagé dans la prise d’assaut de l’école.

L’UE DEMANDE DES ECLAIRCISSEMENTS

Vingt-cinq corps environ étaient étendus samedi matin dans la cour de l’école. La plupart avaient été placés dans des sacs mais quelques dépouilles d’hommes sans chemises gisaient sans couverture sous une fenêtre de l’établissement.

Quatre des prises d’otages les plus massives des trente dernières années ont eu lieu en Russie. Toutes étaient liées au conflit tchétchène et se sont soldées par des pertes humaines considérables.

Poutine, qui avait promis à la télévision nationale que toute serait fait pour préserver les otages, a paru en colère et a répliqué sans ménagement aux responsables qui commençaient à féliciter les forces de sécurité.

"S’agissant des forces spéciales, c’est une autre histoire. Nous en parlerons plus tard", a dit le président russe.

Les armes et explosifs utilisés par les preneurs d’otages avaient été entreposés dans l’école longtemps à l’avance, pendant des travaux effectués cet été, selon une source proche des services de sécurité régionaux citée par Interfax.

Plusieurs gouvernements occidentaux ont exprimé leur soutien à Poutine. Mais l’Union européenne a demandé à Moscou de lui expliquer "comment cette tragédie a pu arriver". La Russie a répliqué en jugeant cette démarche "blasphématoire et odieuse" et en convoquant l’ambassadeur des Pays-Bas, dont le pays préside actuellement l’UE.

Des otages libérés ont évoqué le cauchemar de vendredi. "Des bombes étaient posées dans tout le gymnase", a dit une adolescente à la télévision. "Le papier adhésif s’est détaché de l’une d’elles et elle a sauté."

"Il y a eu deux grosses explosions", a dit une femme d’une quarantaine d’années. "Nous avons commencé à faire passer tous les enfants par les fenêtres (...) Tous ceux qui étaient là se sont mis à les pousser dehors."

L’Ossétie du Nord est la seule république majoritairement orthodoxe du Nord-Caucase, les autres étant à dominante musulmane. De fragiles équilibres ethniques font toutefois une poudrière de l’ensemble de cette région. (Reuters)

http://fr.news.yahoo.com/040904/85/41c7u.html