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Le fétichisme de la rentabilité financière contre les migrants.

Publie le jeudi 8 mai 2008 par Open-Publishing

LE FETICHISME DE LA RENTABILITE FINANCIERE
CONTRE LES MIGRANTS

Une critique introductive de la domination des flux financiers (et autres flux économiques) contre les "flux migratoires".

La première partie (1) vient corriger un exposé précédent (2) en défense des migrants.

1) La leçon d’ATTAC : prendre pleine mesure de la financiarisation.

Ce passage d’un texte d’ATTAC met l’accent sur les deux aspects nécessaires et même impératif à tout processus de fétichisation, à tout fétichisme dominant en période de capitalisme néolibéral :
 d’une part la soumission des activités humaines (qui doivent s’agenouiller devant le nouveau dieu-fétiche) ;
 d’autre part l’importance accordée aux dynamiques économiques (qui exigent la servilité humaine). Mais ici l’accent est mis, à raison, sur la pleine liberté accordée à la rentabilité du capital financier.

Le scénario était écrit : la financiarisation de l’économie mondiale, c’est-à-dire la soumission de toutes les activités humaines à une rentabilité humaine exorbitante, devait mener à la crise. Nous y sommes. La crise financière qui menace de dégénérer en récession économique est le résultat logique des choix opérés depuis trente ans par les gouvernements, les dirigeants des institutions internationales et des grandes firmes, pour le compte des actionnaires. La circulation sans entraves des capitaux et la multiplication des produits financiers a entraîné une spéculation permanente sur les monnaies, les titres financiers et tous les produits dérivés nés de la titrisation, c’est-à-dire de la revente sans fin de tout contrat commercial. Les banques centrales ont laissé courir le crédit qui alimentait cette spéculation pendant que les autorités politiques fermaient les yeux sur la prolifération des paradis fiscaux.

L’élévation continuelle de l’exigence de rentabilité des capitaux a contraint les salariés à l’austérité, au point de casser toute dynamique capable de répondre aux besoins sociaux, ne laissant comme échappatoires qu’une consommation ostentatoire des classes riches et qu’un crédit facile mais dévastateurs des classes pauvres comme le montre l’exemple des Etats-Unis. La financiarisation de l’économie se fait à l’avantage des plus riches et au détriment des droits sociaux et des conditions de vie du plus grand nombre. Pire la financiarisation suppose la destruction des droits sociaux.

NB : Ce texte collectif, qui met à raison l’accent sur la financiarisation, vient rectifier avantageusement celui ci-dessous (de Christian DELARUE) qui met trop « à plat » les différentes dynamiques économiques.

La partie sur le passage nécessaire par une crise révolutionnaire pour le retour à l’application des droits sociaux a été enlevée (2). Mais le document d’ATTAC cité en est fort proche. J’en reproduis la conclusion : La gravité de la crise sociale, écologique et peut-être économique, est telle que les rafistolages et encore moins les déclarations de bonnes intentions ne suffiront pas pour la résoudre. Il faut aller au cœur d’un système injuste et prédateur qui détruit tous les fondements de nos sociétés.

2) Les migrants et le fétichisme du néolibéralisme au plan mondial

La phase actuelle de la mondialisation capitaliste renforce ou exacerbe un certains nombre de phénomènes économiques et sociaux :- l’internationalisation et la libéralisation des échanges marchands, - la libéralisation de la finance (qui est la plus mondialisée) - l’augmentation des investissements productifs à l’étranger et donc l’implantation croissante d’entreprises à l’étranger pour bénéficier d’une main d’oeuvre bon marché, - la privatisation des biens publics et des services publics. Il faut y ajouter les migrations humaines qui se sont mondialisées.

Le regard des néolibéraux porté sur la mondialisation s’intéresse surtout aux aspects économiques de la mondialisation en omettant d’évoquer les aspects sociaux et écologiques. Ainsi les migrations humaines constituent bien "le chaînon manquant" (1) de la mondialisation. Pour être plus précis dans la critique, il importe de souligner la survalorisation des processus économiques abstraits (cités au premier paragraphe) au regard de la dévalorisation des migrations. Ces processus économiques qui ensemble forment le capitalisme contemporain sont sans alternatives pour les dirigeants soumis aux bourgeoisies impérialistes, aux intérêts des grandes firmes multinationales. TINA disait M Thatcher (There is no alternativ) Les migrations sont bien moins intouchables. C’est le moins que l’on puisse dire ! Elles ne sont pourtant pas des processus abstraits, ce sont bien des humains qui changent de pays de façon très souvent contrainte soit pour des motifs politiques (menaces sur les libertés) soit pour des motifs économiques (menaces sur les ressources financières) . Les autres processus économiques relatés ne sont pas non plus dégagés du facteur humain mais c’est sans doute moins visible.

Si nous adoptons le regard dominant sur la mondialisation économique, nous sommes alors au coeur d’un immense fétichisme qui dans un même double mouvement accorde d’une part une importance et une grande valeur aux libertés économiques qui sont surélevées au-dessus des sociétés et des humains, qui sont en quelque sorte déifiées et d’autre part le mépris, l’utilitarisme, la répression contre les migrants.

Les gouvernements sont pris dans une logique de guerre qui approfondit et renforce la vision dévalorisante et réifiante des migrants transformés en choses, en "flux migratoires". C’est pourquoi le MRAP lutte pour le droit de circulation et le droit d’installation des migrants. Il milite aussi pour le droit de vote des résidents étrangers extracommunautaires. Il milite pour la régularisation des sans papiers.

Le MRAP est membre d’ATTAC pour s’attaquer aussi à l’autre volet. La dynamique du capital emporte un fétichisme croissant. La crise de rentabilité du capital au plan mondial accroît cette dérive qui rabaisse l’humain et qui survalorise des processus abstraits.

3) Lutter contre la finance mondialisée c’est aussi garantir le séjour de tous les migrant(e)s

Lutter contre la finance et le fétichisme économique mondialisé (1) qui en découle c’est garantir le séjour de tous les migrants. Ajoutons en tant que citoyen, et citoyen n’ayant pas à subir le célibat perpétuel ou le racisme et la xénophobie.

Il ne sert à rien d’exhiber des statistiques de la population mondiale, de la population française et de la population en migration pour soutenir, ainsi que je l’ai entendu à Rennes lors de la semaine de débat sur les migrations, la thèse que la France ne peut recevoir tous les migrants du monde. Ce qui a changé, on le voit sur la carte de l’ONU, lors de la dernière décennie c’est la mondialisation des migrations. Quasiment aucun pays n’y échappe. Mais les migrants ne convergent pas depuis les divers pays d’immigrations d’origine ou de transit vers la France ! De plus bien des pays beaucoup plus pauvres que la France, notamment en Afrique, doivent héberger des migrants de tout type.

Lutter contre le fétichisme mondialisé - programme de travail commun à ATTAC et au MRAP - tel que proposé (1) c’est non seulement garantir la liberté de circuler avec des papiers mais aussi la liberté d’installation de tous les migrants et avec les droits à la citoyenneté (voter et pouvoir se faire élire).

Il y a peu cela était considéré comme une utopie au sein du continent européen. Aujourd’hui l’Union européenne déclare : "La citoyenneté de l’Union confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par le traité et des mesures adoptées en vue de leur application" . Cette règle doit être appliqué et élargie à l’ensemble des migrants, c’est à dire aux migrants extra-communautaires. La préférence communautaire doit cesser ! Les migrants ne sont pas une charge mais une richesse pour un pays ; Quand on dit richesse on ne pense pas qu’à l’utilité pour les entreprises et l’économie.

A travers des législations affichées de plus en plus répressives, le besoin de main d’oeuvre étrangère est peu à peu reconnu. Ce qui a conduit à passer de " l’immigration zéro " à " l’immigration clandestine zéro " puis à " l’immigration choisie ". Il faut remarquer aussi que c’est un des rares sujets sur lesquels le patronat n’est pas en accord parfait avec le gouvernement. Il connaît les besoins de l’économie. Il profite aussi de cette main d’oeuvre judicieusement stigmatisée et réprimée.
La liberté d’installation suppose une politique d’insertion sociale et économique valable pour l’ensemble de la famille sauf à vouloir transformer les migrant(e)s en célibataires perpétuels. Un séjour dans de bonnes conditions implique également que l’Etat et les communes mettent fin aux normes discriminatoires sur le marché de l’emploi et du logement. Il faut donc abolir le principe des emplois réservés aux personnes de nationalité française, sauf en ce qui concerne les "emplois de souveraineté". De telles mesures permettraient une sortie du chômage ou des emplois typés (professions indépendantes du commerce et de l’industrie) ainsi qu’une meilleure mobilité socioprofessionnelle.

Christian DELARUE

Membre de la commission mondialisation du MRAP
Membre du groupe "migrations" d’ATTAC France

1) Formule d’Antoine PECOUD et Paul de GUCHTENEIRE chercheurs à l’UNESCO

2) Partie remplacée :
L’humanisme conséquent est d’abord un anticapitalisme au sens d’un refus de la religion du libéralisme économique et de l’appropriation privée des moyens de production et d’échanges. L’humanisme conséquent vise aussi à créer un "autre monde" que celui-ci, pas un monde plus juste avec deux doigts d’économie sociale et solidaire. Vouloir un autre monde c’est moralement et politiquement ne pas s’accommoder d’une "amélioration" aux marges du coeur capitaliste. Il ne s’agit pas plus de vouloir "brider" une logique capitaliste qui dans sa dynamique profonde va rester telle quelle à savoir la recherche du profit d’abord, la satisfactions des besoins humains après si rentable. En fait l’altermondialisme travaille à la promotion d’une prise en charge des activités humaines par le peuple par les travailleurs salariés. Il s’agit d’aller vers l’alterdémocratie, ce qui ne se fera pas sans crise et même sans révolution tant le chemin à prendre est radicalement contraire à celui du capital et des grands possédants.

Addendum : Crise : J’ai mal à mon capital Jean-Marie HARRIBEY

http://www.france.attac.org/spip.php?rubrique1067