Accueil > Le mois de Ramadan dans le camp de Jénine
par Ali Samoudi
Lorsque les haut-parleurs fixés en haut des mosquées du camp de Jénine
appelent à la prière du maghrib et annoncent la fin du jeûne du premier jour
de Ramadan, Umm Muhammad al-Masri répète inlassablement les invocations
d’une mère qui cherche éperdument à retrouver ses fils que l’occupation a
ravi à la table du premier repas. Dans ces moments, Umm Muhammad dit : "nous
pleurons de douleur car ceux qu’on aime sont absents, nous nous rappelons
d’eux, nous ne pouvons ressentir de la joie, nous ne ressentons que de la
tristesse et de la douleur".
L’occupation, dit Umm Muhammad qui est réfugiée, âgée de plus de 70 ans, m’a
privée de mes fils. Le premier Ayad, est tombé martyr lors de la défense du
camp, ils l’ont tué en lançant un obus qui a éclaté sa tête. Il est tombé
avec son camarade Ibrahim Fayed. Le second, le plus âgé, est dans la prison
de Naqab, en tant que prisonnier administratif, sa détention est renouvelée
sans cesse, sans qu’il ne lui soit spécifié de charges ni qu’il ne soit
jugé. Il en est de même pour Aziz, qui a été arrêté deux semaines après son
mariage. Nous avons à peine été heureux par son mariage qu’ils l’ont arrêté
et transféré en un lieu inconnu, et nous ne savons pas encore où il se
trouve. L’occupation, avec ses répressions et ses crimes, nous impose une
vie dure et détruit tous les sens de la joie à laquelle nous nous sommes
habitués. Nous accueillons le mois de Ramadan, qui nous rappelle les êtres
chers, par une plus grande souffrance et une privation.
De la souffrance
Cette famille est un exemple de la souffrance des milliers de familles
palestiniennes qui vivent des conditions très dures et pénibles à cause de
l’occupation, qui les prive de leurs fils et des êtres chers, que ce soit
pendant les fêtes ou les occasions religieuses et autres.
La mère du martyr Muhammad Amer qui a été tué lors de sa résistance contre
les forces de l’occupation accueille le mois de Ramadan avec tristesse et
amertume. Elle dit : "lorsque ma famille s’est réunie pour le suhur, j’ai
pleuré de douleur à cause de l’absence de Muhammad bien que je sois fière de
lui, mais le coeur de la mère est tel qu’on reste triste à cause de
l’absence des êtres chers, surtout que le sang palestinien continue à couler
et que l’occupation poursuit le meurtre de nos êtres chers, avec sang-froid.
Lorsque Ramadan arrive, l’image de Muhammad est toujours devant moi, je vis
la souffrance au quotidien, et je souhaite que notre malheur prenne fin, et
que disparaisse la cause, l’occupation".
Le coeur serré, en permanence
A proximité de la maison d’Umm Muhammad se trouve celle de la famille du
martyr Ahmad Abu Baha’, qui est tombé alors qu’il s’opposait à l’entrée des
forces de l’occupation dans le camp. Sa mère dit : chaque fois que le mois
de Ramadan arrive, je cherche Ahmad, et je ne trouve que ses photos qui
ornent la maison, j’ai le coeur lourd, je brûle de l’intérieur chaque fois
que j’entends qui’l y a une nouvelle victime, je prie pour que Dieu protège
notre peuple et notre jeunesse, et qu’Il évite à toute mère palestinienne
l’amertume de la douleur que nous avons, il n’y a pas plus difficile que le
mois de Ramadan pour ressentir la perte de nos êtres chers, à tout jamais".
Une tristesse éternelle
Ces sentiments sont partagés par tous les Palestiniens du camp sinistré, où
ses habitants ont vécu toutes sortes d’oppression et de répression
israéliennes. Umm Mus’ab est un exemple de cette réalité, puisque l’occupant
a arrêté son mari cheikh Ibrahim Jabr, alors qu’elle a perdu son fils aîné
Mus’ab lors de l’attaque israélienne sur le camp. Elle dit : "Je ne sais pas
comment je vais passer ce mois béni, chaque fois que nous nous réunissons à
la table, nous perdons notre force et nous vivons dans une grande tristesse.
Mes enfants demandent jusqu’à quand leur père restera en prison, et
lorsqu’ils se rappellent Mus’ab, ils pleurent, et ne peuvent rien avaler...
C’est une tristesse infinie qui nous enveloppe, et c’est la même chose lors
des occasions, les blessures sont réouvertes et nous n’avons plus que les
invocations à Dieu pour nous aider à supporter ce qui arrive à notre peuple
et pour qu’Il lui évite le malheur de l’occupation."
Du côté du cimetière
Pendant que des mères dans le monde sont en train de préparer le repas de
l’iftar, les mères palestiniennes du camp de Jénine se dirigent vers les
tombes de leurs martyrs afin que leur souvenir, comme l’exprime la mère du
martyr Mahmoud Abu Helwe, demeure vivant éternellement. Elle ajoute : "Je ne
peux accueillir le mois de Ramadan dans ma maison, ma cuisine, je me suis
rappelée Mahmoud, je suis venue vers sa tombe pour prier et invoquer Dieu
afin qu’Il réalise son souhait, et que le prochain mois de Ramadan nous
apporte la victoire." La mère du martyr Mahmoud Tawalbe s’est réunie avec
ses petits-fils autour de la tombe, invoquant Dieu pour qu’Il l’accueille et
qu’Il libère ses trois fils maintenus dans les prisons de l’occupation. Elle
dit : "depuis l’aube, l’image de Mahmoud est devant moi, je me rappelle ses
paroles, je me suis dirigée vers sa tombe pour accueillir le nouveau mois de
Ramadan et renouveler ma promesse envers lui et envers tous les martyrs que
nous resterons sur leur voie jusqu’à la victoire". Umm Tawalbe embrasse la
mère du martyr Ziyad Amer, elles se réconfortent et échangent leurs
souhaits, mais Umm Ziyad n’arrête pas de pleurer, pendant qu’elle serre
contre elle ses enfants en disant : "chaque fois que le mois de Ramadan
arrive, je me rappelle tes paroles, ton affection, ta tendresse et ton sang,
et pour cela, nous nous réunissons autour de ta tombe et la tombe des êtres
chers pour que nous soyions proches dans nos invocations, de la porte du
ciel, afin que le Tout-Puissant nous entende et entende nos invocations,
nous accorde la patience et la fermeté et la force, pour poursuivre le
chemin, jusqu’à ce que nous supprimions cette noirceur et cette obscurité,
que nous allumions les bougies offertes par le sang de nos martyrs, en signe
de victoire." Elle ajoute : "Ramadan est le mois des batailles victorieuses,
et tout ce que nous souhaitons est que ce soit l’année de la liberté et de
la victoire pour notre peuple".
assawra