Accueil > Le " mur " de Sharon mis en accusation
" Il ne peut y avoir de sécurité et de paix entre les peuples palestinien et israélien, et même dans l’ensemble de la région, à l’ombre d’un tel mur, expansionniste, ségrégationniste et raciste. "
( Yasser Arafat )
Le " mur " de Sharon
mis en accusation
La Cour internationale de justice a ouvert hier ( 23 février 2004 ) les auditions sur la " ligne de séparation " dans les territoires occupés.
Les quinze juges de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye ont entamé leurs auditions afin de déterminer si le mur en cours de construction par Israël, et qui empiète largement sur les territoires palestiniens, est légal ou non. Son avis, qui n’est pas contraignant, devrait être rendu dans les prochaines semaines et pourrait avoir des conséquences politiques importantes.
Le représentant palestinien auprès de l’ONU, Nasser al-Kidwa, qui s’exprimait hier matin devant la Cour, ne l’a pas caché : il espère que l’avis de la CIJ aura les mêmes conséquences que celui pris en 1971 à l’encontre de l’Afrique du Sud de l’apartheid qui occupait illégalement la Namibie. Des sanctions internationales avaient alors été décrétées par les Nations unies. Une perspective qui ne plaît guère à Tel Aviv et qui explique certainement l’attitude de l’Union européenne (UE), des États-Unis et de la Russie qui ont décidé de ne pas se rendre à La Haye, arguant de craintes de blocages d’un règlement du conflit en cas de décision contre Israël.
Devant la CIJ, nulle voix ne se fera donc entendre pour défendre ce mur. Israël lui-même s’est borné à présenter des observations écrites, contestant la saisine de la CIJ par l’Assemblée générale de l’ONU. En revanche, plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, Cuba, l’Algérie, l’Arabie saoudite ou le Bangladesh ont dépêché leurs experts juridiques.
Silencieux dans l’enceinte de la CIJ, le gouvernement de Sharon n’entend pas le rester à l’extérieur et a mobilisé ses troupes. Il a expédié à La Haye la carcasse d’un autobus dans lequel onze Israéliens ont été tués par un attentat suicide en janvier. Le véhicule sera exposé devant le siège de la CIJ. Le ministère des Affaires étrangères a en outre dépêché une équipe chargée de répondre aux journalistes et des centaines de manifestants israéliens, dont des proches de victimes de kamikazes palestiniens, ont aussi fait le déplacement. Les opposants au mur sont également présents devant le siège de la Cour internationale. Hier après-midi, les manifestants étaient rejoints par deux ministres de l’Autorité palestinienne, Nabil Chaath et Saëb Erekat et surtout, par une délégation de parlementaires israéliens du Haddash (communiste) : Mohammed Barakeh, Ahmed Tibi et Issam Makhoul ont tenu à être présents, alors que côté travailliste (à l’origine de l’idée du mur), on se montrait plutôt silencieux.
Le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, en revanche, s’est montré offensif, intervenant en direct, hier matin, sur les ondes de la télévision palestinienne alors que la journée était décrétée " jour de colère ". Il a appelé les Palestiniens et les " forces de paix en Israël " à faire entendre leur voix contre ce " mur d’expansion et d’annexion ". Rejetant l’argument israélien selon lequel le mur est destiné à prévenir les attaques suicides, le Raïs a réaffirmé : " Il ne peut y avoir de sécurité et de paix entre les peuples palestinien et israélien, et même dans l’ensemble de la région, à l’ombre d’un tel mur, expansionniste, ségrégationniste et raciste. " Ce " mur de l’apartheid " ou ce " nouveau mur de Berlin ", selon les termes de Yasser Arafat, " a transformé nos villes et nos villages en prisons et en camps de détention collective ".
Un discours musclé qui coïncide avec une tentative de remobilisation de la rue par le Fatah. Hier, de nombreuses manifestations se sont d’ailleurs déroulées tout au long du mur sur lequel on pouvait notamment lire : " Le mur a été détruit à Berlin, Sharon construit le sien en Palestine. " En Cisjordanie et à Gaza, les institutions publiques et les écoles étaient fermées. Près de Toulkarem, l’armée israélienne a tiré des grenades lacrymogènes. Militants palestiniens et israéliens - ceux de Ta’ayouch (Ensemble), de Gush Shalom, de B’Tselem ou des Rabbins pour les droits de l’homme - tous sentent bien que l’existence ou non de ce mur aura des conséquences durables pour l’avenir des deux peuples.
Pierre Barbancey
http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-02-24/2004-02-24-388743