Accueil > Le nouveau soulèvement chiite s’intensifie en Irak
de Khaled Yacoub Oweis et Maher Mohammad
BAGDAD/NADJAF - Alors que les violences s’intensifiaient lundi dans les bastions chiites de Nadjaf, Bassorah et Sadr City, un quartier de Bagdad, le jeune imam radical Moktada Sadr a exhorté ses partisans à poursuivre la lutte.
Des Marines appuyés par l’aviation ont resserré leur étau sur Nadjaf, mais un haut responsable militaire américain a démenti que les forces de la coalition traquent Sadr.
Lors d’une conférence de presse à la mosquée de l’Imam Ali, sanctuaire le plus sacré de Nadjaf, Sadr a rejeté un appel du Premier ministre Iyad Allaoui, qui avait exhorté la veille les miliciens de "l’Armée du Mehdi" à évacuer Nadjaf.
"L’armée du Mehdi et moi-même continuerons de résister. Je resterai dans Nadaf la sainte et je ne partirai jamais. Je resterai ici jusqu’à ma dernière goutte de sang", a assuré le jeune imam.
Selon un nouveau bilan de l’armée américaine, au moins 360 insurgés ont été tués au combat entre jeudi et dimanche soir à Nadjaf.
A Bagdad, le gouvernement intérimaire a imposé un couvre-feu de 16h00 à 8h00 du matin à Sadr City, faubourg chiite miséreux où vivent quelque deux millions de personnes.
Des tirs de mortier ont atteint lundi le ministère de l’Energie et d’autres bâtiments gouvernementaux dans le centre de Bagdad. Aucune victime n’a été signalée dans l’immédiat.
Des pillards ont par ailleurs attaqué et détruit cinq stations essence dans l’est de Bagdad, où les forces de sécurité ne paraissaient guère présentes.
Le ministère de l’Energie est également situé dans la partie est de la capitale, en face de Sadr City, et les partisans de Sadr sont soupçonnés d’être à l’origine de ces tirs.
Mais Ali Yassiri, officier de liaison politique de Moktada Sadr, a assuré que "l’armée du Mehdi" ne prenait pas pour cible les infrastructures.
SITUATION "EXTREMEMENT TENDUE" A BASSORAH
Les partisans de Sadr ne tenteront pas de perturber les exportations de pétrole bien que, a-t-il dit, les forces américaines qui les attaquent fassent de leur côté peu de cas des civils et des biens.
"Sadr est un mouvement patriotique. La violence utilisée par les Etats-Unis crée ces conditions de chaos", a-t-il affirmé.
A Bassorah, deuxième ville du pays et site d’un grand terminal pétrolier, une porte-parole militaire britannique a parlé d’une situation "extrêmement tendue".
Deux Land Rover britanniques ont été incendiés par des miliciens chiites qui parcouraient les rues en brandissant des fusils d’assaut et des lance-grenades. Cinq militaires britanniques ont été légèrement blessés, a fait savoir le capitaine Hisham Halawi, porte-parole des forces britanniques à Bassorah.
Un habitant de Bassorah, dont le témoignage n’a pu être confirmé de source indépendante, a déclaré sous le sceau de l’anonymat que "l’armée du Mehdi" contrôlait plusieurs carrefours importants de la ville.
Un agent de navigation a dit avoir bon espoir que les exportations de pétrole pourraient se poursuivre normalement parce que le terminal est situé à l’extérieur de la ville.
Il a ajouté que le flux était normal lundi et qu’au poste d’amarrage numéro quatre, un pétrolier chargeait au rythme de 80.000 barrils de l’heure.
LES CHALABI MIS EN CAUSE
Un juge irakien nommé par les Américains, Zouhair Maliki, a annoncé dimanche qu’il avait émis un mandat d’arrêt contre Ahmad Chalabi, chef de file du Congrès national irakien, et contre son neveu, Salem Chalabi, qui dirige les travaux du Tribunal spécial irakien chargé de juger l’ancien président Saddam Hussein.
Les deux hommes ne se trouvent actuellement pas en Irak.
Salem Chalabi, accusé d’un meurtre dont il se dit innocent, a affirmé dans une interview à la BBC que le juge Maliki avait critiqué la procédure retenue pour juger Saddam Hussein.
Actuellement en vacances en Iran, Ahmed Chalabi, accusé d’avoir écoulé de faux dollars, a déclaré qu’il reviendrait en Irak pour prouver son innocence et il a dénoncé une persécution politique.
Ancien poulain des Etats-Unis pour remplacer Saddam Hussein, Ahmed Chalabi est tombé en disgrâce à leurs yeux après avoir été accusé d’avoir fourni à Washington de faux renseignements sur les armes de destruction massive prétendument possédées par l’Irak.
A Bagdad, un responsable du ministère de la Santé a fait état de 16 personnes tuées dans des affrontements au cours des dernières 24 heures en Irak, mais ce bilan n’inclut pas Nadjaf, dont la plupart des quartiers sont coupés du monde extérieur par les violences.
A Balad Rouz, un village au nord de Bagdad, un attentat suicide a tué sept policiers devant la maison d’un responsable local et Akil Hamed, gouverneur adjoint de la province de Diala figure parmi les 17 blessés.
Quatre Irakiens au moint ont été tués lundi dans une explosion au passage d’un autobus civil à une cinquantaine de km à l’ouest de Bagdad, ont rapporté des témoins. Ils ont précisé qu’une bombe, peut-être dissimulée dans une voiture, avait explosé sur une route principale régulièrement empruntée par les forces américaines dans le village de Khakidiyah, à proximité de Falloudja. (Reuters)