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Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936)
Publie le mercredi 23 mars 2011 par Open-Publishing6 commentaires
Par Nestor Romero
Je viens de lire le texte de l’interview donnée par Jean-Luc Mélenchon à Libération (21 mars) dans lequel je constate qu’il établit, lui aussi, une comparaison entre l’intervention internationale en Libye et la non- intervention des démocraties européennes en Espagne en août 1936. Comparaison que je crois pour le moins hasardeuse.
Il me semble que, ce faisant, il emboîte le pas à Martine Aubry déplorant elle aussi la non-intervention en Espagne, en oubliant cependant de préciser que le signataire français du Pacte de non-intervention était… Léon Blum (les larmes aux yeux, d’accord). Comparaison hasardeuse à moins de contraindre le vocabulaire plus qu’il n’est convenable.
En effet, quand Jean-Luc Mélenchon emploie les termes révolution, révolutionnaire et contre-révolution à cinq reprises en dix courtes lignes, nous sommes en droit de nous demander quel est, en cette occurrence, le sens du mot révolution.
Car les affirmations selon lesquelles il y a bien un processus révolutionnaire en marche au Maghreb et au Moyen-Orient, dont le sujet est le peuple, l’exigent comme elles exigent une définition de ce que c’est que le peuple.
Car, en effet, quand un peu plus avant il dit :
« Si le Front de gauche gouvernait le pays, aurait-il regardé la révolution libyenne se débattre comme nos prédécesseurs ont regardé les révolutionnaires espagnols mourir ? Non. »
… il établit un parallèle pour le moins douteux.
Quel est donc le projet révolutionnaire porté par la révolution libyenne et par les révolutions dans toute cette région ? Il s’agit, me semble-t-il, de chasser des tyrans et cela est sans doute révolutionnaire et doit être soutenu.
Mais s’agit-il, les tyrans tombés, de mettre en œuvre un projet de société bouleversant les structures économiques et sociales ? Ou bien s’agit-il pour ces peuples d’accéder à une société libérale de consommation telle que nous la connaissons et la vivons et qui miroite depuis si longtemps devant leurs yeux ?
Aspiration celle-ci que je comprends parfaitement mais, pour autant, peut-on la qualifier de révolutionnaire et, surtout, la comparer à celle de l’Espagne de 1936, tout anachronisme mis à part. Evidemment non.
« Gimnasia revolucionaria »
Le 17 juillet 1936, quand la plus grande partie de l’armée se soulève contre le gouvernement légal de la République, la principale organisation ouvrière est la CNT (Confederación Nacional del Trabajo)
anarcho-syndicaliste qui compte plus d’un million d’adhérents.
L’UGT d’obédience socialiste est presque aussi importante et une bonne partie de ses militants est très proches des positions et des pratiques de la CNT (le Parti communiste est pratiquement inexistant avec ses quelque trente mille adhérents).
Ces deux organisations ont un projet de bouleversement des structures économiques et sociales, ce en quoi elles sont effectivement révolutionnaires.
Elles portent leur projet depuis des années, depuis pratiquement le milieu du XIXe siècle et l’entretiennent, ce projet, depuis le début du XXe par ce que Garcia Oliver, militant libertaire et futur ministre de la Justice en 1937, appelait la « gimnasia revolucionaria ».
« La guerre d’abord, la révolution plus tard »
Pour ce qui concerne la CNT, le projet de société est mis noir sur blanc lors du Congrès de Saragosse de mai 1936 par des militants qui non seulement sentent qu’il va « se passer quelque chose » mais qui s’y préparent attentivement.
Et c’est cette préparation et ce projet élaboré dans le détail qui permettent au peuple (en effet, à cette multitude qui se constitue en peuple par son intervention dans l’Histoire), particulièrement en Catalogne de vaincre les militaires dans un premier temps puis, sans délais, de mettre en œuvre la collectivisation des terres en Aragon et l’autogestion des entreprises un peu partout. Il s’agit bien là, en effet d’une révolution.
Ne comprend-on pas alors pourquoi les démocraties européennes signèrent le pacte honteux ? Il n’est pas inutile de rappeler ici que le Parti communiste d’Espagne (PCE) n’eut de cesse lui aussi, sous les injonctions de Moscou, de s’opposer aux projets révolutionnaires (« La guerre d’abord, la révolution plus tard », disait-il, voir Orwell entre autres).
Mais alors quand, en ce moment même, la « coalition internationale », après avoir bien hésité tout de même, entre en action (ce qui est heureux pour les Libyens évidemment) pour chasser le dictateur, est-il vraiment pertinent d’en appeler à la révolution espagnole de 1936 ? Je ne le crois pas.
Quant à la mansuétude avec laquelle Jean-Luc Mélenchon traite un autre colonel, Hugo Chavez, qui lui aussi a mis sa famille au pouvoir… Bon.
Nestor Romero est l’auteur de plusieurs livres, sur l’éducation et sur la guerre et la révolution en Espagne (1936-1939).
Messages
1. Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936), 23 mars 2011, 10:02, par Vrai COCO
je voterai pas pour cet ex-sénateur socialiste, ancien sous-ministre, et désormais pro-colonisateur ni pour son parti croupion !
2. Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936), 23 mars 2011, 10:06
Suite au crash du F15 americain ,une operation commando a été organisé pour recupérer les 2 pilotes. Un groupe de villageois Lybien s’est alors approché pour clamer toute leur admiration beulante aux ricains, ceux ci ont ouvert le feu sur les villageois désarmés. Il y a 6 blessés grièvement, dont un enfant qui a du etre amputé d’une jambe. http://www.dailymail.co.uk/news/art...
3. Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936), 23 mars 2011, 10:27
Comme quoi, même quand on partage son attitude devant le pb libyen, on peut critiquer JLM.....
4. Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936), 23 mars 2011, 11:49, par kounet
Comparer 1936 à la lybie me semble historiquement hasardeux .
Laissons les peuples se libérer seuls, ils savent faire quand la coupe est pleine .
Chez nous avec le gavage médiatique et les syndicats signataires, la coupe est encore à moitié pleine !
Ecoutez le discours de Chavez avant de critiquer et ne le comparez pas aux fous , on aimerait un vrai Chavez ici !
1. Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936), 12 juin 2011, 18:55, par stephanie
Tout à fait ! de plus Chavez a bien ete elu et reelu democratiquement, on se souvient d’ailleurs que c’est son peuple qui l’a supporté au moment du coup d’etat qui avait eclaté contre lui.... alors franchement le commentaire final de Monsieur Romero tombe comme un poil sur la soupe, pour reprendre son expression, je le trouve quelque peu douteux... dommage j’adherais à tout le reste.
5. Le parallèle douteux de Mélenchon entre Libye et Espagne (1936), 23 mars 2011, 14:12, par Brutus
Je n’ai rien contre Mélenchon, mais les approximations et contre-vérités figurant dans son discours sont consternantes : prallèle douteux avec la guerre d’Espagne, ignorance totale du rôle de l’ONU dans les précédentes guerres déclenchées par les "occidentaux", ...Est ce que lui aussi nous prend pour des imbéciles ?