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Le programme de « restitution » illégal et secret des États-Unis

Publie le vendredi 7 avril 2006 par Open-Publishing
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« Les États-Unis n’ont transporté personne, et ne transporteront personne, vers un pays où nous pensons que quelqu’un sera torturé. Les États-Unis n’utilisent l’espace aérien ou les aéroports d’aucun pays dans le but de transporter un détenu vers un pays où il ou elle sera torturé. » Condoleezza Rice, secrétaire d’État des États-Unis, le 5 décembre 2005.

« Jamais, jamais je n’aurais pensé qu’un jour, les Américains me feraient traverser la moitié de la planète pour que je sois torturé dans un lieu où je n’avais jamais été : le Maroc. » Benyam Mohammed al Habashi, résident du Royaume-Uni/ressortissant éthiopien, arrêté au Pakistan, actuellement détenu à Guantánamo.

Salah Ali Qaru est finalement sorti libre de détention ce 27 mars vers minuit. En presque trois ans, ce Yéménite âgé de vingt-sept ans a été torturé en Jordanie, transporté par avion de pays à pays, détenu pendant plus d’un an dans un lieu inconnu, et interdit d’accès au monde extérieur.
Salah Ali Qaru est devenu l’une des centaines de personnes, selon une estimation probable, prises au piège du programme de « restitution » secret et illégal des États-Unis. La CIA a utilisé des opérateurs aériens privés et des sociétés vitrines pour préserver le secret de ses vols de restitution, mais presque 1 000 vols ont été identifiés comme directement liés à la CIA.

Salah Ali Qaru a ensuite été expédié par avion de son site secret de détention jusqu’au Yémen, où il a été détenu pendant plus de neuf mois sans inculpation, avant d’être inculpé de falsification de documents puis relâché. Il n’a jamais été inculpé d’infraction liée au terrorisme.

Sa vie est détruite. Il a été traumatisé par son épreuve. Il a une fille de deux ans, qu’il n’a jamais vue. Sa femme vit dans la pauvreté en Indonésie, ignorant l’endroit où il se trouvait pendant la plus grande partie de sa détention. Salah Ali Qaru ignore s’il aura l’argent ou la permission de retrouver sa femme et son enfant en Indonésie.

L’histoire de Salah Qaru et de ses compatriotes Muhammad Bashmilah et Muhammad al Assad, également détenus dans le même lieu secret, figure dans les quelques cas connus. Le sort de centaines d’autres personnes, probablement, reste un secret absolu. Les « restitutions » impliquent le transfert de personnes d’un pays à un autre, d’une manière qui contourne toute la procédure judiciaire et administrative.

Le programme de « restitution » livre des personnes aux États-Unis : à Guantánamo, dans des centres de détention d’Irak et d’Afghanistan, ou dans des locaux secrets de la CIA (les « sites noirs ») partout dans le monde. Cependant, la « restitution » est généralement utilisée pour transporter des personnes vers des pays tiers, notamment ceux où elles risquent d’être torturées ou maltraitées.

Des responsables gouvernementaux présentent parfois la « restitution » comme un moyen efficace de transporter des suspects de terrorisme d’un endroit à l’autre, sans formalités excessives. Ces soi-disant formalités sont le droit international. Le droit international qui interdit l’envoi de personnes vers des pays où elles courent le risque d’être torturées, le droit international contre les arrestations arbitraires ou les détentions sans inculpation ni procès, le droit international contre les disparitions forcées.

Les protestations de l’administration des États-Unis, qui affirme ne rien faire d’illégal, sont démenties par le secret absolu qui entoure ce programme. La secrétaire d’État des États-Unis a déclaré que, si nécessaire, les États-Unis demandaient des assurances pour que les personnes transférées ne soient pas torturées. Si la pratique de la torture et des mauvais traitements en détention est tellement répandue que les États-Unis doivent demander à l’État récepteur d’assurer qu’il ne se comportera pas comme il le fait d’habitude, alors le risque est manifestement trop grand pour permettre un transfert.

Toute société impliquée dans ces opérations clandestines, comme Richmor Aviation qui aurait loué un avion Gulfstream V pour des « restitutions », risque de se rendre complice d’atteintes aux droits humains. Selon les plans de vol, l’avion de Richmor Aviation a transporté en 2003 le citoyen italien Abu Omar de la base militaire des États-Unis de Rammstein (Allemagne) au Caire, en Égypte. Abu Omar reste en détention au secret, peut-être en Égypte.

Les opérateurs aériens et les agents de location privés doivent prendre toutes les mesures pour ne pas louer des avions susceptibles de servir à des « restitutions ».
Le programme de « restitution » des États-Unis doit cesser, et tous les gouvernements doivent interdire le transfert de toute personne vers des lieux où elle risque la torture ou les mauvais traitements. Tous les gouvernements doivent faire en sorte que leurs aéroports et espaces aériens ne soient pas utilisés pour des « restitutions ».

Toutes les personnes détenues dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme » doivent être protégées de la torture et des mauvais traitements, inculpées et jugées dans le cadre d’un procès équitable, ou libérées.
Amnesty International

 www.20six.fr/basta

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