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Le rejet (bis)
Il y a eu le 29 mai en France. Il y a désormais le 18 septembre en Allemagne. Les conditions nationales diffèrent. Mais à moins de quatre mois d’intervalle, un même rejet s’exprime. A ceux qui s’inquiétaient de l’avenir de « l’axe franco-allemand », une réponse claire a été apportée : des deux côtés du Rhin, un même rejet sans appel des politiques de démantèlement social dictées par l’Union européenne et relayées par les gouvernements à son service.
Président de l’Union européenne, Manuel Barroso s’inquiète : « J’espère que dès que possible l’Allemagne se dotera d’un gouvernement stable. » L’agence de presse AP, qui rapporte ces propos, précise : « José Manuel Barroso et le Premier ministre britannique, qui assure actuellement la présidence tournante de l’Union européenne, sont soucieux de réformer les systèmes sociaux, réduire les administrations. »
Précisément, c’est cela qui a été rejeté ce 18 septembre : ce que l’on appelle abusivement les « réformes », et qui sont en réalité les contre-réformes dictées par Bruxelles.
« Nous avons une population hostile aux réformes », regrette, au lendemain de l’élection, Thomas Mayer, responsable de l’économie à la Deutsche Bank.
Même regret pour Jürgen Thumann, président de la fédération patronale allemande BDI : « Du point de vue du monde des affaires, nous sommes extrêmement déçus. L’Allemagne sera plus difficile à gouverner. »
Patrons allemands comme commentateurs officiels reconnaissent au gouvernement sortant de Schröder le grand mérite d’avoir entrepris les contre-réformes exigées : « Il a réduit les impôts et les allocations chômage, et mis à l’ordre du jour le recul de l’âge de départ à la retraite », se félicite le Financial Times, qui ajoute : « L’industrie a été vigoureusement restructurée depuis dix ans grâce aux délocalisations et à la liquidation de secteurs non essentiels des entreprises (...). En Allemagne même, les coûts du travail ont été réduits, au point qu’ils atteignent maintenant le niveau du début des années 1990, avant le boom post-unification. »
C’est un fait : cette politique du gouvernement sortant est une politique de misère, de chômage et de déchéance pour la classe ouvrière allemande. C’est contre cette politique de Schröder, que Merkel voulait poursuivre et aggraver, que s’est dressé le vote du 18 septembre, empruntant en particulier le bulletin SPD pour s’exprimer.
L’International Herald Tribune le reconnaît : « Schröder a vraiment engagé des réformes économiques depuis trente mois. Son Agenda 2010, qui visait à instaurer un marché du travail plus flexible, était ouvertement soutenu par Merkel, mais s’est heurté à l’opposition de l’aile dure traditionnelle des sociaux-démocrates. »
L’International Herald Tribune précise : si « Merkel et Schröder ont souligné qu’ils avaient travaillé ensemble sur plusieurs réformes et peuvent trouver un consensus pour former une grande coalition », il n’en reste pas moins que « et Merkel et Schröder sortent affaiblis du scrutin de dimanche ».
« Au-delà de toutes les spéculations, ce qui est clair, c’est que l’opinion publique n’est prête pour aucune des grandes réformes, pas plus qu’elle n’est disposée à voir un chancelier quel qu’il soit démanteler l’Etat social si cher au cœur des Allemands », commente l’International Herald Tribune, qui donne la parole à un responsable politique : « Même les chrétiens-démocrates ne sont pas prêts aux réformes, peut-être les Allemands dans leur ensemble n’y sont pas prêts non plus. »
Et peut-être pas seulement les Allemands... (1).
Daniel Gluckstein
(1) Au moment où le gouvernement français et son ministre Larcher prétendent imposer le honteux système de sanctions contre les chômeurs, ne devraient-ils pas méditer sur ce que vient de provoquer outre-Rhin l’application du tristement célèbre plan Hartz-IV, dont ils se sont inspirés (lire page 2 l’ensemble de nos informations) ?