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Le syndrome post-Arafat

Publie le mercredi 7 septembre 2005 par Open-Publishing

Le Fatah, qui est de fait le parti dominant dans l’Autorité Palestinienne (AP) et le courant dominant dans l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) continue de souffrir de ce que les observateurs appellent « le syndrome post-Arafat ». Yasser Araft, le leader charismatique décédé en Novembre après une rapide maladie, jouait le rôle « d’adhésif » qui maintenait le mouvement intact en l’empêchant de se dissoudre et de sombrer dans le chaos. Depuis la mort d’Arafat, beaucoup de problèmes qui étaient durant son règne à l’état dormant refont maintenant surface.

Le Fatah a dépassé, ou plutôt contenu, avec succès la période qui a directement suivi la mort d’Arafat lorsqu’il a nommé unanimement Mahmud Abbas - Abu Mazen - comme étant son seul candidat à la présidence de l’AP. Il est devenu évident que la nomination puis l’élection qui a suivi d’Abbas en janvier était « un accord en forme de compromis » dont l’objectif était avant tout de prévenir une crise sérieuse, plutôt que l’expression d’une véritable unité des différents courants dans le mouvement.

On peut en effet affirmer sans risque que beaucoup de problèmes auxquels est confronté le Fatah proviennent de l’imprécision des compromis réalisés à la hâte après la mort d’Arafat. Il a alors été convenu que Farouk Qaddumi, responsable du département Politique de l’OLP, soit nommé à la tête du Comité Central du Fatah, l’organe de décision le plus élevé du mouvement. Qaddumi, un co-fondateur du Fatahet vivant à Tunis, a interprété la décision comme impliquant une division du pouvoir entre « l’intérieur » et la « Diaspora » à travers laquelle il contrôle le Fatah, et donc aussi l’OLP, alors que Abbas dirige l’AP.

Il s’agit de bien plus qu’une simple question de terminologie. L’AP est supposée être inféodée et tenue de rendre des comptes à l’OLP, le seul représentant légitime du peuple Palestinien, et le responsable de l’OLP, quel qu’il soit, est supposé être « le Président de Palestine » du fait qu’il est le dirigeant principal de l’OLP et non le « président de l’AP ». Plus tôt dans le mois, le Comité Exécutif du Fatah s’est réuni en session d’urgence à Gaza pour débattre de la crise interne à laquelle le mouvement se trouve confronté. Le comité a décidé que Qaddumi n’était pas « le chef du Fatah » ou le « président du Fatah », en arguant du fait qu’il n’y avait rien de tel dans le règlement interne du Fatah. La décision a été prise quelques jours après que Qaddumi ait fait démissionner du Fatah tous les personnels exécutants ou officiels de la « Preventive Security Force (PSF) » à Gaza, y compris le responsable de l’agence, Rashid Abu Ishbak.

Qaddumi s’est lancé dans cette opération après que des agents de la PSF, agissant sur ordre du Ministre de la Sécurité de l’AP, Nasser Youssef, aient investi son bureau au centre de Gaza et aient arrêté Suleiman Al-Farra, un de ses plus loyaux supporters. Qaddumi a interprété l’assaut donné à son bureau comme une grave tentative de la part de la direction de l’AP de l’affaiblir personnellement aussi bien que l’ensemble de la direction palestinienne à l’étranger.

Réagissant à l’agression, quelques éléments armés connus pour leur sympathie vis-à-vis de Qaddumi, ont alors kidnappé un journaliste-photographe français d’origine algérienne, le tenant en otage plusieurs jours dans le but évident de faire pression sur l’AP pour que soit relâché Al-Farra. Le journaliste a été libéré par la suite, apparemment après que que l’AP ait promis de rendre sa liberté à Al-Farra.

Qaddumi a aussi protesté contre tous les empiètements faits au détriment de son autorité par le Ministre des Affaires Etrangères de l’AP, Nasser Al-Qidwa. Le mois dernier, Al-Qidwa a organisé une rencontre des ambassadeurs Palestiniens du monde entier, durant laquelle de nouveaux ambassadeurs ont été nommés alors que d’autres ont été remerciés. Qaddumi a argumenté avec véhémence sur le fait que c’était lui « le Ministre des Affaires Etrangères de Palestine » et que Al-Qidwa n’avait aucun droit à agir comme il l’avait fait sans le consulter au préalable.

L’AP a tranquillement ignoré les protestations de Qaddumi, un officiel disant même que Qaddumi « était détaché des réalités » et « ne comprenait pas que le centre de gravité de la Palestine avait quitté depuis longtemps Tunis au profit de la Cisjordanie ». Qaddumi a fait part de son souhait de se déplacer à Gaza après qu’Israël ait terminé son redéploiment hors de la Bande de Gaza. Il est cependant loin d’être sûr que ce déménagement [vers Gaza] mettrait un terme aux frictions internes au Fatah ; il pourrait au contraire renforcer « la guerre des clans » à l’intérieur du mouvement.

Qaddumi, âgé de 72 ans, s’était opposé aux accords d’Oslo et avait refusé d’aller s’établir en Cisjordanie, disant qu’ainsi, au contraire de l’AP, il pourrait rester indépendant des pressions et intimidations israéliennes. Le mois dernier, Qaddumi a signalé son intention de créer « une armée populaire » de centaines de milliers de soldats à qui serait confiée la mission « de protéger le projet national ». Cette idée a été rejetée par la direction de l’AP, celle-ci disant qu’il ne pouvait y avoir « qu’une seule autorité » et « qu’une seule arme ».

Les divisions à l’intérieur du Fatah, principales raisons de l’ajournement des élections au Conseil Législatif Palestinien prévues initialement le 17 juillet, devraient dominer le Congrès Général du Fatah qui pourrait se tenir avant la fin de cette année. En effet, si le mouvement échoue à remettre de l’ordre dans ses rangs, il sortira considérablement affaibli du scrutin du 27 janvier 2006, date prévue pour ces élections.

Dans tous les cas, le Hamas, principal rival du Fatah, observera de près le comportement du Fatah en cette période cruciale précédant les élections.

Al Jazeera, 3 septembre 2005 - Khalid Amayreh

Version originale : http://weekly.ahram.org.eg/2005/758/re1.htm

Version française : http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=1439

Traduction : Claude Zurbach
http://www.aloufok.net