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A la suite de la nième "bavure" de la soldatesque américanotanesque qui aurait fait quelques 90 victimes civiles, le gouvernement Afghan, qui ne brille pourtant pas pour son audace, a adopté ce Lundi 25/08 une résolution demandant l’ouverture de négociations avec les forces internationales portant sur 3 points :
1°- Renégocier les termes de la présence de la communauté internationale sur la base d’un accord mutuel.
2° - Etablir les limites et les responsabilités des forces internationales conformément aux lois afghanes et internationales.
3° - Mettre un terme aux frappes aériennes visant des civils, aux perquisitions et aux détentions illégales de citoyens Afghans.
On serait heureux d’apprendre que quelques députés Français s’occupent de demander au gouvernement de sa majesté des précisions sur les conditions d’intervention de nos troupes en Afghanistan. A la lecture des points 2 et 3 on peut en effet craindre que la France opère en dehors de tout cadre légal et soit complice d’exactions particulièrement graves contre les populations locales. Il y va de la crédibilité de la prétendue "patrie des droits de l’homme".
Qui préfère manifestement dénoncer la barbarie des troupes Chinoises ou Russes plutôt que de balayer devant sa propre porte.
Messages
1. Les Afghans en ont marre., 25 août 2008, 22:14
Ecrivain, géostratège, spécialiste des « Guerres irrégulières » (édition Folio Actuel), Gérard Chaliand passe plusieurs mois par an en Afghanistan, notamment pour le Center for Conflict and Peace Studies (CAPS), un centre d’études qu’il a contribué à mettre en place, à Kaboul, avec des chercheurs afghans.
Le Monde : Au vu des revers enregistrés en Afghanistan, Barack Obama et John McCain, les deux candidats à la Maison Blanche, sont d’accord pour faire de ce pays le centre de la « guerre contre le terrorisme » et y envoyer des renforts en 2009. Vous qui rentrez de Kandahar, pensez-vous que huit ou dix mille soldats supplémentaires changeront la situation ?
Gérard Chaliand : Non. La victoire est impossible en Afghanistan. Avec les renforts annoncés, il y aura environ 80 000 soldats de l’OTAN sur place. Cela ne permet pas de contrôler le terrain. Nous sommes dans une impasse militaire. Dans ce pays, grand comme une fois et quart la France avec un relief incomparablement plus difficile, il aurait fallu envoyer davantage d’hommes et surtout contribuer activement à améliorer les conditions économiques dans les campagnes. Aujourd’hui, il faut essayer de négocier. Il n’y a pas d’autre issue. Les talibans ne peuvent pas gagner la guerre contre l’OTAN, mais l’OTAN est tout aussi incapable de les éradiquer. Hors de Kaboul et de quelques grandes villes, ce sont les talibans qui contrôlent les pouvoirs locaux, et non les soldats étrangers, le plus souvent barricadés dans leurs fortins. Dans le sud et l’est du pays, les talibans ont réussi, avec le soutien d’une grosse partie des populations locales, à instaurer une infrastructure politique, des hiérarchies parallèles, qui sont le pouvoir réel. Or l’expérience montre que lorsque c’est l’adversaire qui l’exerce, la guerre est perdue.
Le Monde : Comment en est-on arrivé là ?
Gérard Chaliand : Les talibans ont rempli le vide laissé entre 2002 et 2004, lorsque les 15 000 GI qui étaient là s’occupaient essentiellement de traquer Ben Laden, que les autres forces internationales restaient concentrées à Kaboul et que rien n’était fait pour les populations paysannes, notamment au sud et à l’est (régions pachtounes) qui sont pourtant les clés du pays. L’aide internationale au développement, dirigée essentiellement sur Kaboul, représente moins de 10 % des dons versés. Les équipes de reconstruction dans les provinces représentent moins de dix mille hommes pour une population de 20 millions de ruraux ! Contrairement à une idée reçue, les talibans ont une meilleure compréhension de ce qui est stratégiquement important. Ils ont compris que le centre de gravité du conflit est la sensibilité de l’opinion occidentale qu’il faut frapper en tuant des soldats de l’OTAN, de préférence américains. Notre refus d’encaisser les pertes est notoire.
Le Monde : Mais l’OTAN forme aussi une police et une armée afghanes, non ?
Gérard Chaliand : Elle compte à peine 58 000 hommes encore mal équipés. Au total, il est prévu d’en former 80 000. Il en faudrait le double. Quant à la police, comme le reste de l’administration, elle est corrompue. Comment ne le serait-elle pas ? Ils sont payés 75 dollars par mois alors qu’il faut le double pour nourrir une famille moyenne. Alors ils rançonnent la population. Il faudrait commencer par punir la corruption à haut niveau. Or elle ne l’est pas. A l’abri du pouvoir, certains s’enrichissent de façon considérable. Tout cela fait le jeu des talibans. Leur discours nationaliste, anti-occupants, et anti-corruption leur gagne des adeptes.
Si vous ajoutez à cela la multiplication des bavures militaires qui tuent beaucoup de civils parce que, faute de soldats suffisants et par souci compréhensible de ménager leurs hommes, les Américains préfèrent bombarder, quitte à provoquer des dommages collatéraux…
Le Monde : Le Pentagone fait savoir que le nombre de djihadistes étrangers pour renforcer Al-Qaida constitue un problème grandissant.
Gérard Chaliand : Ce n’est pas Al-Qaida ni les combattants étrangers qui mènent l’insurrection. C’est une affaire pachtoune (majoritaire en Afghanistan, la tribu pachtoune compte aussi plus de quinze millions de membres au Pakistan). Même s’ils reçoivent sans doute une aide logistique pakistanaise parce que l’intérêt du Pakistan est que le pays ne tombe pas sous l’influence de l’Inde, les Pachtouns se battent d’abord pour eux-mêmes.
Le Monde : Mais si tout est perdu, pourquoi l’OTAN reste-t-elle engagée en Afghanistan ?
Gérard Chaliand : Tout n’est pas perdu puisque les talibans ne peuvent l’emporter militairement. Mais tout reste à faire politiquement, administrativement et économiquement. Au début, il fallait « nettoyer » le sanctuaire d’Al-Qaida, qui est maintenant extrêmement affaibli et qui existe surtout sous forme d’instrument de propagande. A présent, nous y restons parce que nous y sommes… Il y a aussi des raisons stratégiques. Le Pakistan voisin, avec 150 millions d’habitants et l’arme nucléaire, même si celle-ci est et sera de plus en plus sécurisée, est l’épicentre de la crise. L’OTAN est en Afghanistan parce que cela permet d’être présents à l’est et à l’ouest de l’Iran, et aux portes de l’Asie centrale. Ce qui est probable c’est que d’ici trois ou quatre ans, le prochain président des États-Unis se fatigue d’un conflit qui piétine.
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2008/07/21/la-victoire-de-l-otan-en-afghanistan-est-impossible_1075405_3216.html
2. Les Afghans en ont marre., 26 août 2008, 09:03
Il n’y a pas que les Afghans qui en ont marre ,vers un retournement strategique qui prend de vitesse les
strateges en chambre ;
La Russie invite la crise afghane dans notre grande crise
26/08/2008 - Bloc-Notes
Le domaine de la crise géorgienne ne cesse de s’étendre, confirmant sa puissance et son importance, et son caractère de crise centrale. Cette crise centrale affecte désormais directement, ou absorbe la crise afghane, avec des déclarations de l’ambassadeur russe en Afghanistan faites au Times de Londres aujourd’hui. Les Russes n’ont pas perdu de temps : ils mettent directement en cause l’accord d’avril dernier entre la Russie et l’OTAN pour le transit par la Russie de ravitaillements et d’équipements de l’OTAN destinés à l’Afghanistan.
« Zamir Kabulov, the Russian Ambassador to Afghanistan, told The Times in an interview that he believed the deal was no longer valid because Russia suspended military cooperation with Nato last week over its support for Georgia. Asked if the move by Russia invalidated the agreement, he said : “Of course. Why not ? If there is a suspension of military cooperation, this is military cooperation.”
»Mr Kabulov also suggested that the stand-off over Georgia could lead Russia to review agreements allowing Nato members to use Russian airspace and to maintain bases in the former Soviet Central Asian states of Uzbekistan, Kyrgyzstan and Tajikistan. “No one with common sense can expect to cooperate with Russia in one part of the world while acting against it in another,” he said.
»His remarks are likely to alarm Nato commanders because the Taleban have been targeting the supply routes of the alliance this year, mimicking tactics used against the British in 1841 and the Soviet Union two decades ago. Nato imports about 70 per cent of its food, fuel, water and equipment from Pakistan via the Khyber Pass, and flies in much of the rest through Russian airspace via bases in Central Asia. It has not started using the “northern corridor” because the deal – covering nonmilitary supplies and nonlethal military equipment – has yet to be cleared with the Central Asian states involved.
»The need for an alternative route was highlighted by recent attacks on Nato supply convoys, including one that destroyed 36 fuel tankers in a northwestern Pakistani border town in March. Four US helicopter engines worth $13 million (£7 million) went missing on the way from Kabul to Pakistan in April. Last week militants killed ten French soldiers on the same route 30 miles from Kabul. »
Cette idée de rupture de la ligne d’approvisionnement de l’Afghanistan par la Russie est aussi présente dans un excellent article de commentaire d’Anatol Lieven, dans le même Times du même jour. Lieven écrit son article du Pakistan, où il se trouve en visite, où la coalition au pouvoir vient d’éclater, ajoutant le cas de l’instabilité de la direction politique après le départ de Musharaf à l’instabilité tout court du pays : « Moscow has reminded Nato of the importance of Russian goodwill to secure the supply lines of the US-Nato operation in Afghanistan through Central Asia. Alternatively, Nato can become wholly dependent on routes through Pakistan. From where I am sitting, that does not look like a very good move - and where I am sitting at this moment is a hotel room in Peshawar, Pakistan. »
Ces interventions officialisent effectivement l’évidence, depuis le début de la crise géorgienne. La crise en Afghanistan est désormais liée à la crise centrale qui a éclaté avec la Géorgie et elle doit désormais être considérée dans ses rapports avec l’“arc de crise” du Nord (Europe, OTAN, Russie) beaucoup plus que dans ses rapports avec “l’arc de crise” du Sud qui va du Soudan au Pakistan. Hier, les services techniques de l’OTAN s’étaient réunis, sans optimisme excessif, pour examiner la situation en Afghanistan à la lumière des menaces pesant sur ce ravitaillement vers l’Afghanistan par la Russie.
Cette menace se concrétise, contre laquelle l’OTAN ne peut pas grand chose ; si elle a signé cet accord avec la Russie, c’est qu’elle en a besoin, dépendant d’une quantité énorme de soutien logistique pour sa guerre en Afghanistan et ayant déjà épuisé toutes les voies naturelles mais souvent incertaines pour le faire transiter. La menace de l’ambassadeur russe met encore plus en évidence la complexité considérable de cette crise où les apparences sont très vite trompeuses, surtout lorsqu’elles se nourrissent à la dialectique virtualiste qui est notre principale activité cérébrale. L’argument occidental que la Russie s’isole avec la crise géorgienne et qu’elle a peu d’atouts dans cette crise, outre qu’il est très fortement contestable de l’aveu même des Occidentaux quand ils consentent à penser hors de leur infernale propagande, l’est stratégiquement encore plus quand on considère cette affaire.
Les déclarations de l’ambassadeur russe renforcent un constat désormais essentiel. La crise de l’Afghanistan, de bourbier périphérique qu’elle était devient une crise directement connectée à l’OTAN et à l’Europe, qui affecte donc désormais directement la stabilité de cet ensemble. Singulier résultat stratégique pour l’Ouest, belle perspective politique et psychologique alors que l’impopularité de la guerre est avérée dans les populations des pays européens qui y participent. Lieven recommande au ministre britannique Milibrand qui va en Ukraine, la prudence et la mesure, au nom du principe de Lord Salisbury, grand secrétaire au Foreign Office du siècle de l’Empire britannique : « Don’t pick a fight you can’t finish » (“N’engagez pas une bataille que vous ne pouvez gagner”). Mais l’Ouest est prisonnière de sa “stratégie”, qui n’est autre qu’un emprisonnement complet dans une dialectique virtualiste de moralisation humanitariste, nécessairement radicale et motrice d’une “montée aux extrêmes” totalement nihiliste. Lorsque BHL remplace à la fois Clausewitz et Lord Salisbury, la stratégie se réduit aux slogans publicitaires du domaine des salons. C’est un peu léger.
Mis en ligne le 26 août 2008 à 06H06
http://www.dedefensa.org/article-la_russie_invite_la_crise_afghane_dans_notre_grande_crise.html