Accueil > Les banques aux Etats-Unis : un très mauvais climat.

Les banques aux Etats-Unis : un très mauvais climat.

Publie le mardi 21 juillet 2009 par Open-Publishing
3 commentaires

Son nom est le Borowitz Report et son édition du 16 juillet s’intitule Goldman Sachs en pourparlers en vue d’acheter le Département du Trésor (le Ministère des Finances américain).

Dans ce rapport, Borowitz explique l’offre de Goldman Sachs comme faisant partie d’un effort de rationalisation : « Nous avons déjà tant d’employés en commun ! » Et le porte-parole de la firme Goldman Sachs ajoute : « Le plus difficile pour nous en ce moment, c’est de déterminer la partie que nous ne possédons pas encore ! »

C’est une plaisanterie bien entendu, mais ce genre de plaisanteries fleurissent en ce moment aux États-Unis. Certains plaisantent, d’autres se fâchent, comme Matt Taibbi dans son article devenu fameux dans Rolling Stone Magazine, d’autres encore s’énervent, se départissent, comme on dit, de leur flegme légendaire, comme Paul Krugman.

Un petit rappel : un extrait de The Great American Bubble Machine, l’article de Matt Taibbi publié dans le numéro de juillet 2009 de Rolling Stone :

« … et que rendit en échange Goldman Sachs au peuple des États-Unis en 2008 ?
Quatorze millions de dollars.
Voilà ce que la firme Goldman Sachs a payé en taxes en 2008, un taux d’imposition effectif d’exactement, oui : vous lisez bien, 1 %. La banque a versé la même année dix milliards de dollars en rémunérations et privilèges et déclaré un profit de deux milliards de dollars – et elle a pourtant payé au fisc moins d’un tiers de la somme qu’elle a déversé cette année-là sur son P-DG Lloyd Blankfein, qui récolta 42,9 millions de dollars.
[…] Voilà le monde où nous vivons aujourd’hui. Et dans ce monde, certains sont obligés de suivre les règles tandis que d’autres reçoivent une note du surveillant-général les dispensant de devoirs jusqu’à la fin des temps, avec en cadeau, dix milliards de dollars dans une enveloppe en papier kraft pour avoir de quoi s’acheter à déjeuner ».

Un extrait maintenant de l’éditorial de Paul Krugman publié le 17 juillet dans le New York Times et intitulé The Joy of Sachs (un jeu de mots sur le titre d’un livre – illustré – qui fit scandale en 1972 : « The Joy of Sex ») :

« … Goldman a fait ses bénéfices en nous prenant nous, nous les autres, pour des imbéciles.
Et Wall Street y trouve un encouragement à perpétuer ce genre de petits jeux.
Les bonus gigantesques que Goldman Sachs s’apprête à distribuer prouvent que les vedettes de l’industrie financière opèrent toujours de la même manière : pile, ils gagnent, face, les autres perdent ».

Tout cela crée un très mauvais climat.

Cela signifie la chose suivante : cela signifie que le peuple américain, dont on imaginait que son admiration pour la réussite financière ne se démentirait jamais, n’apprécie en réalité plus guère le genre de fanfaronnades consistant pour Goldman Sachs à annoncer triomphalement que ses employés gagneront 642.000 dollars en moyenne en 2009, dans un pays où le taux de chômage frise les 10 %, non pas que le fossé entre les privilégiés et les autres se soit trop creusé – des écarts énormes entre nantis et « sous-privilégiés » (underprivileged) n’ont jamais constitué dans ce pays un obstacle insurmontable à l’identification du gagne-petit au multimillionnaire – mais du fait que la réussite du milieu financier n’apparait plus aujourd’hui fondée sur l’effort, mais uniquement sur l’artifice : trop de brume artificielle cette fois-ci, beaucoup trop d’effets de miroir…

Bien sûr, des îlots de prospérité se recréent, grâce aux commissions colossales que génère la liquidation de l’ancien système à l’agonie, primes touchées par ceux qui furent responsables de sa perte, et qui apparaissent encore une fois récompensés – contre toute logique et contre toute justice.

La fin sans gloire d’une classe corrompue, tuée par ses propres excès est un spectacle affligeant. Mais que dire d’autre ? Et surtout, pourquoi s’énerver ?

http://www.pauljorion.com/blog/?p=3841

Messages