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Les chômeurs de Macédoine sont prêts à prendre tous les risques en Irak
Publie le lundi 13 septembre 2004 par Open-PublishingDe jeunes Macédoniens partent en Irak pour fuir le chômage. Ils sont
prêts à courir tous les risques pour le salaire de 1500 dollars promis
par les sociétés de construction établies dans les Émirats arabes unis,
alors que trois Macédoniens ont déjà été enlevés à la fin du mois d’août.
La majorité des candidats à l’expatriation viennent de Kumanovo.
Par Miomir Serafinovic et Maja Jovanovs
Il semble bien que trois ouvriers de chantier macédoniens ont été
enlevés près de Bagdad, mais cela ne freine pas les centaines de leurs
compatriotes dans le besoin qui s’engagent pour des tâches similaires en
Irak.
Les autorités macédoniennes s’efforcent de retrouver ces trois hommes -
qui sont originaires de la ville de Kumanovo, au nord-ouest de la
Macédoine, et qui ont disparu le 23 août. Selon des rapports non
confirmés, ils auraient été faits prisonniers par un gang de criminels,
qui exige maintenant 300 000 dollars américains de rançon pour leur
libération.
L’opinion publique macédonienne a été horrifiée, mais cela n’a pas
dissuadé les nombreux jeunes au chômage de rechercher du travail
grassement payé en Irak.
Saso habite Kumanovo, il a deux enfants et il explique ne pas voir
d’autre solution que de prendre un souscrire de six mois avec la société
de construction qui employait les trois Macédoniens qui manquent. Les
nouvelles de l’enlèvement supposé ne le font pas changer d’idées. « Il
me faut courir le risque, prendre cet emploi, sinon mes enfants n’auront
plus rien à manger », affirme-t-il en secouant les épaules.
Plus de 300 personnes se sont présentées pour 38 emplois auprès de la
société de construction des Émirats Arabes Unis, qui propose un salaire
mensuel de 1500 dollars - soit dix fois le salaire moyen en Macédoine.
La Macédoine est l’un des plus pauvres pays d’Europe, avec un taux de
chômage se situant autour de 40%. 25 000 des 85.000 habitants de
Kumanovo sont chômeurs, la majorité ayant moins de 35 ans.
Le gouvernement croit savoir que ce sont les habitants de Kumanovo qui
forment le plus gros des 500 travailleurs macédoniens qui travaillent
déjà en Irak. Une société américaine, qui a des bureaux dans la ville,
s’est beaucoup occupée du recrutement.
Le maire de Kumanovo, Slobodan Kovacevski, s’est inquiété de cette
tendance, mais il reconnaît comprendre ce qui pousse les hommes à
s’engager. « Au bout de six mois, ils reviennent avec de gros salaires,
et même s’ils ne trouvent pas de travail à leur retour, du moins ils ont
de l’argent pour vivre. Nous préfèrerions qu’ils ne courent pas de
danger, mais ils n’ont pas le choix ».
Les risques de cet engagement viennent de se révéler avec fracas. Des
nouvelles sur la disparition de Dragan Markovic, Zoran Naskovski et
Dalibor Lazarevski avaient été gardées secrètes pendant une semaine
après leur disparition, la mère du dernier affirmant que les familles
n’avaient été tenues au courant que par les médias.
Un représentant des employeurs, basés à Dubaï, est venu à Kumanovo, la
semaine dernière, pour parler aux familles. En même temps, le
gouvernement macédonien envoyait un représentant spécial à Bagdad pour
en savoir plus sur l’enlèvement.
Le peu d’information obtenu ne suggère pas que les ouvriers aient été
enlevés pour amener Skopje à retirer son personnel d’Irak. La Macédoine
a fourni une trentaine de soldats à la coalition conduite par les
Américains en Irak. « Pour l’instant nous n’avons pas confirmation
officielle de l’enlèvement, et par conséquent les trois travailleurs
sont toujours classés disparus », explique le porte-parole du ministère
macédonien des Affaires étrangères, Dusko Uzunov.
Mirce Dodevski, de Kumanovo, travaillait avec les hommes qui manquent.
Il fait partie des douze employés qui ont décidé de revenir à la maison
après leur disparition. Ce qui ne l’empêche pas d’envisager sérieusement
de repartir. « En Macédoine, il me faudrait plus de dix ans pour gagner
ce que je gagne en six mois à Bagdad ».
Toutefois, son ancien compagnon de travail Nikica Tomic explique
maintenant qu’il trouve que le coût humain est trop élevé, ajoutant : «
je ne repartirai jamais, quelque soit le salaire proposé. J’irai
volontiers travailler à l’étranger, mais pas en Irak ». En pleurs, la
mère de Dalibor Lazarevski affirme : « Nous savions bien que c’était
dangereux d’aller en Irak, en regardant les nouvelles et ce qui s’y
passait, il a ce pendant décidé d’y aller ».
Et en dépit de tous les dangers, beaucoup de chômeurs de Kumanovo voient
dans cette solution leur seule possibilité d’améliorer leur moyens de
survie. Saso ne veut pas discuter de l’enlèvement. Il se dit certain de
revenir sans problème. « Je refuse de penser à cette expatriation de
manière négative. Au bout du compte, beaucoup de gens l’ont fait et sont
revenus avec plein d’argent ».
Jovana, sa fille de sept ans, sait que son père va partir loin pour
gagner de l’argent pour la famille. Saso la serre contre lui avec fierté.
« Dès mon retour, je lui achèterai le plus beau sac de classe possible ».
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS
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