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Les escadrons de la mort ont échoué au Vietnam,mais laCIA estime qu’ils feront du bon boulot en Irak
Publie le samedi 8 mai 2004 par Open-PublishingL’opération Phoenix renaît des cendres de l’histoire.
Les escadrons de la mort ont échoué au Vietnam, mais la CIA estime
qu’ils feront du bon boulot en Irak.
Par : Nick Schou
Déjà sale, la guerre en Irak est en passe de l’être encore plus. Des
fonctionnaires américains ont commencé à recruter des anciens
officiers de l’infâme Mukhabarat, la police secrète de Saddam
Hussein, pour traquer la résistance qui combat les troupes
américaines en Irak.
D’après les associations de défense des droits de l’homme, le
Mukhabarat a
tué et torturé des dizaines de milliers de civils irakiens pendant le
règne brutal de Saddam. Pourtant, certaines sources indiquent que la
CIA a déjà commencé a verser des salaires à des douzaines de ces
anciens bourreaux, qui auraient eu un rôle dans l’arrestation de
Saddam et dans la traque de Syriens et Iraniens soupçonnés
d’espionnage en Irak.
Des anciens de la CIA ont comparé ce programme en Irak à l’opération
Phoenix, orchestrée par la CIA et responsable de la torture et de
l’assassinat de milliers de Sud Vietnamiens, la plupart innocents,
entre 1967 et 1970, la période la plus brutale de la guerre du
Vietnam.
"Ils sont clairement en train de préparer des équipes mixtes
destinées à un travail similaire à l’opération Phoenix, comme au
Vietnam" A déclaré Vincent Cannistraro, un ancien responsable à la
CIA de la lutte antiterroriste, dans un article du 4 Janvier
au "London Sunday Telegraph".
Ce ne sont pas des bonnes nouvelles, si d’aventure vous etes irakien,
ou si vous voulez que les USA gagnent la guerre. Pendant l’opération
Phoenix, la police sud-vietnamienne et les escadrons de la mort
dressaient des listes de personnes suspectées d’appartenir à la
guérilla ou d’avoir des sympathies communistes, et les agents de la
CIA et des forces spéciales supervisaient les tortures et les
assassinats. Un groupe nationaliste vietnamien d’extreme-droite, le
Vietnam Quoc Dan Dang (VNQDD) participait à l’élaboration de ces
listes dans le but d’éliminer ses divers adversaires politiques.
Préfigurant les horreurs auxquelles allaient succomber les victimes
des escadrons de la mort en Amérique Latine (1),les prisonniers de
l’opération Phoenix était torturés à l’électricité aux parties
génitales, tandis que les femmes était couramment violées, parfois à
l’aide d’objets. Une des techniques les plus infâmes consistait a
balancer d’un hélicoptère un prisonnier avec un bandeau sur les yeux
et de menacer du même sort le reste des passagers.
Comme Douglas Valentine le raconte dans son livre sur l’opération
Phoenix, cette dernière aurait été dévoilée pour la première fois en
1970 lorsqu’un groupe de jeunes étudiants sud-vietnamiens auraient
recrée les conditions de leur tourment dans les "cages à tigre".
"Les étudiants ont été jugés et condamnés par une cour militaire"
écrit Valentine. "certains étaient en état de choc et nourris par
perfusion. Certains avaient des morceaux de bambous introduits sous
les ongles. L’un d’entre eux était sourd à cause de l’eau savonneuse
versée dans ses oreilles. Les étudiantes avaient été torturées et
violées à la fois".
Après le spectacle de la cage à tigre, une délégation du congrès US
se rendit à Saigon et découvrit un camp militaire sud-vietnamien ou
de nombreuses cages à tigre étaient cachées sous des entassements de
bois.
"5 à 6 hommes étaient enchaînés au plancher de chaque cage", poursuit
Valentine. "Leurs jambes étaient blanchies et ils grouillaient comme
des crabes sur le sol, mendiant pour de la nourriture, de l’eau, de
la pitié. Certains pleuraient. D’autres parlaient des seaux de chaux,
prêts au-dessus de chaque cage, que l’on vidait sur eux".
"Au cours de toutes ces opérations, je n’ai jamais connu de
prisonniers qui ai survécu à ces interrogatoires",raconta devant le
congrès en 1971 Bart Osborn, un ancien agent de la CIA. "Ils
mourraient tous. En fait il n’y avait jamais de preuves valables que
ces individus avaient coopéré avec les communistes, mais la majorité
étaient soit torturés à mort, soit...jetés des hélicoptères."
Mais peut-être la pire publicité qui fut faite en lien avec
l’opération Phoenix, fut le massacre ,en mars 1968, de 504 civils sud
vietnamiens, la plupart des femmes, des enfants et des vieillards,
dans un petit village de la province de Quang Ngai,le village de My
Lai (2) . Le rôle exact de la CIA dans cette atrocité ne fut jamais
prouvé, mais comme le relate Valentine, des membres d’un des groupes
qui aidaient à l’opération Phoenix, le VNQDD, avaient visité My Lai
juste la veille du massacre.
De plus, un sergent qui avait été accusé de complicité dans le
massacre fit le nom d’un agent de la CIA qui aurait fourni à son
unité une liste de suspects communistes à assassiner à My Lai. Les
soldats impliqués dans le massacre affirmèrent également avoir reçu
du "renseignement" comme quoi les seules personnes qui seraient
présentes à My Lai le jour ou l’attaque devait avoir lieu étaient
des "guérilleros endurcis". Le journaliste du New York Times Seymour
Hersh, qui revela le massacre en 1970, expliqua que la liste noire
des suspects communistes à My Lai "fut grandement réduite" après le
massacre.
Cependant, au moment ou la lumière se faisait sur My Lai et
l’opération Phoenix, le président Nixon avait déjà annoncé qu’il
commençait un retrait graduel du Vietnam des troupes américaines, une
indication que l’opération Phoenix avait été un échec total.
"Sous prétexte de neutraliser l’infrastructure de la guérilla
communiste, des vieillards, des femmes et des enfants, devinrent des
ennemis", explique Valentine. "Avec Phoenix, il devenait aussi facile
de tuer un enfant vietnamien que de tirer sur un corbeau dans un
arbre. Les munitions étaient des mauvais renseignements fournis par
des agents secrets remplis de préjugés".
Tout indique que les mêmes erreurs sont en train d’être commises en
Irak, ou les USA détiennent environ 12800 irakiens suspectés
d’implication dans les attaques contre les troupes américaines. Paul
Bremer, l’administrateur américain en Irak, a annoncé que plus de 500
de ces prisonniers seraient libérés dans ce qu’il appelle un "geste
de bonne volonté".(Ironie du sort, ou peut-être pas, ces prisonniers
sont détenus dans la même prison ou le Mukhabarat torturait autrefois
les ennemis de Saddam Hussein.)
Comme l’a affirmé l’agence AP le 8 Janvier, les prisonniers en passe
d’être libéré incluent des "bédouins qui s’occupaient de leurs
troupeaux, un enfant enlevé car il se trouvait près de l’endroit ou
un soldat US avait été attaqué, un nom donné aux américains pour se
venger d’une dispute privée, un père arrêté car il avait un fusil
dans sa voiture."
Un de ceux arrêtés et ensuite relâchés est Karim Mohammed, 30 ans,
qui s’est retrouvé en prison car les américains ont trouvé une arme
chez lui. "Tout le monde en Irak possède une arme" a-t-il dit à
l’agence AP. "Ce sont des fausses accusations. Certaines personnes se
vengent, n’importe qui peut simplement aller voir les américains et
raconter que telle ou telle personne fait partie de la résistance".
(Article publié en janvier 2004 :
http://www.ocweekly.com/ink/04/19/news-schou.php)