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Lettre d’Ivan et Bruno depuis les prisons de Fresnes et Villepinte

Publie le mardi 22 avril 2008 par Open-Publishing
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Lettre d’Ivan et Bruno depuis les prisons de Fresnes et Villepinte

Salut à tous les copains, à tous ceux qui ne sont pas résignés à la situation que nous vivons : occupation policière des rues, des villes, rafles, expulsions, arrestations, difficultés quotidiennes, dépossession de nos vies ; cette situation qui nous pousse à céder une part grandissante de nos vies aux chefs en tout genre, à ceux qui président à nos destinées, au pouvoir. Si nous prenons le parti de la révolte, c’est pour toutes ces raisons, pour retrouver le pouvoir sur nos vies, pour la liberté de vivre.

Nous avons été arrêtés le 19 janvier. Nous sommes deux en prison, le troisième est sous contrôle judiciaire (il passait par là et avait le tort de nous connaître). Nous avions en notre possession un fumigène que nous avions fait en mélangeant du chlorate de soude, du sucre et de la farine. Enflammé, ce mélange produit un fort dégagement de fumée. Nous projetions de l’utiliser à la fin de la manifestation qui allait ce jour-là devant le centre de rétention de Vincennes. Notre idée : se rendre visible auprès des sans-papiers enfermés, sachant que la police tenterait sûrement de nous empêcher d’approcher du centre. Nous avions aussi des pétards pour faire du bruit et des crèves-pneus (clous tordus) qui peuvent être disposés sur la route pour empêcher les voitures de passer.

Pour la police et la justice, le prétexte est tout trouvé, nous avions les éléments pour une bombe à clous. Voilà ce dont nous sommes accusés :

Transport et détention, en bande organisée, de substance ou produit incendiaire ou explosif d’éléments composant un engin incendiaire ou explosif pour préparer une destruction, dégradation ou atteinte aux personnes.
Association de malfaiteurs en vue de commettre un crime de destruction volontaire par l’effet d’un incendie, d’une substance explosive ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, commis en bande organisée.

Refus de se prêter aux prises d’empreintes digitales ou de photographies lors d’une vérification d’identité.
Refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l’identification de son empreinte génétique par personne soupçonnée de crime ou délit.

Ça fait froid dans le dos. Voilà pour les faits, nous allons tenter d’y apporter une réflexion.

Ce n’est évidemment pas au regard de ce que nous détenions ou de ce que nous projetions de faire que nous avons été traités de la sorte. L’État criminalise la révolte et tente d’étouffer toute dissidence « non-autorisée ». Ce sont nos idées et notre façon de lutter qui sont visées, en dehors des partis, des syndicats ou autres organisations. Face à cette colère que l’État ne parvient ni à gérer ni à récupérer, il isole et désigne l’ennemi intérieur. Les fichiers de police et des renseignements généraux construisent des « profils-types ». La figure utilisée dans notre cas est celle de « l’anarcho-autonome ». Le pouvoir assimile cette figure à des terroristes, construisant une menace pour créer un consensus auprès de sa population, renforcer son contrôle et justifier la répression.

C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui en prison. C’est la solution choisie par l’État pour la gestion des illégalismes, des « populations à risque ». Aujourd’hui il faut enfermer plus pour plus longtemps. Les contrôles, toujours plus efficaces, et les sanctions qui font peur assurent à ceux qui détiennent ou profitent du pouvoir une société où chaque individu reste à sa place, sait qu’il ne peut pas franchir les lignes qu’on a tracé pour lui, qui l’entourent et le compriment, sans en payer le prix. Si nous luttons aux côtés de sans-papiers, c’est que nous savons que c’est la même police qui contrôle, le même patron qui exploite, les mêmes murs qui enferment. En allant à la manifestation, nous voulions crier en écho « Liberté » avec les prisonniers, montrer qu’on était nombreux à entendre la révolte qu’ils ont menée pendant plusieurs mois. Allumer un fumigène, tenter de s’approcher le plus possible des grilles de la prison, crier « fermeture des centres de rétention », avec la détermination de vouloir vivre libre. Cette lutte, dans laquelle on peut se reconnaître, est un terrain de complicités à construire, un lieu possible de l’expression de notre propre révolte.

Nous ne nous considérons pas comme des « victimes de la répression ». Il n’y a pas de juste répression, de juste enfermement. Il y a la répression et sa fonction de gestion, son rôle de maintien de l’ordre des choses : le pouvoir des possédants face aux dépossédés.

Quand tout le monde marche en ligne, il est plus facile de frapper ceux qui sortent du rang.

Nous espérons que nous sommes nombreux et nombreuses à vouloir posséder pleinement nos vies, à avoir cette rage au cœur pour construire et tisser les solidarités qui feront les révoltes.

Bruno et Ivan, avril 2008

Messages

  • Messieurs,

    Vous trouvez à redire à l’occupation policière des rues et des villes sans souffler mot de l’occupation commerciale de ces mêmes rues, villes et Esprit qui s’y déploie. Vous luttez à juste titre contre la condition de touriste qui vous ai faites en ce monde, contre la perte de votre Fortune ; dieu vous en soit loué. Ainsi vous choisissez dites-vous le Parti de la Révolte. Soit. Mais je ne vois pas en quoi faire de la fumée devant une prison pour attirer l’attention des sans-papiers à l’intérieur vous amène à vous dire membre de ce Parti de la Révolte. Vos motifs sont que [v]ous sav[ez] que c’est la même police qui contrôle, le même patron qui exploite. Ignorez-vous que les patrons intelligents se réjouissent déjà des sans-papiers ? Que ces mêmes patrons sont eux-mêmes sans-papiers en Chine, par exemple ? Vous vous en prenez à l’État, certes "monstre froid" pour les plus hébétés des anarchistes. Mais qui commande réellement ? Qui sont vos maîtres, dans la société civile ? Vous ne vous demandez pas "qui t’a fait esclave ?", comme d’autres se sont demandé "qui t’a fait roi" ? Le Commerce est le monstre froid que vous voyez à grand renfort d’émotivité dans la "répression" de l’État, et je met des guillemets à répression parce que ce n’est tout de même pas la Sparte antique de Lycurgue ni l’Espagne de Franco. En revanche je suis le premier à admettre que les commerçants répriment, et que la France, comme l’angleterre, l’Allemagne ou les États-Unis, sont un seul et même camp de concentration commerciale, comme Sparte était un gigantesque camp militaire. D’ailleurs dans la Sparte de Lycurgue seuls accédaient au statut de citoyen les gens qui ne se souillaient pas d’un quelconque infâme labeur, d’un quelconque métier ; ceci revenait aux hilotes. La guerre dans la Grèce antique monopolisait tout l’Esprit, exactement comme aujourd’hui le commerce monopolise tout l’Esprit. Seulement les grecs n’était pas hypocrites et appelaient un chat un chat (et notamment un esclave un esclave). Alors, de quoi vous plaignez-vous ? Vous, esclaves, vous éspèriez bafouer l’Opinion de cette vieille France en toute impunité ? Puisque vous avez la force, le courage et l’occasion de vous répandre en bande pour des actions militantes, agissez dans le sens de nuire aux commerçants et non aux potiches de l’Élysée ; ce que vous, les anarchistes, vous faites assez remarquablement tout les 5 ans lorsqu’il s’agit d’éléctions, il me semble...

    Enfin je ne vous réprimande pas parce que vous ne faites pas parti de mon Parti, mais parce que vous le défendez très mal.

    Anthony Mouillon,
    duc de Trèfle