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Licenciements à l’anglaise à l’aéroport de Nice

Publie le lundi 24 avril 2006 par Open-Publishing

Licenciements à l’anglaise à l’aéroport de Nice
Services . Avia Partner, société anglaise d’assistance aéroportuaire, licencie des salariés en CDI et embauche dans la foulée en CDD. Un juge niçois lui donne raison !

Jetés à la rue, 19 salariés 19 emplois stables détruits et, simultanément ou presque dans la même entreprise, 35 personnes embauchées à temps partiel. La scène pourrait se dérouler au pays de Tony Blair. En fait cela se passe non loin de... la Promenade des Anglais. On peut effectivement s’y méprendre.

Car pour les actionnaires britanniques du fonds de capital risque 3 I, ce fut une promenade... de santé judiciaire que cette audience au tribunal de grande instance de Nice le 13 avril dernier. Le juge des référés, le même qui par ailleurs a condamné sept facteurs grévistes (voir l’Humanité du 20 avril), a en effet estimé légal le plan de licenciements de titulaires de CDI à 35 heures et l’embauche concomitante d’employés en CDD à temps partiel réalisé le mois dernier par la société d’avitaillement aérien Avia Partner.

Ce juge, semble-t-il, n’est pas allé chercher plus loin, pour rendre sa décision, que les deux arguments avancés par Me Blin, l’avocat de la multinationale anglaise. Primo : Avia Partner a perdu un marché de 2,6 millions d’euros avec British Airways, ce qui l’aurait obligé à « dégraisser ». Secundo : les personnes embauchées juste après ces licenciements l’ont été d’avril à octobre, donc elles peuvent être considérées comme des saisonniers, « en rien destinés à compenser les licenciés ».

La réalité est évidemment plus complexe. La nouvelle direction d’Avia Partner, dès sa prise de fonction, a annoncé la couleur dans une « note d’information » remise au comité d’entreprise en février dernier. Il s’agissait alors de présenter le plan « Nice 06 » de réorganisation du travail « afin que la société reste le leader incontesté de l’assistance aéroportuaire ». Pour ce faire, il fallait en premier lieu ajouter un avenant à l’accord ARTT de l’entreprise signé en 2001 puisque, comme y insistait la direction, « l’accord "35 heures" met l’entreprise dans une situation concurrentielle absurde (...), la productivité de l’escale Nice étant handicapée en comparaison de celle des concurrents, plus souple et flexible ».

Or cet accord ARTT prévoyait que, selon les périodes de l’année, les horaires de travail pouvaient fluctuer entre 28 et 37 heures par semaine, à l’exception du service fret - et c’est d’ailleurs pour cela que la CGT ne l’avait pas approuvé. En réalité, la nouvelle direction a voulu faire table rase de l’accord ARTT, imposer son propre plan d’aménagement annuel du travail en procédant au licenciement de 16 employés à l’exploitation (maintenance, mise à bord hôtelière, trafic) et de trois personnels administratifs. Si effectivement Avia Partner a perdu son client British Airways en juillet 2005, il en a gagné d’autres depuis, tels que Royal Air Maroc et des compagnies low cost comme Blue 1 ou Jet 4 You.

Disponibilitédes salariés exigée

D’ailleurs, dès les licenciements en cours de réalisation, Avia Partner faisait paraître à la mi-février dans le quotidien régional Nice Matin une petite annonce d’offre d’emplois (agents d’accueil, d’opération, de piste, de nettoyage) précisant que les intéressés devaient être d’une grande disponibilité. Comble du cynisme : cinq de ces postes en contrat à durée déterminée du 1er avril au 31 octobre 2006 à temps partiel (entre 20 et 25 heures par semaine) étaient proposés à des salariés licenciés !

Au total ce sont donc 35 CDD pour la période estivale - ressemblant furieusement aux CDD de la période hivernale (du 1er novembre au 31 mars), mais certains présentés comme des contrats saisonniers - qui ont été signés en mars. Et, surprise !, de nouvelles embauches ont été effectuées depuis le 3 avril. « Nous sommes dans une situation ubuesque : l’entreprise ne peut plus faire face et envisage de sous-traiter une partie de son activité ! », s’indigne Me Pardo, l’avocat d’un comité d’entreprise qui s’est opposé tant bien que mal au plan « Nice 06 ». Tout comme l’inspection du travail, qui a tenté de mettre le holà en application de l’article 122-2-1 du Code du travail, lequel, en substance, interdit l’embauche de CDD dans les six mois qui suivent un plan de licenciement collectif.

Philippe Jérôme (l’humanité)