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Ma réponse aux défenseurs trop zélés de DSK

Publie le samedi 11 juin 2011 par Open-Publishing
2 commentaires

Dominique Strauss-Kahn est présumé innocent. Ses amis sont émus, ça peut se comprendre. Mais ce n’est pas pour cela qu’ils peuvent raconter n’importe quoi.

Chez
Bernard-Henri Lévy, la frontière entre la déclaration d’amitié indéfectible et
le tissu d’inepties outrancières est particulièrement poreuse, comme il l’a
démontré avec un certain brio dans un texte paru lundi sur son bloc-notes 

Certes,
ces derniers jours, il est celui dont les interventions ont été les plus
aberrantes. Pour autant, le fond de son discours se retrouve chez tous les
proches de Dominique Strauss-Kahn qui occupent actuellement la scène médiatique
et nous martèlent les mêmes éléments de langage.

1. Ce n’est pas l’homme que je connais

« Le Strauss-Kahn que je connais,
le Strauss-Kahn dont je suis l’ami depuis vingt cinq ans et dont je resterai
l’ami, ne ressemble pas au monstre, à la bête insatiable et maléfique, à
l’homme des cavernes, que l’on nous décrit désormais un peu partout : séducteur,
sûrement ; charmeur, ami des femmes et, d’abord, de la sienne, naturellement ;
mais ce personnage brutal et violent, cet animal sauvage, ce primate, bien
évidemment non, c’est absurde. »
BHL

« Surtout, cette affaire ne ressemble en rien à DSK, l’homme
que nous connaissons tous.
 » Jean-Marie
Le Guen

« Je n’ai jamais senti chez lui de
violence, je ne le crois pas capable de forcer les choses. »
Pierre
Moscovici

« Je
n’ai pas eu vent de ragot ou de rumeur de ce genre. »
Jack Lang, en direct au
JT de 20h de France 2 du 16 mai. 

Je
ne connais pas Dominique Strauss-Kahn. Mais je suis extrêmement surprise de
découvrir que son entourage n’avait jamais entendu parler d’une possible
attitude pressante et agressive de sa part envers des femmes.

Ah
oui ? Vraiment ? Je ne peux en aucune façon mettre en doute leur bonne foi. Je me
dis seulement que les journalistes sont vraiment des salauds de ne pas avoir prévenu
l’entourage de DSK des histoires qui circulent depuis plusieurs années à propos
de son attitude envers les femmes. Et j’en porte moi-même la responsabilité.

Il y a quelques mois, j’avais proposé un papier sur ces
rumeurs. Il n’y avait pas eu d’éléments nouveaux, mais il s’agissait de se
demander si on pouvait élire président de la République un homme sur lequel
pèsent de tels soupçons.

Dès 2006, Christophe Deloire et Christophe Dubois avaient
évoqué les rumeurs et le « problème DSK » dans leur livre Sexus politicus. En 2007, le journaliste Jean Quatremer avait écrit sur son blog :

« Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est
son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un
travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). »
 

Il évoquait ainsi des rumeurs certes connues par les
journalistes mais également le silence qui les entourait.

Silence dont la meilleure preuve est d’ailleurs que je n’ai
jamais fait cet article. Aucunement à cause du respect de la vie privée.
Simplement parce que toutes les histoires qu’on peut entendre de femmes qui se plaignent
de l’attitude « pressante » de DSK sont généralement des off (elles ne veulent pas que l’on cite leur nom ou que l’on puisse les reconnaître).

Il y avait bien eu la lettre de Piroska Nagy, avec qui DSK
avait eu une liaison au FMI, et qui avait écrit aux enquêteurs :

« M.
Strauss-Kahn a abusé de sa position pour entrer en relation avec moi. (…) Je
crains que cet homme [DSK] n’ait un problème qui, peut-être, le rend peu apte à
diriger une organisation où travailleraient des femmes. »
 

Mais aucune femme n’a jamais déposé de plainte. Ainsi de

Tristane Banon, qui a raconté en 2007 sur Paris Première comment elle s’était
battue avec Dominique Strauss-Kahn (les faits auraient eu lieu en 2002) et
surtout comment elle avait abandonné l’idée de le poursuivre en justice. 

Et je la comprends. Personne ne veut être à vie la nana qui
a accusé DSK d’agression. D’autant que dans la plupart des rumeurs, on n’est
pas dans des cas de viols, mais dans ces moments troubles, face à une attitude
physiquement très pressante, voire agressive, mais dont on a du mal à évaluer
la gravité.

Aurélie Filippetti, la porte-parole du PS à l’Assemblée nationale
avait parlé d’une drague « très lourde,
très appuyée »
ajoutant :

« [Depuis] je me suis arrangée pour ne pas me retrouver seule
avec lui dans un endroit fermé. »
 

Je pense qu’à la place de ces femmes, en mesurant la somme
d’emmerdes à la clé, j’aurais fait pareil, je me serais contentée de parler en
off. Ce qui, évidemment, conforte certains hommes dans un sentiment d’impunité.

Il
reste tout de même extrêmement étonnant que les amis de DSK qui se répandent en
propos stupéfaits ces derniers jours n’aient, eux, jamais entendu parler
auparavant du « problème DSK ». Comment ces histoires ont-elles pu ne jamais
arriver aux oreilles d’un homme comme Jack Lang ? 

2. C’est un séducteur

C’est
la suite logique du « ce n’est pas l’homme que je connais ». L’homme que je
connais est un séducteur, l’ami des femmes, il les aime. A la limite, c’est un
chaud lapin –autant de propos qui se veulent plutôt positifs, ou du moins
indulgents. Et c’est sans doute l’image qu’avaient retenue la majorité des
Français. DSK est un queutard, comme l’avait balancé Stéphane Guillon.

Jack
Lang (toujours au JT, il était très inspiré ce soir-là) :  

« C’est un homme qui n’est pas insensible au charme des
femmes mais est-ce un crime ? »

Christine
Boutin :  

« On sait qu’il est assez vigoureux, si je puis m’exprimer ainsi,
mais qu’il se fasse prendre comme ça me semble ahurissant. »

C’est
peut-être là que les journalistes auraient dû lever une ambiguïté. Parce qu’un
comportement proche du harcèlement, c’est très différent d’un queutard. Le
queutard s’enchaîne simplement les nanas au kilomètre. Son comportement
n’entraîne pas un sentiment de malaise comme celui dont témoignait Tristane
Banon.

3. L’opposition femme contre femme

A) L’épouse

« Ce que je sais c’est que rien, aucune loi
au monde, ne devrait permettre qu’une autre femme, sa femme, admirable d’amour
et de courage, soit, elle aussi, exposée aux salaceries d’une Opinion ivre de
storytelling et d’on ne sait quelle obscure vengeance. »
BHL

Le
procédé qui consiste de façon implicite à opposer la femme légitime, sorte de
mère courage, aux soi-disantes victimes est odieux.

B) L’opportuniste

 « Cette autre jeune femme, française
celle-là, qui prétend avoir été victime d’une tentative de viol du même genre ;
qui s’est tue pendant huit ans ; mais qui, sentant l’aubaine, ressort son vieux
dossier et vient le vendre sur les plateaux télé. »
BHL

Si
Tristane Banon n’a pas porté plainte, c’est évidemment qu’il ne s’est rien
passé de grave.

Cher
BHL, je vous renvoie vers une étude de 2007 qui indique qu’en France, moins de
25% des victimes de violences sexuelles (violences hors du cadre conjugal)
portent plainte [PDF].

On
imagine que dans le cas d’un agresseur ayant un certain statut social et
médiatique, le chiffre diminue encore. En l’occurrence, la position d’un homme
comme Dominique Strauss-Kahn, loin d’en faire une victime de dénonciations
calomnieuses comme le dit BHL, tendrait plutôt à le protéger en dissuadant
d’éventuelles victimes de porter plainte.

C) L’effarouchée

Concernant la femme de ménage, il y a le vague a priori sur les Etats-Unis, où
les femmes porteraient plainte à tout bout de champ pour rien du tout.

C’est
le mythe de l’homme américain qui n’ose même plus prendre l’ascenseur avec une
femme. Il est possible que les Américaines dénoncent plus facilement les
agressions sexuelles que les Françaises. En l’occurrence, quand on accuse
quelqu’un d’avoir essayé de fourrer de force son sexe dans la bouche d’une
femme, j’ai tendance à penser qu’on n’est pas dans le travers procédurier pour
une broutille.

D) L’honneur de la France souillé

 L’argument selon lequel la vraie victime, c’est elle, la France, est utilisé
des deux côtés.

Par des adversaires de DSK, comme Bernard Debré :

« Mais trop c’est trop, vous avez humilié la France !
Vous l’avez ridiculisée. »
  

Nathalie
Kosciusko-Morizet
 :

« En plus de la victime
présumée, la femme de chambre, il y a une victime avérée, c’est la France. »

Mais
aussi par ses défenseurs.

Ainsi, BHL :  

« La
France dont il est, depuis tant d’années, l’un des serviteurs les plus dévoués
et les plus compétents. »

Jack Lang :  

« Ça
donne l’impression qu’on a envie de se payer un Français célèbre. »

4. C’est une mise à mort médiatique

Les
défenseurs de DSK parlent avant tout du choc des images.

Manuel Valls les qualifie d’« une
cruauté insoutenable »
.

Jean-Paul Huchon s’est dit « choqué par la violence du réquisitoire »
contre DSK « et des images qui sont
présentées »
.

Robert
Badinter
sur France Inter : « Vous avez
assisté à une véritable mise à mort médiatique délibérée »
, avant de carrément
remettre en cause le fonctionnement de la justice américaine.

Mais
de quel lynchage médiatique parle-t-on ? Si le New York Daily News a fait sa une
sur « Le Perv », les
médias français sont plutôt très prudents.

André Gunthert a dressé une revue des couvertures des
journaux
qui présentent majoritairement des images d’un homme blessé plutôt que
d’un homme suspecté de tentative de viol.

Les adversaires politiques, jusqu’à maintenant, la jouent
profil bas et le moins qu’on puisse dire c’est que les défenseurs de DSK sont
omniprésents.

La question n’est-elle pas plutôt pourquoi on n’en a pas
parlé avant ? Pourquoi DSK a bénéficié d’autant indulgence ? Si en France on
entend parler de lynchage médiatique, aux Etats-Unis, on s’interroge
plutôt sur la loi du silence qui prévaut chez nous
.

5. C’est une catastrophe pour la gauche

« La gauche qui, si Strauss-Kahn
venait à s’éclipser, perdrait son champion. »
BHL

Sauf
que la candidature d’un homme dont on soupçonnait qu’il traînait des casseroles
posait un véritable problème.

Ces
scandales, vrais ou faux, allaient forcément être évoqués à un moment ou un
autre, jetant les programmes politiques aux orties, avec l’eau du bain et
mamie. Il aurait été nettement plus catastrophique pour la gauche qu’une
affaire de ce type éclate après la désignation de DSK comme candidat officiel.

Ce
qui pourrait être réellement désastreux, c’est l’impression actuelle d’une
caste qui se soude comme s’il était inadmissible qu’on touche à l’un des leurs.
Elle rappelle l’affaire Polanski. Et elle ne peut que réjouir Marine Le Pen.

Le sous-texte de BHL

Le
texte de BHL fait des références littéraires un peu gonflantes dans la mesure
où elles induisent des
parallèles douteux avec d’autres affaires.

Ainsi : « Ce que je
sais c’est que rien au monde n’autorise à ce qu’un homme soit ainsi jeté aux
chiens »
, est clairement une reprise de la déclaration de François Mitterrand
après le suicide de Pierre Bérégovoy : « Toutes
les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens
l’honneur d’un homme. »
Et, évidemment, l’anaphore à la Zola.

Seulement
voilà, de « j’accuse » à « j’en veux à », la différence n’est pas que sémantique.
Ces trois affaires, Bérégovoy, Dreyfus, DSK n’ont rien à voir. Mais on comprend
bien qu’il s’agit là de hisser Dominique Strauss-Kahn au rang de victime, voire
de martyr.

Quelle
que soit l’issue judiciaire de cette affaire, Dominique Strauss-Kahn n’est pas
le capitaine Dreyfus.

http://www.slate.fr/story/38337/dsk-defense-outrances

Messages

  • « Je n’ai jamais senti chez lui de violence, je ne le crois pas capable de forcer les choses. » Pierre Moscovici.

    Les choses peut etre pas. Les femmes par contre...

  • Personne n’a une tête d’assassin ou de criminel (le viol est un crime)
    DSK pas plus que les autres
    Est il coupable, est il innocent ?
    c’est à la justice des Etats Unis d’en décider

    les réactions de ses amis....?
    je pense que qui que ce soit a toujours du mal à admettre que, son ami ou son frère ou.........., a commis une telle horreur.
    ce n’est pas réservé aux socialistes.

    Je ne veux surtout pas minimiser cette affaire, un viol c’est quelque chose de très grave

    Mais il y a des problèmes en France aujourd’hui dont on ne parle plus et ça aussi c’est grave

    et puis des viols, malheureusement, il y en a souvent. Une petite fille a été violée il y a quelques semaines par un récidiviste qui venait de sortir de prison.

    Arrétez de parler de DSK. On nous raconte où il habite, à quelle heure il est sorti, qui il est allé voir, combien il dépense par mois pour son loyer, combien il dépense par jour pour ses avocats......
    bientot on va nous dire à quelle heure il est allé pisser
    Mais sincèrement, on s’en fout de tout ça.

    Ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est de savoir ce qu’on fait contre le chômage, contre la précarité, contre la misère.

    Le retraité.