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Marchands d’armes et comptes en Suisse : la descente aux enfers de la famille Pasqua

Publie le lundi 9 août 2004 par Open-Publishing

Justice · C’est en enquêtant sur le fils, Pierre, que la justice française remonte au père, Charles Pasqua, ancien ministre de l’Intérieur dans deux Gouvernements français.

Ian Hamel

Le 5 janvier 2001, le juge d’instruction genevois Daniel Devaud communique 22 noms à toutes les banques suisses. Treize noms de sociétés, et neuf noms de particuliers. Parmi lesquels, Jean-Charles Marchiani, ancien préfet, ancien agent secret, incarcéré depuis le début du mois d’août pour trois affaires de commissions occultes. Le magistrat suisse, qui enquête sur une vente d’armes vers l’Angola, pays alors en guerre, demande également si l’ancien ministre Charles Pasqua, et son fils Pierre, sont « titulaires de comptes, dépôts-titres, comptes métal, dépôts fiduciaires, safes ou autres avoirs ».

La pêche est fructueuse. Si Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995, ne possède pas de comptes en Suisse, en revanche, son bras droit et son fils unique sont connus de plusieurs établissements financiers de la cité de Calvin.

Dans le gotha politique tricolore, Pierre Pasqua, 56 ans, est à son père ce que Jean-Christophe Mitterrand, 58 ans, était au sien. « Un conseiller, à la fois éminence grise et émissaire, chargé des délicates affaires africaines », comme le souligne l’hebdomadaire « Le Point ». Ces deux hommes de l’ombre se retrouvent impliqués dans la même affaire, la fourniture pour 463 millions de dollars de matériel militaire à l’Angola.

Seuls les naïfs s’étonneront de découvrir le fils d’un ancien président de la République, plutôt classé à gauche, et le rejeton d’un ancien ministre, étiqueté à droite, travailler presque la main dans la main. Dans « Des coffres si bien garnis »1, Karl Laské constate que l’Etat français s’en remet aux intermédiaires les plus sulfureux dans le tiers-monde, « ceux qui savent remercier les dictatures ou financer secrètement les guerres, et bien sûr, se servir au passage grâce à de substantielles commissions », écrit-il. Bref, la magouille n’a pas de couleur politique.

il se réfugie en Tunisie

Ancien conseiller à l’Elysée pour les affaires africaines, Jean-Christophe Mitterrand est déjà inculpé dans les ventes d’armes à l’Angola. Il aurait perçu 1,8 million de dollars sur un compte à la banque Darier à Genève, en 1997 et 1998. La justice française aura un peu plus de mal pour interroger Pierre Pasqua. Réfugié en Tunisie, il refuse de quitter sa résidence de Sidi Bou Saïd, et fait déjà l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux dans deux autres affaires de commissions occultes...

Charles Pasqua a toujours nié le moindre lien avec cette vente d’armes vers d’Angola, et avec Pierre Falcone, un intermédiaire en armement, le principal responsable de cette opération. « Je ne connais pas M. Falcone, et je n’ai jamais été mis au courant de ses activités », assure l’ancien ministre de l’Intérieur. Pourtant, fort curieusement, ce même Pierre Falcone a perçu 12 millions de francs français du Ministère de l’intérieur le 12 juillet 1994.

suivez la cagnotte

Le jour même, Pierre Falcone expédie 1,8 million de dollars sur un compte dans l’île de Madère. Puis l’argent part sur un autre compte à Buenos Aires. Et en septembre 1994, 9,8 millions de francs français sont expédiés depuis l’Argentine à la banque de l’Union européenne à Genève sur un compte appartenant à... Pierre Pasqua. Pour remonter jusqu’au père, il suffit de suivre la cagnotte du fils. I.H.

1 Des coffres si bien garnis. Enquête sur les serviteurs de l’Etat-voyou, par Karl Laské. Editions Denoël. 411 pages.

http://www.laliberte.ch/news_international.cfm?id=139139