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Tanger : Des policiers ripoux
Sept agents de police, exerçant à Tanger ont été pris en flagrant délit de chantage. Trois de leurs complices ont été également arrêtés. La Brigade nationale de la police judiciaire est intervenue pour démêler les fils d’un réseau, apparemment connu de la hiérarchie policière de la ville. Le démantèlement de la cellule de maîtres chanteurs repose la question du rôle de la « police des polices », une structure qui ne joue pas son rôle et n’accomplit pas sa mission qui consiste à empêcher que des agents d’autorité n’abusent de leurs fonctions, fut-ce envers des trafiquants notoires.
Il a fallu trois jours aux services de la police judiciaire de Tanger pour dénouer une affaire bien particulière cette fois-ci. En effet, il s’agit d’une dénonciation d’éléments faisant partie du même corps de police, par un citoyen, agissant au nom de son ami, séquestré par des policiers et objet d’un chantage.
De source policière, on indique que ce citoyen s’est présenté, dans la nuit de lundi à mardi, à une patrouille de la police judiciaire de Tanger pour signaler qu’un ami a été enlevé quelques heures auparavant par deux agents de police qui exigeaient une somme de 100.000 dirhams en contrepartie de sa libération.
Pour sa libération, ils ont d’abord exigé une somme astronomique avant de la ramener, après tractations, à 100.000 dirhams.
L’intervention immédiate des éléments de police a permis la libération de la victime et l’arrestation de l’un des fonctionnaires auteur de cet acte, dont le complice, qui a dans un premier temps réussi à prendre la fuite, a été identifié et interpellé à la suite de l’interrogatoire dudit fonctionnaire, ajoute-t-on.
Saisie de cette affaire, la Brigade nationale de la police judiciaire a pu établir que les mis en cause ont enlevé la victime à bord de sa voiture et exercé sur elle des pressions, lui faisant croire qu’ils ont été dépêchés par la préfecture de police de Rabat pour l’arrêter en raison de son implication dans un réseau de trafic international de drogue, dont plusieurs membres sont actuellement en état de détention.
Laxisme irresponsable
L’enquête préliminaire a conduit à l’arrestation, suite aux aveux des mis en cause, de cinq autres fonctionnaires de police et de trois de leurs complices à Tanger, pour chantage contre une personne à qui ils ont fait croire qu’ils ont été dépêchés de Rabat pour l’arrêter pour cause d’implication dans un réseau de trafic international de drogue. Les trois complices jouaient le rôle d’intermédiaires, procédaient au repérage de personnes recherchées ou présumées l’être par les services de police et communiquaient des informations précises les concernant aux fonctionnaires complices. C’est le mode opératoire des policiers ripoux qui soumettaient, ensuite, les victimes au chantage pour leur soutirer d’importantes sommes d’argent. Selon les aveux des accusés, ils auraient à leur actif plusieurs opérations visant de nombreuses personnes, dont certaines ont été identifiées.
Selon les services de police, les investigations se poursuivent pour identifier et arrêter toutes les personnes impliquées dans cette affaire.
Signalons, enfin, qu’une émission de France Télévision avait mentionné, à la fin du mois de mai, l’existence de pratiques « mafieuses » de la part de responsables de la sûreté de Tanger. Un reportage sur les « haraga » (candidats clandestins à l’immigration) a mis à nu, à travers une caméra cachée, l’implication directe et franche de policiers chargés d’embrigader les clandestins. Outre l’arbitraire des passages à tabac, la chaîne française avait filmé deux policiers qui réclamaient 20 DH aux clandestins pour les libérer. L’un des malheureux interpellés, autorisé à aller chercher ladite somme à l’extérieur du lieu de détention, a été tabassé, faute de ne pas avoir apporté les 20 DH… Mais, plus scandaleux, aucun des policiers montrés ni leurs chefs n’ont été inquiétés, comme si l’émission n’était pas destinée aux Marocains. Plus grave encore, le Parquet général de Tanger n’a même pas bougé le petit doigt pour ordonner, au moins, une enquête. Après l’affaire Izzou-Bine Louidane et ses ramifications scandaleuses, la ville du détroit, porte du Maroc, a vraiment besoin d’un véritable balai pour assainir la pratique policière.
D.A. (6/24/2007)