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Mort de Jon Anza : l’hypothèse barbouzarde revient

Publie le mercredi 17 mars 2010 par Open-Publishing

de Périco Légasse

Qui a tué le militant de l’Eta ? L’autopsie de son corps accréditait l’idée d’une mort natrurelle due à sa maladie. Mais une révélation du quotidien El Mundo fait remonter à la surface l’hypothèse d’un attentat d’un réseau de police parallèle.

Le 18 avril 2009 au matin, Jon Anza prend le train à Bayonne pour se rendre à Toulouse, où il doit passer quelques jours. Sa compagne, qui le conduit à la gare, ignore chez qui il se rend et n’a pas de numéro où le joindre. Elle reçoit juste l’assurance qu’il l’appellera à son retour. Trois semaines plus tard, sans nouvelles de lui, sa famille et ses proches signalent sa disparition à la police et tiennent une conférence de presse.

La justice est saisie. Une enquête est ouverte par le parquet pour « recherche des causes d’une disparition inquiétante ». L’affaire est confiée à la police judiciaire de Bayonne. Trois jours plus tard, dans un communiqué daté du 18 mai, publié le surlendemain dans le quotidien basque Gara, ETA révèle que Anza est l’un de ses membres et pousse l’audace jusqu’à préciser qu’un rendez-vous lui a été fixé le 18 avril, à Toulouse, afin qu’il remette une forte somme d’argent (provenant sans doute de « l’impôt révolutionnaire ») sans en préciser le montant. Du jamais vu.

MAM et Sarkozy accusés par les nationalistes basques

Une seconde enquête, confiée à la juge Laurence Le Vert, est aussitôt diligentée par le parquet de Paris, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et financement du terrorisme ». La police française reste perplexe, le militant basque, qu’elle surveillait de loin, n’étant, selon elle, plus dans la course depuis 2008, suite à un traitement lourd pour un cancer du nerf optique. « Il n’y voyait plus à trois mètres », indique sa compagne. Indice inquiétant, il n’aurait pas dû manquer un rendez-vous important à l’hôpital, le 24 avril.

Pensant à un enlèvement par la police espagnole, comme du temps du GAL (Groupe antiterroriste de libération), un réseau de barbouzes mis en place par le gouvernement socialiste espagnol avec des « ramifications françaises », entre 1983 et 1987, pour combattre ETA sur le sol français, qui provoquera la mort de 28 personnes, dont dix par erreur, un comité de soutien à Jon Anza se constitue au Pays Basque. Malgré des recherches tous azimuts (hôpitaux, morgues, carte bleue, portable, carte vitale) et un ratissage méticuleux de tout le sud-ouest de la France, l’homme reste introuvable. Anne Kayanakis, le procureur de Bayonne chargée du dossier disparition, fait même survoler la voie ferrée Bayonne-Toulouse par un hélicoptère, en vain, et jure par ses grands dieux que tous les moyens disponibles pour retrouver Jon Anza sont utilisés. Mais rien n’y fait.

Alors que la mouvance nationaliste basque côté français accuse ouvertement Nicolas Sarkozy et Michèle Alliot-Marie d’avoir permis la séquestration et l’exécution du militant séparatiste, côté espagnol, les spéculations vont bon train. La famille penche donc de plus en plus pour un « enlèvement qui aurait mal tourné », une "conviction" renforcée par un article, paru le 2 octobre 2009, dans Gara. Citant des « sources fiables », le quotidien basque affirmait que Anza aurait été « intercepté » dans le train par des policiers espagnols, soumis à un interrogatoire illégal, supprimé puis abandonné sur le territoire français. « Aujourd’hui, cela apparaît à la famille comme la seule explication possible », soutient Me Paulus-Basurco, l’avocate de la famille.

Ls scoop d’El Mundo : l’oubli fâcheux des gardes civils

Février 2010, l’affaire en est encore dans l’impasse totale et le mystère reste entier. Presque dix mois ont donc passé avant le coup de théatre du 11 mars 2010. Ce jour-là, la morgue de l’hôpital Purpan de Toulouse, pourtant contactée au cours de l’avis de recherche, « découvre » le corps d’un inconnu dans ses frigos. L’individu s’y trouverait depuis le 11 mai 2010, après avoir décédé en ce même hôpital après un malaise sur la voie publique survenu le 29 avril précédent. Le procureur de Bayonne ordonne aussitôt une enquête administrative qui montre que la dépouille mortelle a bien été signalée au parquet de Toulouse par un courrier daté du 4 mai 2010, transmis le surlendemain au commissariat central de Toulouse, où sa trace se perd. En réalité, la PJ de Bayonne avait bien été saisie de la disparition du militant basque le 18 mai.

Deux jours plus tard, des réquisitions et une photo partaient dans tous les hôpitaux de la région. Alors que le corps est à la morgue et qu’un billet de train Bayonne-Toulouse est retrouvé dans ses poches, la réponse de l’hôpital Purpan, qui affirme aujourd’hui ne pas avoir trouvé trace de la réquisition, est négative.

Une autopsie a donc été aussitôt ordonnée par le procureur Kayanakis. Pratiqué le lundi 15 mars, en l’absence du médecin traitant de Jon Anza et de l’avocat de la famille, à qui l’accès de l’institut médico légal de Toulouse a été refusé, provoquant une échauffourée avec la police, le constat d’autopsie indique une origine naturelle de la mort, liée à l’état de santé du défunt. « Aucune trace de coups ou de violence n’a même été détectée » a même précisé le procureur de la République de Bayonne. Ces constatations auraient du suffire à rassurer les proches de Jon Anza et à calmer les sympathisants basques qui brandissent le spectre d’un retour des polices parallèles franco-espagnoles anti-ETA. Alfredo Perez Rubalcaba, ministre espagnol de l’intérieur vient même de faire une déclaration stipulant que le gouvernement traînerait illico devant les tribunaux tout individu ou média qui insinuerait publiquement que Jon Anza a été victime d’une opération policière secrète.

Nous en étions là lorsque l’édition datée du 16 mars du quotidien madrilène El Mundo, proche de la droite, publie un scoop retentissant : les armes de deux policiers espagnols ont été retrouvées le 13 mai dans un hôtel de Toulouse. D’où la question que l’on se pose à Bayonne : que pouvaient bien faire ces eux policiers espagnols en mission spéciale secrètement installés à Toulouse ?

Selon le document confidentiel que se sont procurés nos confrères, deux membres de la section de renseignement de la Garde Civile, plus précisément de son département d’investigation anti-terroriste, ayant du quitter précipitamment l’hôtel Adagio, ont oublié leurs armes de services cachées sous des oreillers. S’en étant rendus compte trop tard, les deux agents spéciaux ont prévenu leur hiérarchie. Celle-ci a immédiatement signalé la perte des armes à leurs homologues de Paris, afin de les récupérer. El Mundo révèle également que le parquet et la police judiciaire de Bayonne n’ont été officiellement informés de la disparition des armes espagnoles que le 17 février dernier. Décidément, que ce soit des cadavres ou des armes, les pièces à convictions de l’affaire Jon Anza mettent bien du temps à faire surface. Reste à savoir si ce sont les mystères de Paris ou de Madrid.

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