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Mur de séparation seulement, modification du tracé ... sans remise en cause

Publie le jeudi 1er juillet 2004 par Open-Publishing

L’arrêt de la Cour suprême israélienne sur le "mur" ne remet pas en cause son principe

Il risque cependant de bouleverser le calendrier de son achèvement prévu à la fin de 2005.

Jérusalem, Stéphanie Le Bars

La Cour suprême israélienne a ordonné, mercredi 30 juin, que le tracé de la "barrière de sécurité" qu’Israël construit depuis deux ans en territoire palestinien pour se protéger des attaques terroristes, soit modifié. L’arrêt, sans précédent, concerne une portion de la clôture de séparation longue d’une quarantaine de kilomètres située au nord-ouest de Jérusalem. Les juges demandent à l’armée de réviser le tracé sur une trentaine de kilomètres afin de limiter les atteintes portées aux quelque 35 000 habitants des villages traversés par la clôture. "Le rapport entre le préjudice causé aux habitants et le bénéfice sécuritaire obtenu par la clôture telle qu’elle est envisagée par l’armée est disproportionné", indique l’arrêt, qui souligne qu’"en séparant les habitants de leurs terres, elle -...- viole leurs droits selon la loi humanitaire internationale".
Cette décision clôt une procédure juridique engagée en février par huit villages palestiniens et, seule initiative du genre à ce jour, par une trentaine d’habitants israéliens d’une localité limitrophe. Rejoints par plusieurs centaines de pétitionnaires et par une association d’anciens militaires, le Conseil pour la paix et la sécurité, ils avaient obtenu au printemps le gel des travaux. De nombreuses manifestations s’étaient tenues dans la plupart des villages concernés, et notamment à Biddo, où trois personnes avaient été tuées par l’armée israélienne.

Telle qu’envisagée initialement, la clôture s’enfonçait en territoire palestinien sur plusieurs kilomètres, coupant les villageois de milliers d’hectares de terres cultivées. L’armée prévoyait d’installer un système de portails pour permettre aux paysans d’accéder à leurs champs mais la Cour suprême a estimé que cela ne suffisait pas. "L’Etat doit trouver un tracé alternatif qui donnera peut-être moins de sécurité -aux Israéliens- mais qui fera moins de tort à la population locale. Ces tracés alternatifs existent", insiste la Cour, qui s’appuie notamment sur les propositions du Conseil pour la paix et la sécurité, dont la préoccupation première concerne pourtant la sécurité des soldats chargés de protéger la clôture. Déjà installés en plusieurs endroits du tracé contesté, des éléments de la clôture devront, en outre, être démantelés.

Cet arrêt, aussi important soit-il pour les milliers de paysans palestiniens qui peuvent espérer récupérer le libre usage de leurs terres, ne change rien au principe de la clôture de séparation. La Cour suprême ne se prononce pas sur le fond et ne remet pas en cause le principe selon lequel elle est installée sur les terres palestiniennes, pour, notamment, intégrer des colonies du côté israélien. Les juges considèrent que la clôture relève de considérations "sécuritaires" et non "politiques".

Aussi, l’enthousiasme affiché par l’avocat des plaignants, qui juge cet arrêt "courageux et plus important que la décision de la Cour internationale de justice" - attendue le 9 juillet -, est-il tempéré par certains opposants au mur. "Les modifications, dont nous ne connaissons ni l’ampleur, ni la localisation seront de toute façon effectuées sur des terres palestiniennes", regrette Jamal Juma, le responsable de Pengon, la principale organisation palestinienne qui lutte contre la construction du "mur". L’accès à Ramallah ou à Jérusalem-Est, hinterland naturel de ces villages, demeurera entravé. "Cette décision est importante mais elle intervient trop tard et ne va pas assez loin. C’est encore l’armée qui décidera du tracé", souligne la porte-parole de la coalition israélienne contre le mur, qui regroupe plusieurs organisations pacifistes.

Le premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, a pour sa part jugé "insuffisante"une simple modification du tracé, demandant la destruction de ce "mur de séparation raciste". Le Likoud, par l’intermédiaire de Danny Naveh, ministre de la santé, a estimé que le gouvernement devait promulguer "une loi d’urgence qui permettra de poursuivre sans retard la construction de la barrière".

L’arrêt devrait encourager les Palestiniens à multiplier les recours contre sa construction. Déjà une dizaine d’appels ont entraîné la suspension des travaux dans divers endroits de Cisjordanie et autour de Jérusalem. Le calendrier du gouvernement israélien, qui prévoit l’achèvement de la plus grande partie de l’ouvrage d’ici à la fin 2005, risque donc d’être bousculé. Le premier ministre israélien devait examiner jeudi 1er juillet les conséquences de cet arrêt.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3218,36-371159,0.html