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N’oublions pas les quatre millions de personnes déplacées en Colombie
Publie le samedi 8 mars 2008 par Open-Publishing4 commentaires
de François Houtart
Alors que l’opinion internationale se préoccupe, à raison, de la libération d´Ingrid Betancourt, ancienne candidate à la présidence de la République colombienne et se réjouit, à raison également, de la libération, jeudi, de Clara Rojas et Consuelo Gonzales de Perdomo, peu d´attention a été accordée au phénomène massif des personnes déplacées dans ce pays.
Or, après le Soudan (Darfour) et la Somalie, la Colombie est le pays le plus affecté par ce problème, qualifié par les Nations unies de "crime contre l´humanité".
Il y a peu, une session d’un Tribunal international d´opinion, que j´ai eu l´occasion de présider, s´est tenue au Parlement colombien, en collaboration avec la Commission des droits de l´homme du Sénat. Préparée par cinq sessions régionales et par une abondante documentation, la session finale du Tribunal a pu constater le caractère dramatique et massif d´une situation qui affecte plus d´un Colombien sur huit.
Les témoignages se sont succédé, les uns plus émouvants que les autres, en provenance surtout de populations rurales : paysans, communautés indigènes, populations de descendance africaine.
Sans doute, la guerre interne explique-t-elle en partie cet état de chose, mais la cause de loin la plus étendue est la concentration des terres entre les mains de grands propriétaires, anciens ou nouveaux et d´entreprises nationales ou transnationales : monocultures (notamment la palme africaine pour les agrocarburants), mines (telles que Anglogold Ashanty), pétrole (tel que Repsol, BP Oxy).
Les déplacements forcés se réalisent avec l´aide de l´armée et surtout des paramilitaires et des sociétés privées de mercenaires, comme en Irak. On dénombre les personnes massacrées par milliers.
La violence du processus est inouïe. J´ai eu l´occasion de le vérifier sur place dans la région du Choco, près de la frontière panaméenne et d’Arauca, le long de la frontière du Venezuela. Aux paysans qui refusent d´abandonner leurs terres, il est dit : « Si vous refusez, nous négocierons avec vos veuves. » Les membres du jury du Tribunal ont eux-mêmes fait l´objet de menaces de mort de la part du groupe paramilitaire Aguilas Negras (Aigles noirs).
Le préambule du verdict du tribunal explique l´origine de ce phénomène. Le caractère massif des déplacements forcés en Colombie, est-il écrit, révèle l´aspect structurel de la crise humanitaire qui affecte plus de quatre millions de personnes, chiffre bien plus élevé que les statistiques officielles, qui ne concernent que les personnes qui se font enregistrer.
A partir de la moitié des années 80, les narcotrafiquants colombiens décidèrent de rapatrier leurs devises dans le pays et de les légaliser en achetant de grandes extensions des meilleures terres, acquises de manière douteuse, en recourant généralement à l´intimidation ou à l´expulsion.
Les cartels de narcotrafiquants, comme certains secteurs de l´oligarchie agraire, de la classe politique et des militaires, créèrent une nouvelle version du paramilitarisme, arguant de la nécessité de lutter contre la guérilla. Naquit ainsi une alliance, grâce à laquelle les paramilitaires éliminaient les membres des partis d´opposition de gauche et des mouvements civiques qui luttaient pour une amélioration du niveau de vie des populations, pouvant continuer leurs activités illicites, qui finançaient une partie des activités politiques.
L´appropriation illégale des terres provoqua leur concentration, et aussi une transformation de leur usage. De grandes extensions de terres agricoles et de forêts furent transformées en élevages.
La vague de déplacements forcés connut une forte augmentation durant la première moitié de la décennie 90, lorsqu´entrèrent en jeu les politiques néolibérales facilitant les investissements des sociétés multinationales, qui exigeaient la liberté de s´approprier les espaces nécessaires aux mégaprojets de type agricole, minier, pétrolier, portuaire, touristique.
Sous prétexte de lutter contre les incursions de la guérilla, mais en fait surtout pour pouvoir exercer le contrôle économique et politique de certaines régions du pays, fut créé en 1977, le Plan Colombie, stratégie militaire financée par les Etats-Unis. Les chiffres de déplacés atteignirent alors des sommets inégalés précédemment. Bombardements, arrestations massives, criminalisation des mouvements sociaux, forte présence militaire dans certaines régions permettent de comprendre un tel accroissement.
Au début de cette décennie, les chiffres diminuent, tout en restant élevés. Cela s´explique par le fait que d´immenses extensions de terres ont déjà été vidées de leurs populations et que les besoins ne sont plus aussi grands. Le gouvernement colombien a promu une législation qui légalise les expropriations des déplacés et assure l´impunité des nouveaux propriétaires : loi de développement rural, loi de justice et paix, loi des mines, loi du pétrole, etc.
La condamnation du Tribunal porta sur trois séries d´acteurs : le gouvernement colombien, comme coupable de ce qui s´avère être une politique d´Etat ; les grands propriétaires terriens et les entreprises nationales et internationales, impliquées dans ce modèle de croissance économique ; les gouvernements étrangers, qui directement ou indirectement appuient l´Etat colombien, c’est-à-dire les Etats-Unis avec leur aide militaire et économique, l´Union européenne, avec ses programmes de coopération et plusieurs Etats qui appuient leurs entreprises nationales en Colombie, tels que le Canada, l´Espagne, la Suisse, la France.
Le président Uribe expliqua sa solution, le jour même du jugement du Tribunal, lors d´une visite de membres du Parlement latino-américain : « Les problèmes seront résolus, a-t-il déclaré, cas par cas », ce qui individualise un problème structurel et marginalise les mouvements sociaux et le processus sera administratif et non judiciaire, ce qui entraîne l´impunité des responsables qui par ailleurs voient leurs titres de propriété légalisés par d´autres dispositions légales.
Alors, libérer Ingrid Betancourt, oui et tout de suite. Mais la communauté internationale pourrait aussi se préoccuper des millions d´autres Colombiens qui n´ont pas de nom.
Messages
1. ingrid betancourt,bien,mais les autres, 8 mars 2008, 18:51
SILENCE COMPLICE DES MEDIAS FASCISTES A LA BOTTE DES ETATS UNIS ET DE L OTAN.
Il s’est passé la même chose en Afrique et dans les autres pays d’Amérique du Sud.
IL FAUT TAGUER LES MURS DE TOUTES LES VILLES. REBELLION GENERALE CONTRE LES MENSONGES.
Des phrases simples :
"
SILENCE COMPLICE DES MEDIAS FASCISTES."
"CETIM PLAN COLOMBIE GOOGLE"
J’ai déjà commencé à le faire dans ma ville. Tous les jours, des centaines de personnes passent devant ces phrases écrites en rouge. Il ya de grosses flèches rouges pour qu’ils les voient bien.
Greenwich.
1. ingrid betancourt,bien,mais les autres, 8 mars 2008, 19:15
...et ils doivent surement se demander ce que la mairie attend pour venir nettoyer ...haha (rire jaune)
2. ingrid betancourt,bien,mais les autres, 9 mars 2008, 09:11, par caroleone
Merci pour ces précisions qui nous permettent d’avoir autre choses que ce que nos media nous servent à la sauce américaine.
C’est sûr que des milliers de Colombiens souffrent et que se focaliser toujours sur une personne ( même si la famille Betancourt met tous les otages dans son combat) me parait tellement minime comparé à cela.
Pourquoi n’entend t-on jamais parler d’autre chose que des otages des FARC en ce qui concerne la Colombie ?
Peu de personnes savent que ce pays est en guerre civile depuis plus de 40 ans !!
Heureusement que des sites comme Bellaciao existent et merci au passage pour cette opportunité !
Caroleone
http://cocomagnanville.over-blog.com/
3. ingrid betancourt,bien,mais les autres, 9 mars 2008, 15:05
source svp ?