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Nicolas Sarkozy débouté, sa poupée vaudou reste en vente

Publie le mercredi 29 octobre 2008 par Open-Publishing
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de Thierry Lévêque

Invoquant la liberté d’expression et le droit à l’humour, le tribunal de Paris a repoussé mercredi la demande de Nicolas Sarkozy de retirer de la vente une poupée vaudou à son effigie nantie d’épingles permettant de fustiger symboliquement ses idées et son action.

C’est la première fois qu’un président en exercice est débouté dans une action judiciaire.

"Cette représentation non autorisée de l’image de M. Sarkozy ne constitue ni une atteinte à la dignité humaine, ni une attaque personnelle, et s’inscrit donc dans les limites autorisées de la liberté d’expression et du droit à l’humour", estime le tribunal.

"La mesure de retrait de la figurine sollicitée serait en l’espèce d’autant plus disproportionnée que cette particulière liberté de ton est plus largement admise lorsqu’elle vise des personnages publics", ajoute-t-il.

La maison d’édition K&B, à l’origine du concept, a également commercialisé une poupée à l’image de Ségolène Royal, qui n’a pas engagé de procédure.

Le chef de l’Etat et l’ex-candidate socialiste à la présidentielle "ont tous deux focalisé l’attention du public sur leur personne en mettant en avant leur image dans leur communication politique", relèvent les juges.

L’avocat du président, Me Thierry Herzog, qui soutenait que le produit portait atteinte au "droit à l’image" du chef de l’Etat, a précisé qu’il se prononcerait sur un éventuel appel en fin d’après-midi.

Il s’est refusé à commenter le jugement, mais a estimé que la poupée vaudou n’était pas comparable à la marionnette des Guignols de l’Info ou à des caricatures de presse.

"La poupée est donnée en cadeau, je n’ai pas demandé le retrait de l’ouvrage (le manuel vaudou, NDLR) qui accompagne la poupée", a souligné l’avocat.

Me Herzog s’appuyait sur deux précédents : dans les années 70, Valéry Giscard d’Estaing avait obtenu le retrait d’un jeu de cartes à son effigie et Georges Pompidou l’interdiction d’une publicité utilisant une photographie où il figurait.

"PROTESTATION LUDIQUE"

L’ouvrage de 56 pages "Nicolas Sarkozy, le manuel vaudou" est vendu depuis le 9 octobre avec un lot de douze aiguilles. Il est tiré à 20.000 exemplaires, celui concernant Ségolène Royal à 12.000 exemplaires.

Alors que ses prédécesseurs s’en abstenaient presque totalement, Nicolas Sarkozy a multiplié depuis son arrivée à l’Elysée les plaintes et les procédures judiciaires - notamment contre la compagnie aérienne Ryanair et l’ex-patron des Renseignements généraux Yves Bertrand.

Ce choix est critiqué dans les milieux judiciaires car le chef de l’Etat est en position de donner des consignes au parquet, via son ministre de la Justice, et parce qu’il signe les nominations de certains magistrats.

Le manuel vaudou, une biographie satirique et humoristique, et sa poupée sont devenus l’un des best-sellers des sites de vente par internet depuis l’annonce de la plainte de Nicolas Sarkozy, relayée par les médias à l’étranger.

Les lecteurs sont invités à planter les épingles dans la poupée, sur le mode du rituel de malédiction prêté au vaudou, cette religion d’origine africaine très implantée dans les Antilles.

Il s’agit ainsi de stigmatiser symboliquement certains des slogans-clefs du président ou des mentions rappelant son action, qui sont inscrits sur la poupée.

Ainsi peut-on épingler "Casse-toi, pauv’con", "Racaille", "Travailler plus pour gagner plus", "Immigration choisie", "La France, tu l’aimes ou tu la quittes", ou encore "Paquet fiscal", "Tests ADN" "Kadhafi", "Yacht", "Fouquet’s" et "Bigard".

Il s’agit selon le tribunal d’une "oeuvre de l’esprit, composée de deux supports indissociables, qui véhicule des informations et des idées". Le tribunal note qu’on invite à mortifier symboliquement non l’homme, mais ses idées, en guise de "protestation ludique et d’exutoire humoristique".

"Même s’il peut apparaître déplaisant d’inciter le lecteur à planter des aiguilles dans une poupée à l’effigie d’une personne, (...) le juge n’a pas à apprécier le bon et le mauvais goût", dit le tribunal qui observe par ailleurs que nul ne peut prendre au sérieux le procédé vaudou en question.

Les éditions K&B se proposent d’étendre le concept à d’autres hommes et femmes politiques français s’il "fonctionne". PARIS (Reuters)

Edité par Sophie Louet

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