Accueil > Patron, l’addition !
de Michel Guilloux
L’arrêt du Conseil d’État sur le temps de travail dans l’hôtellerie-restauration met en lumière la duplicité d’un patronat attaché bec et ongles à des pratiques d’un autre temps, et d’un gouvernement qui n’a fait que l’encourager dans cette voie, toutes ces dernières années. Le réveil subit des pouvoirs publics n’a d’égal que sa complicité dans l’enlisement du chantier des droits de 800 000 salariés à disposer d’une convention collective digne de ce nom. Ses réponses au prétendu « flou juridique » dans la décision de justice rendue mercredi vont, encore et toujours, dans le même sens. Quand le premier ministre appelle à l’ouverture « immédiate » de négociations sur le temps de travail dans le secteur, et précise que celles-ci devraient « porter notamment sur les heures travaillées, sur une nouvelle grille salariale et sur les congés payés », il ne fait que souligner l’ampleur d’un chantier bloqué depuis des années maintenant.
S’il est un domaine où les querelles intestines de la droite s’effacent, c’est bien celui qui réunit dans la même marmite régression sociale et intérêts bien compris, électoraux et autres. On croit avoir mal lu l’AFP qui indique que le ministre de l’Économie, Thierry Breton, a lâché, en un réflexe tout pavlovien, qu’« un certain nombre d’entreprises vont vouloir se délocaliser ». François Bayrou descend de sa barricade rhétorique pour, des trémolos dans la voix, chanter le couplet des « petites entreprises qui font le tissu du pays ». Gérard Larcher, quant à lui, reprend, une fois de plus, mot pour mot l’argumentation patronale.
Pour ne pas être en reste, Nicolas Sarkozy, en tournée électorale au congrès des petits artisans, a surenchéri dans la voie qui est la sienne : la surexploitation des salariés par la généralisation des heures supplémentaires et la suppression de fait de la représentativité syndicale. André Daguin, le président de l’Union des métiers de l’industrie hôtelière, pouvait donc parader et expliquer que ses adhérents n’appliqueraient pas la loi. « On va présenter une nouvelle grille de salaires, basée sur les 35 heures, et là on va bien rigoler », précisait-il. S’ils ne veulent pas trinquer davantage, les salariés de l’hôtellerie-restauration vont devoir peser dans le rapport de forces qui vient de s’engager. L’avancée que représente l’arrêt du Conseil d’État, comme l’ouverture de poursuites aux prud’hommes pour obtenir le paiement rétroactif des heures supplémentaires, peuvent les y engager.
Nul doute qu’un bras de fer s’engage là dans un terreau qui leur est particulièrement défavorable.
Pourquoi se priver de « rigoler », en effet. La « France d’après » du petit Bush français, ces patrons-là la font vivre tous les jours. Au début de l’année, ils ont obtenu ce progrès social sans précédent : l’autorisation de travail le dimanche et les jours fériés pour les apprentis mineurs. Les mêmes ont applaudi au contrat nouvelle embauche, « un contrat d’avenir ». Oh, parfois, il faut savoir donner de la voix, comme on aboie en cuisine sur ses salariés, et, par exemple, menacer d’un vote massif aux élections régionales pour le Front national, lorsqu’on a le sentiment de ne pas être assez entendu.
Mais, en règle générale, ces patrons aux méthodes sociales si attractives ont été bien servis par la droite revenue au pouvoir. Dans un secteur où deux tiers des salariés sont payés au SMIC, le quart de ce salaire au lance-pierre est pris en charge par les fonds publics de l’État. Ministre de l’économie en 2003, Nicolas Sarkozy avait déjà enclenché des aides, toujours prises sur le budget de l’État, qui, à la fin de cette année, représenteront la bagatelle de quatre milliards d’euros. Avec le chantage des « 35 heures payées 35 », le patronat fait maintenant monter les enchères à son profit, dans un secteur où l’éclatement et la taille des entreprises favorisent l’isolement des employés. Un vrai laboratoire des rapports sociaux dont rêvent la droite et le MEDEF, pour tout le pays, en somme.
http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-10-20/2006-10-20-838950
Messages
1. > Patron, l’addition !, 21 octobre 2006, 21:02
Eh oui, mainteant on paye le restaurant s’en y aller ! Qui l’aurait cru ?
1. > Patron, l’addition !, 21 octobre 2006, 22:35
Il n’est pas certain que ce soit la bonne méthode. Il y avait eu des négociations, notamment sur des semaines de congés en plus.
Charger la barque avec la rétroactivité...
Du coup, la Parisot va fustiger les 35H.
2. > Patron, l’addition !, 22 octobre 2006, 23:50
En plus de l’autorisation de travailler les dimanches et jours fériés, la loi du début de l’année autorisait également le TRAVAIL DE NUIT pour les mineurs, dans toutes les branches où ce temps de travail pouvait "se justifier" : boulangerie, restauration hôtellerie, courses hippiques, spectacles, etc...
Le retour au régime "normal" des 35 heures en fait va faire perdre de l’argent aux salariés de la branche. le SMIC hôtellier tenait compte des 4 heures sup./semaine et donc était supérieur au SMIC commun. Et si la 6ème semaine de congés payés était réellement accordée, c’était également un bel avantage. Pour les salariés des petites entreprises de moins de 20 salariés, réclamer le paiement des heures supplémentaires en s’appuyant sur la rétroactivité de la décision du Conseil d’Etat risque dêtre dangereux : les HS ne seront rémunérées qu’à 110% (100 + 10) et les employeurs seront en droit de demander le remboursement de la 6ème semaine accordée !!!! Il se peut même qu’en fin de compte, le salarié doive de l’argent à son employeur !
On peut se demander ce qui est passé par la tête de la CFDT qui a engagé cette action auprès du Conseil d’Etat ????