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Petite histoire de "la dictature du prolétariat"
Publie le lundi 17 décembre 2007 par Open-Publishing14 commentaires
La lecture, dans l’Huma, du point de vue de Gérin sur « la dictature du prolétariat » motive ma réaction, et mérite, selon moi, quelques précisions.
1- Cette manoeuvre idéologique est le résultat de la constatation, faite en 76, par la direction du Parti, que le PS profitait bien plus de la signature du programme commun que nous, et que c’était dangereux pour son application en cas de victoire ! Ce qui était juste.
2- Elle en déduisit que c’était à cause du « retard de 56 » que des électeurs nous quittaient. Ce qui n’était que partiellement vrai puisque tous revenaient vers le Pc pour les élections locales ou pour les 2° tours des législatives. En fait cette attitude était plus tactique qu’idéologique, voter PS ou PC c’était voter pour le même programme, donc on va vers celui qui peut battre la droite. C’est l’effet pervers, et prévu (Voir rapport, non publié, de Marchais au CC de juillet 72) de l’accord de 72.
3- Mais, la direction ne croît pas la base du parti soit capable d’attaquer, sans dommage, le « retard de 56 », c’est à dire le stalinisme, elle se rabat alors sur sur une critique latérale, le concept de Marx de « la dictature du prolétariat ». Elle monte une manip (voir dernier livre de Juquin) pour faire passer cette pilule qui, en définitive, en tendant à faire de Marx le bouc emissaire des crimes staliniens, provoque, sans soigner le mal, une foule de dégats, immédiats et ultérieurs. Les écoles du parti ne résisteront pas à cet abandon. Comment expliquer Marx, le rôle de l’Etat et son dépérissement ultérieur en reniant la « dictature du prolétariat » ?
4- A partir de là, et çà Marchais ne l’a pas vu venir, l’unité du parti était menacée, la déviance réformiste peut s’étaler jusqu’au résultat que chacun peut constater aujourd’hui (R Hue utilisant, entre temps, le même procédé contre le « centralisme démocratique » de Lénine).
Sauf que ces calculs primaires se heurtent, en France, à une réalité bien assise : il y a déjà un parti réformiste sur le tarmak, et il occupe tout l’espace ! Tout au plus, peut-on dégager quelques strapontins. Sur lesquels lorgnent, apparemment, MGB et son staff.
Mais la France n’est pas couverte que de réformistes à l’eau tiède, depuis deux siècles, des prolos rebelles regimbent devant la dictature de la bourgeoisie, Babeuf, Blanqui, les communards, la SFIO avant 1914, le PC aprés 1920, ont su les rassembler pour décrocher, sinon la lune, du moins quelques jolies timbales.
C’est là, l’objectif principal du congrés de 2008. Si les révolutionnaires marxistes s’unissent sur un programme simple : Marx, rien que Marx, mais tout Marx, le réformisme passera à la trappe. Mais, disons-le tout net, cette union n’est possible qu’à partir d’une critique impitoyable, et sous tous ces aspects, du stalinisme !
CN46400
Messages
1. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 13:35
DE LA DICTATURE DU PROLETARIAT A L’ALTERDEMOCRATIE
Effectivement en 1976 Balibar avait produit contre G Marchais et la direction du parti une défense de la dictature du prolétariat ( chez Maspéro « Théorie » ). L’ouvrage avait eu son impact. En 1978 la LCR et la IV publiait une brochure « Démocratie socialiste et dictature du prolétariat » qui inscrivait cette dernière dans le pluripartisme et sa compréhension de l’époque de la nature de l’URSS.
Mais lors de l’élaboration des nouveaux statuts de la LCR il y quelques années 2003 je crois la dictature du prolétariat a disparue, non sans débat. François OLLIVIER a réagi comme Balibar :
http://www.lescommunistes.net/~achalma/lcr_ddp.html
–
Aujourd’hui la question de la démocratie socialiste se pose sous une forme euphémisée, celle de l’alterdémocratie. :
Introduction : aller vers une autre démocratie, citoyenne et populaire
http://www.local.attac.org/35/Introduction-ALLER-VERS-UNE-AUTRE.html
L’autre démocratie étend l’intervention démocratique dans la planification des grands choix de production pour le développement durable. Elle bouscule aussi les rapports de pouvoir dans l’entreprise (cf réponse de Copas à un de mes textes sur Bellaciao)
La démocratie socialiste abolie le rapport social capital/ travail et accomplie l’autogestion du salariat tant dans l’entreprise qu’au plan de la société. Certains y voient l’abolition du salariat, d’autres comme Friot la disparition de la bourgeoisie.
Christian Delarue
1. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 18:00
Dans le raisonnement de Marx, la dictature du prolétariat n’est que l’antithèse de la dictature de la bourgeoisie qui utilise l’Etat pour imposer ses intérêts : "le gouvernement moderne n’est qu’un comité gérant les affaires communes de la bourgeoisie toute entière" (Le Manifeste).
Il ne dit rien, dans le Manifeste, de la forme que peuvent prendre ses "dictatures". Pas plus que Lénine, il ne prend le parti du monopartisme ! L’Etat est un outil entre les mains de la classe dominante pour soumettre la classe dominée. L’Etat prolétarien dépérira lorsqu’il ne sera plus necessaire de dominer la classe bourgeoise déchue, celle-ci étant suffisamment affaiblie pour ne plus pouvoir restaurer son pouvoir (sa dictature) politique.
CN46400
2. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 14:55
On tient le bon bout CN 46400, de ce point de vue je crois que nous sommes nombreu-s-es/x à partager cet avis.
LL
3. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 18:48
La fin du centralisme démocratique date du dernier congrès de Georges MARCHAIS, fin des années 80 si ma mémoire...
Je ne pense pas que le retour à ce fonctionnement pyramidal donnera une plus grande efficacité à l’action du PCF.
il y a beaucoup de boulot pour reconstruire des repères de classe. en toute lucidité.
GB26100
1. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 21:08
Tout dépend de ce que l’on met dans le flacon. Si on y met le système stalinien, évidemment ça ne peut pas entousiasmer les foules, si on dit seulement que les décisions prises à la majorité doivent être respectées par la minorité on devient tout simplement sérieux. Et à condition, bien sûr, d’introduire dans les statuts une procédure sérieuse pour contrôler les votes.
CN46400
4. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 21:33
En réfléchissant à la question sans que j’ai certitude de mes conclusions :
Le terme de dictature (du capital ou du prolétariat) était dans l’air du temps à l’époque de Marx également par deux rebonds historiques : La grande révolution de 1789 et les dictateurs au sens de la Rome antique. Le terme n’avait pas même sens populaire et intellectuel à l’époque par rapport à maintenant. Comme Marx traite beaucoup la question de la révolution de 1789 et la dictature enclenchée pour briser les reins de l’ancien régime (dictatorial), ça a dû nécessairement l"influencer dans le choix des mots.
Une espèce d’autorisation à utiliser les pleins pouvoirs en période de menaces graves sur un système (internes ou externes), bref des pouvoirs d’exception.
Il est fort possible, à l’époque de Marx, que cette double influence ait joué et pas seulement l’impact de la violence du règne de la bourgeoisie.
De plus cette dictature (du prolétariat) est le fait d’une classe, pas une notion vague de dictature prolétarienne, pas une dictature sur le prolétariat, ni de gens prétendant en être les représentants, ni d’une faction sur une autre faction, non c’est la dictature du prolétariat ou, autrement dit, le pouvoir des travailleurs ; comme il y a le pouvoir du capital.
Lénine en précise le propos (je n’ai pas les citations précises mais c’est le sens) en parlant du plus démocratique des systèmes. On accordera à cet homme de ne pas utiliser des mots par opportunisme. C’est la majorité sociale qui se donne les moyens d’empêcher les exploiteurs de renverser une société qui va vers le communisme. Si il parle de démocratie en termes concrets (ce n’est pas une démocratie au sens éthéré, ni une démocratie au sens étriqué bourgeois) ce n’est pas pour du beurre. Donc Dictature et démocratie.
Ou, autrement dit, pouvoir du prolétariat démocratiquement organisé. Je ne vois pas d’autre sens de la conception de Lénine de la dictature du prolétariat, même si il opèrera sur sa définition une série d’entorses graves dans la pratique (Lénine trahit Lénine) pendant 2 à 3 ans .
Le regard de Luxembourg est d’ailleurs lumineux sur tous ces aspects de tant du pouvoir des travailleurs que des conditions de liberté nécessaires à son épanouissement .
Dans la pratique du processus révolutionnaire russe , le terme de dictature du prolétariat allait connaitre une première corruption de son sens, par la contrainte d’une guerre civile effroyable , par le fait que la classe ouvrière fut décimée (au sens premier du terme) , par l’apparition d’une caste, bureaucratie occupant les "chaises" libres du pouvoir, de bas en haut, laissées vacantes par un prolétariat et une paysannerie pauvre épuisée et exsangue.
La dégénérescence rapide du système russe avec l’apparition d’une nomenclatura exerçant dictature sur le prolétariat et la société allait donner une nouvelle accélération de la dévaluation du terme. Et fournir une interprétation (de la part des stalinistes), morbide, masochiste et répressive contre les travailleurs et l’immense majorité de la population (inversion totale du sens donné par lénine). Cette perversion trouble encore tous les communistes, dans un sens comme dans l’autre.
Enfin les dictatures bourgeoises extrêmes (fascisme, nazisme,...) allaient finir par défenestrer complètement le sens du terme dictature du prolétariat, les caricatures pourrissantes du stalinisme russe, ainsi que les désaxages complets des régimes khmer rouge et maoïste , achevant la possibilité d’utilisation efficace du terme .
Il ne s’agit donc pas de mener un débat pour ou contre la dictature du prolétariat mais d’en restaurer le sens, en conformité à l’entendement actuel des mots par les travailleurs et les couches populaires. Et de s’attacher à la signification concrète du principe qui permette de ne pas prêter à confusion avec les régimes de castes, avec les régimes dictatoriaux bourgeois de phase répressive, tout en se décalant de ceux pour qui ce qui gène le plus dans la dictature du prolétariat c’est, et bien, que le prolétariat dirige et ne soit plus soumis au règne du capital !
Je suis donc pour l’abandon de mots dont le sens a été largement perverti pour mieux en préserver le sens de fond .
Une dernière phrase sur le fait qu’on accuse tout d’être à l’origine de tout, de Marx à Lénine, comme descentes (de lit) obligées pour les petites petons de Staline , cette belle phrase de Victor Serge (citation approximative, à vérifier) :
Copas
1. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 21:41
Victor Serge, à découvrir ce combattant de la liberté :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Serge
Copas
2. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 17 décembre 2007, 22:42
Bien sûr, le mot "dictature" sous la plume de Marx, en 1848, n’a pas, exactement, le même sens qu’il a pris aujourd’hui, aprés les épisodes Hitler, Franco, Mussolini, Staline etc... Il s’agit plutôt du "diktat" des intérêts d’une classe, bourgeoisie ou prolétariat, sur les interêts de l’autre. Et en aucun cas de dictature individuelle. Ce qui ne préjuge nullement du régime politique, démocratie, autocratie etc.. qui régit les rapports interne de la classe au pouvoir.
Etant entendu que, pour moi, les rapports internes du pouvoir prolétarien ne peuvent, durablement, qu’être démocratiques.
CN46400
3. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 18 décembre 2007, 02:52
« Il ne s’agit pas de faire ce qu’ont fait nos anciens mais de faire ce qu’ils auraient fait s’ils étaient à notre place. » Je ne sais plus qui a dit ça, mais ça doit vouloir dire : tout Marx, d’accord, mais lui est mort et nous, nous sommes vivants.
Et la démocratie, en tant que processus de décision collective et si tant est que l’on doive garder ce terme pour le qualifier (à mon avis non), ce n’est pas forcément le vote et la loi majoritaire. Même si nous sommes tellement conditionnés à cette manière de voir et de penser que nous pouvons difficilement en imaginer un autre dans une société aussi complexe. La “complexité” étant elle-même une représentation pour nous empêcher justement d’imaginer autre chose.
Une réflexion sur ce thème était intéressante, même si son auteur a mal tourné à la fin (mais faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?), c’était celle de Gérard Mendel sur l’acte pouvoir collectif. (Par ex : Vers l’entreprise démocratique)
4. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 18 décembre 2007, 08:39
Pour paraphraser un anti communiste bien connu (Churchill), je dirais que "la démocratie est le pire des système à l’exeption de tous les autres". Ceci dit, c’est une construction humaine donc sans cesse perfectible, asymptotique disent certains, on s’approche de la perfection sans jamais pouvoir l’atteindre.
L’exemple du débat sur le nucléaire est édifiant. Des spécialistes, parfois auto proclamés, utilisent la peur, ou l’enjoliement, pour gagner à leur thèse respective, des ignares pourtant directement intérêssés par le pb et dont "l’ignarité" ne fait que croître au fil du temps. Ce qui est pourtant à l’opposé de l’objectif proclamé par tous.
Mais la démocratie politique atteint ses limites quand des citoyens disposent de moyens, médiatiques, économiques (voir les pénuries récentes de lait au Vénézuela), exorbitants par rapport à la moyenne des électeurs. Et ces limites ne pourront être dépassées que lorsque la bourgeoisie ne pourra plus exercer sa "dictature" infiniment minoritaire ; supplantée qu’elle sera par la "dictature du prolétariat", immensément majoritaire. Marx, toujours Marx !
CN46400
5. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 18 décembre 2007, 09:18
Il y a quelques ambigüités qu’il convient de dissiper dans tout ça :
Oui le pouvoir des travailleurs s’organise démocratiquement , oui il prend le pouvoir démocratiquement. Ce qui ne signifie en rien que cela se fasse par une majorité dans un parlement.
Les décisions et l’exercice du pouvoir dans les entreprises, les grands groupes financiers, doivent être l’œuvre des travailleurs, et cela ne peut se faire que par de considérables libertés garanties par une pratique et une démarche constitutionnelle qui s’insèrent dans des décisions légitimes et incontestables de confiscation des intérêts bourgeois et de gestion des entreprises par les travailleurs et donc prises par une majorité des travailleurs (pas pour opprimer une minorité de travailleurs).
Il faut arrêter les explications fumeuses sur après demain où une partie de la démocratie dépérira (dictature d’une majorité) qui affaiblissent au présent et font sainte alliance entre un idéal "dictatorial" bureaucratique et certains conceptions libertaires.
Qui décide ? Toi ? Moi ? Un comité central ? Un leader ? "par un prompt renfort nous arrivâmes 3000 au port ? L’assemblée nationale ? Le président de la république ? des généraux en rupture de ban ? Ca c’est bon au maximum sur un court moment ... et encore...
Qui gère ? Dans mon entreprise ? (pas de théorie fumeuse soyons concrets !). Les travailleurs dans l’entreprise de semi-conducteurs vont-ils se lever d’un seul élan ? Non ! Ils auront des divergences, et s’exerceront des décisions majoritaires , donc des nécessités de codification de droits de tous dans cet exercice de contrôle du pouvoir !
Avant que cette gestion n’arrive en pilotage automatique il y aura bien des exercices d’une majorité face à une ou des minorités . On se saisit des comptes ? oui non ? comment ? On organise , dans le processus révolutionnaire , la défense de l’entreprise, comment ? Tout ça ne se fait que sur la base d’une légitimité incontestable et cette légitimité ne peut se faire sans organisation du pouvoir des travailleurs, celui-ci s’exerçant que dans une codification des règles de décision démocratique parmi eux.
Il se passera longtemps avant que la démocratie ne soit dépassée, si pour autant qu’elle ne le soit un jour comme mode le meilleur pour les travailleurs pour faire fonctionner une société (évidemment je ne parle pas du croupion de démocratie comme on l’a dans nos sociétés). Demain nous hériterons d’un monde où l’humanité devra prendre des décisions terribles, par exemple pour rattraper les désastres que le capitalisme a infligé à la nature et par ricochets aux hommes.
Des décisions devront être prises, des choix faits, des rythmes choisis d’applications de celles-ci.
Et ça ne pourra se faire par un leader charismatique ou par une espèce de consentement implicite de tous. Ca fera l’objet de désaccords brutaux, acharnés.
La codification de droits de minorités devra être organisée, et donc seront déterminés les limites du despotisme de la majorité démocratique. Mais il y aura quand même démocratie longtemps encore.
Les champs ainsi de limites des prérogatives du despotisme majoritaire seront limités par le droit des minorités , le droit des individus. C’est sur le respect de ces droits , leurs extensions progressives, que des morceaux de démocratie dépérissent dans le bon sens au profit de quelque chose de supérieur, de plus humain et plus respectueux encore des libertés .
Mais l’exercice démocratique pour restreindre le pouvoir bourgeois sera un acte de despotisme majoritaire.
Le pouvoir des travailleurs devra à un moment prendre des décisions enlevant le pouvoir concret de la bourgeoisie et se préparer aux réactions violentes de cette classe pour conserver ses privilèges. Ce pouvoir ne peut s’établir que démocratiquement parmi les travailleurs, sinon d’autres qu’eux vont l’exercer , reconstruisant ainsi le principe de l’inégalité et du pouvoir bourgeois, en passant par la case nomenclaturiste.
Ces questions là ne sont pas philosophiques et il faut se blinder dessus pour n’être pas surpris quand elles se poseront au concret. Même si les chemins de la subversion de la société bourgeoise peuvent être surprenants et innovant (garder les yeux ouverts).
Copas
6. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 19 décembre 2007, 03:52
Je reconnais que mon texte est sybillin parce que je voulais faire court, mais autant j’étais d’accord avec ton intervention sur la dictature du prolétariat, autant sur la démocratie j’ai du mal à te suivre. Parce que t’as l’air énervé certainement, mais surtout parce que c’est pas si simple et que le mouvement communiste (pléonasme) ne s’en est pas dépatouillé, malgré Luxembourg.
Déjà, il faut se mettre d’accord sur ce quoi on parle, toujours le vieux B.A.,BA (et c’est du parler, pas du concret, forcément puisqu’on parle. Mais on peut au moins se faire confiance sur le fait de parler en utilisant nos expériences concrètes respectives).
Pour moi, la dictature du prolétariat ne peut s’établir que par l’insurrection puisque justement la démocratie est bourgeoise et qu’elle a été inventée pour que la bourgeoisie garde le pouvoir en se passant un peu de la matraque.
Ce n’est qu’après la prise de pouvoir des prolétaires que l’on se confronte au processus de décision collectif communiste que tu peux continuer à appeler démocratique si tu veux mais ça n’en dit rien de plus.
Donc se posent (toujours) les questions :
1 -comment se décide l’insurrection (pour moi, l’insurrection n’est pas forcément violente, une bonne grève générale jusqu’à la victoire en s’appropriant pour durer notre production suffirait. Sauf que comme on n’est pas naïfs, on sait bien que c’est la bourgeoisie qui est violente et qu’elle nous enverra les flics puis l’armée) sachant que nous sommes à ce moment là dans un modèle bourgeois et que tous les prolétaires ne sont pas révolutionnaires ?
2 - une fois le pouvoir pris (avec la nécessité évidemment de définir le pouvoir et de ne pas prendre la forme pour le fond. C’est-à-dire que pour les prolétaire le pouvoir est fondé sur l’acte collectif de production alors que pour les bourgeois il est fondé sur la propriété privée ; la forme politique étant différente selon l’option, d’où la démocratie... bourgeoise ! Eh, Eh).
3 - quelle est la relation entre le processus de décision pour l’insurrection, le processus de décision pendant la dictature, le processus de décision après la dictature (fin des classes) du prolétariat ?
Tout cela a certes fait l’objet de beaucoup d’écritures dans lesquelles nous puisons nos références respectives (mais Marx toujours !), c’est-à-dire, selon toi, pas concret, mais dans notre concret quotidien à nous, on est toujours aussi mal barré et toujours aussi loin de l’insurrection que de ce que tu appelles démocratie (et je ne te fais pas de procès d’intention sur le sens que tu lui donnes, seulement il me semble, dans le droit fil de ton interrogation sur l’utilisation du mot dictature, qu’il mérite aussi qu’on le questionne).
Et qu’il nous appartient, parce que c’est nous les vivants, de nous en dépatouiller.
Je ne suis pas ton ennemi. T’énerves pas après moi.
91 235
7. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 19 décembre 2007, 09:23
Oui excuses moi....
Je me suis emporté ...
C’est que j’ai tendance à voir trop ces derniers temps le vieux courant qui sommeille et se réveille par à-coups qui est pour la socialisation, ou la collectivisation des moyens de production sans préciser qu’elle ne peut se faire que sous gestion des travailleurs.... Cette conception ré-introduit avec une régularité de métronome les façons de commander de la bourgeoisie, l’esprit hiérarchique et inégalitaire, et puis une nomenclatura rutilante qui passe d’un bloc bourgeoise.
La question de la dictature du prolétariat, encore une fois, c’est la dictature d’une classe, la classe majoritaire, pas d’une faction, pas de géniaux révolutionnaires (il vaut quand même mieux qu’ils soient géniaux). Quand il y a (et il y a toujours) différence entre les deux (entre qui exerce au concret l’expression, le pouvoir du prolétariat et le prolétariat) il y a nécessité d’être sur une trajectoire qui liquide cette différence, avec échéancier, actes concrets, etc...
Mais de toute façon, à quelque segment que tu te places du processus, s’attaquer aux droits, libertés de débat, libertés d’organisation des travailleurs et surtout pouvoirs de décision exprimés démocratiquement (je ne parle pas là des municipales ou des législatives !) c’est s’attaquer aux travailleurs, leur pouvoir, bref remettre en cause la dictature du prolétariat.
Le problème des travailleurs c’est qu’à la différence de l’ascension de la bourgeoisie ils n’ont accumulé pratiquement aucun pouvoir, très peu d’expérience de gestion , et que le peu accumulé n’a souvent permis que de constituer des couches qui, au final, sont absorbées par le capitalisme, après s’être positionnées entre ce dernier et les travailleurs.
Les obstacles sont donc difficiles à franchir. Dans les "vieilles démocraties" , la bataille de classe fait souvent du sur-place pendant des années voir des dizaines d’années (Europe, Japon), il s’ensuit que se décante une couche intermédiaire qui ne vit que par sa position d’intermédiaire construit sur un compromis capital-travail (la nouveauté c’est que ça ça vole en éclats)... Cette couche (ou bureaucratie) n’aspire souvent, comme la bourgeoisie de naguère quand elle était invitée dans les bals et cérémonies de la magnificence royale , qu’à s’entendre avec la bourgeoisie.
Elle est un obstacle qui s’additionne du fait de l’inexpérience de gestion et de pouvoir des travailleurs... Le plus merveilleux dans cette affaire c’est que cet obstacle est en même temps l’organisateur des travailleurs. Bon mais tout cela vole en éclats en ce moment sous la poussée du nouveau cours de la bourgeoisie. La bataille devient âpre. Les couches particulières qui se sont installés en intermédiaires sur du grain à moudre ne comprennent pas ce qui se passe quand le grain n’existe plus ...
Alors ? Insurrection ? Je n’en sais rien, processus long d’accumulations d’expérience de gestions ? mixs de tout combinés avec des victoires électorales ?
Toujours est-il que, quelque soit le processus, les organes démocratiques des travailleurs doivent toujours avoir raison dans un processus.... Si par exemple la direction de la bourgeoisie saute et que tu as un gouvernement qui veut aller vers le socialisme et qu’à un moment il y ait conflit entre des comités démocratiques de travailleurs et la direction d’entreprises nationalisées, voir conflit entre ce que pense juste le gouvernement "révolutionnaire" et les choix des travailleurs, ce sont bien les travailleurs qui doivent avoir raison. Leurs pas et leur apprentissage du pouvoir priment sur tout. C’est le sens du processus vers le pouvoir des travailleurs, de la dictature de la classe majoritaire .
(Chavez , Vénézuela, les contradictions entre des petits germes de pouvoir des travailleurs et le souffle révolutionnaire qui joue dans le pays au travers de son gouvernement. Ce qui explique les faiblesses et même la victoire du Non en partie).
Dans les grands pays industriels nous avons une chance énorme : L’immense niveau d’études des travailleurs (j’emmerde ceux qui disent que le niveau baisse, ils ne savent pas de quoi ils parlent), leur grande connaissance collective des processus à l’œuvre de direction des entreprises, une grande intellectualisation du travail (+ de 50% se servent d’outils informatiques dans le cadre de leur travail) , de profondes habitudes de circulation de l’information, tout ça sous nécessité du capital.
Ce champ collectif et individuel, il s’agit de le transformer en outil de préparation à la gestion directe des entreprises. En armes de décision collective (ce que nous faisons là). La chance actuelle c’est que des débats ne sont plus réduits à un quarteron intellectuel isolé (qui essaye des fois toujours de fonctionner sans avoir pris pleinement connaissance de son élargissement gigantesque) , aux aléas d’un bureau politique bunkerisé, mais sont à portée intellectuelle, comme à portée de souris (et pas seulement de gros rats...) des travailleurs.
Ce capital là il faut lui donner pendant organique, expression collective. C’est l’enjeu pour réduire à peu de choses la différence dans le mouvement concret entre un pouvoir démocratique des travailleurs naissant (notre vieille dictature) et la fureur des processus révolutionnaires avec une vieille classe rouée, sans complexe et habituée elle à toutes les gestions (autoritaires ou de chevauchement du tigre).
Mais encore faut-il que les révolutionnaires saisissent que l’effort principal c’est toujours le renforcement des capacités d’organisation démocratique des travailleurs, c’est là que ça se joue, c’est le levier qui fait basculer une situation tout en étant l’objectif même sur moyen terme.
Fraternellement, avec mes excuses encore....
Copas
8. Petite histoire de "la dictature du prolétariat", 19 décembre 2007, 20:17
Bien reçu la réponse, Copas. Pas de blème. Débat à poursuivre ... et à mettre en œuvre, ce qu’essaient de faire pas mal de camarades, je crois, dans les syndicats de base.
Salut,
91 235